Le Génie de la nation, ou les Moralités pittoresques, pièce héroïcomique en vaudevilles, par M. Olivet, Publication : Paris : tous les marchands de nouveautés, 1789.
Joué e sur le Théâtre des Associés.
Dans la Bibliothèque dramatique de Monsieur de Soleinne, tome 3, p. 8la pièce de Fabre d'Olivet est décrite comme une « pantomime mêlée de vaudevilles ». Elle serait « la même pièce que la précédente [le Génie national,ou l'Instruction publique], avec beaucoup de changements qui la rendent révolutionnaire, de royaliste qu'elle était ».
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez tous les Marchands de Nouveautés, 1789 :
Le Génie de la nation, ou les Moralités pittoresques, pièce héroïcomique en vaudevilles, par M. Olivet.
Une main anonyme a ajouté :
Représenté pour la premiere fois sur le Theatre des associés, le 1789.
Avant la liste des personnages, on trouve un poème adressé aux électeurs de la ville de Paris :
A MESSIEURS
LES ELECTEURS DE L VILLE DE PARIS.
O vous que l'avenir choisira pour modèles,
D'un peuple vertueux Représentans fidèles,
Citoyens rassemblés du sein des Citoyens,
Qui d'un siècle d'erreur ont brisé les liens,
D'un hommage pompeux étalant l'harmonie,
Que ne puis-je, en des Vers, avoués du génie,
Apprendre à nos neveux étonnés & jaloux,
S'ils font libres encor, qu'ils le doivent à vous !
Fier d'avoir à marquer de si nobles images,
Du bruit de vos vertus j'instruirais leurs courages ;
Heureux sous le laurier qui vous est mérité,
De vous suivre de loin à l'immortalité.
Mais, de ces vains désirs calmant l'effervescence,
Je sens de mes moyens la fatale impuissance,
Qui pourrait en effet décrire vos travaux?
Un héros seulement peut peindre des héros.
Je ne puis que former des souhaits inutiles,
Et laisser cet honneur à des mains plus habiles.
L'Ouvrage, qu'aujourd'hui j'ose vous présenter,
Vous en ferez le prix en daignant l'accepter.
En peignant le Français tel qu'il était n'aguère,
J'ai de quelques erreurs marqué son caractère :
J'ai montré du jaloux les frivoles efforts ;
L'avare dont le fils dissipe les trésors ;
J'ai fait voir des joueurs la perfide finesse,
Et l'amant, qui quittant une belle maîtresse,
Court dans les bras d'un autre, habile en faussetés,
Acheter des plaisirs mille fois achetés.
Mais bientôt, de nos jours contemplant les merveilles,
A chanter ses vertus j'ai consacré mes veilles.
J'ai montré de D'Assas l'héroïque valeur :
D'Assas, qui vient d'avoir plus d'un imitateur.
Mes Vers ont célébré cette troupe aguerrie,
Ces gardes, à jamais l'honneur de leur patrie,
Qui, honteux du marché qu'on osait leur offrir,
En pouvant nous piller ont osé nous servir ;
Et ces héros bourgeois, qui tous, pleins de courage,
Ont arrêté le crime au moment du carnage.
Puis, suivant de mon cœur l'impérieuse Loi,
Au Roi qui nous conquit j'ai comparé mon Roi :
Mon Roi qui lui ressemble & qu'un peuple fidèle
A reconquis du sein d'une secte cruelle ;
J'ai célébré ce Prince émule de Henry ;
J'ai jetté dans ses bras le morderne [sic] Sully,
Et du bonheur Français, symbolisant le gage,
Des ordres réunis j'ai présenté l'image.
Héros de mon pays ! célébrer vos bienfaits,
C'est le plaisir d'un cœur patriote & Français !
PERSONNAGES.
LE GÉNIE DE LA NATION.
UN VIEILLARD.
UNE JEUNE COQUETTE.
UN JOUEUR.
UNE BERGERE.
UN AVARE.
UN PLAIDEUR.
UN GUERRIER & fa fuite.
UN JEUNE PRINCE.
UN GRENADIER.
UNE POISSARDE.
La scène se passe dans le Palais du Génie.
La pièce se compose d'une série de tableaux, au cours desquels toute sorte de gens viennent consulter le Génie qui les éclaire sur leur vie :
-
un vieillard récemment marié perd toute illusion sur la fidélité de celle qu'il vient d'épouser ;
-
une Coquette à qui le Génie fait voir le vrai bonheur, un tendre mari et des enfants en grand nombre, « sort, en promettant de renoncer à ses erreurs » ;
-
un joueur naïf découvre qu'il joue contre des tricheur et déchire ses cartes ;
-
une jeune bergère qui « craint que son amant n'oublie loin d'elle les serments qu'il lui a faits » découvre que ses craintes sont fondées ;
-
un vieil avare voit ses biens dissipés par ses héritiers : il devrait faire un meilleur usage de ce qu'il a accumulé ;
-
un plaideur qui a perdu son procès demande des explications : le Génie lui fait voir comment la justice est rendue par des magistrats corrompus, mais lui annonce aussi que les temps vont changer ;
-
« un jeune militaire » rêvant de servir son Roi voit le chevalier d'Assas, meurt glorieusement et promet avec ses camarades de lutter pour la patrie ;
-
un jeune prince convaincu que son peuple l'aime donne des secours à une pauvre femme et à ses enfants ;
-
dans une « scène cacophonique », une poissarde exige qu'on nomme Louis, « ce Roi chéri de ses sujets », et tous chantent leur bonheur de vivre sous un si bon roi ;
-
quand le fond s'ouvre, c'est Sully et Henri IV qui apparaissent et sont salués par le Prince des tableaux précédents ; c'est ensuite Louis XVI et Necker dont on voit les bustes couronnés de laurier et d'olivier ; « les trois Ordres » se placent sur la scène et apparaît un écriteau associant le Roi et la Nation.
La Bibliothèque Nationale conserve une deuxième version manuscrite de la pièce, dans laquelle les opinions politiques sont loin d'être favorables à Louis XVI et à Necker : le Génie ouvre la pièce en chantant :
Je suis français : ce nom d'un peuple libre
Doit dans vos cœurs rappeler les vertus ;
La Seine enfin est ce que fut le Tibre,
Et les Tarquins ont trouvé des Brutus.
La poissarde fait l'éloge des bons soldats :
J'aime mieux, double Arsenal,
Être votre caporal,
Que si j'étais général
Sous l'ancien régime !
Au lieu de d'Assas, héros royaliste, c'est Désilles, qui a sacrifié sa vie en se jetant devant le canon que les soldats dirigeaient sur les volontaires de la Révolution. La pièce évoque aussi le maire d'Étampes, Jacques Guillaume Simonneau, assassiné pour s'être opposé à la fureur populaire. Et les Trois Ordres sont remplacés à la fin de la pièce par les quatre parties du monde plantant l'arbre de la liberté.
Ajouter un commentaire