Le Génie des Isles noires, ou Quiribirini

Le Génie des Isles noires, ou Quiribirini, mélodrame féerie en trois actes, à grand spectacle, de Frédéric [Dupetit-Méré], musique de Leblanc et Lempereur, 24 juillet 1806.

Théâtre des Nouveaux Troubadours.

Pièce jouée chaque soir jusqu'au 5 août 1806.

Pièce publiée en 1806 chez Maldan. La première est datée du 10 juillet, mais c'est inexact : il a fallu attendre au 24 juillet.

Courrier des spectacles, n° 3458 du 26 juillet 1806, p. 4 :

[Le critique croit bon de nous prévenir : Isles Noires et Quiribirini proviennent de l'imagination de l'auteur, preuve « du génie [de l'auteur] et le cachet d'un grand talent » (on peut penser qu'il y a un peu d'ironie dans ce début). Le résumé de l'intrigue plante un décor assez familier, le monde des Amazones (« mamelle gauche » coupée, et vœu de célibat, au grand désespoir de l'amant de Zuléma, apprentie amazone. La suite du résumé multiplie les références à une mythologie très convenue : un mauvais génie qui prend la place de l'Amour, un anneau magique, une flèche qui transporte l'écuyer du héros, et qui brise les fers de son maître en prononçant le mot magique (Quiribirini). Bien sûr, les Amazones attaquent celui qui veut leur ravir une postulante. Mais l'amant et son bon génie échappent à leur envie de les brûler vifs : l'Amour sollicité il y a bien longtemps les sauve en transformant les flammes en inoffensive gloire d'Opéra. Tout s'arrange, « et les amans sont heureux ». La pièce est montée bien mieux que les spectacles habituels du Théâtre des Nouveaux Troubadours, que le critique ne semble pas tenir en haute estime. En particulier, il rappelle l'étroitesse du lieu pour un spectacle plein de mouvement, et le combat est mené par des effectifs moins maigres que d'habitude. Et les critiques continuent avec le style, qui n'est pas un modèle, ou le peu de connaissance du texte des acteurs, qui ont bien besoin du souffleur. Mais les auteurs sont nommés : la pièce n'est pas tombée.]

Théâtre des Nouveaux Troubadours.

Quiribirini, ou le Génie des Isles Noires.

Parcourez tous les livres d'histoire, de mythologie, de géographie, vous n’y trouverez ni les Isles Noires, ni le Génie Quiribirini. Tout cela est éclos du génie de l'auteur. Les épithètes et le choix des syllabes ne sont pas ici des choses indifférentes  ; supposez une action qui se passe dans cette Isle, un Génie qui se nomme Uriel ou Azraël, tout cela n’aura rien d'étonnant ; mais des Isles Noires, un talisman dont le nom soit Quiribitini, voila déjà du génie et le cachet d'un grand talent.

Ces Isles Noires ne renferment au reste-que des Amazones : ce qui se rapproche déjà des idées vulgaires. Ces Amazones reçoivent des novices ; une des postulantes est Zulema ; c’est l'amante d’un jeune Seigneur Espagnol qui est désespéré de savoir que sa maîtresse veut se faire couper la mamelle gauche et se condamner au célibat. Il a pour protecteur l’Amour, dont il invoque l’appui ; mais l’Amour a tant d’occupations de ce genre, qu il ne répond pas aux vœux de Zélindor (nom du jeune Espagnol). Un Génie noir nommé Icanor, personnage assez puissant, se présente à sa place, et propose à Zélindor de le conduire auprès de sa maîtresse. L’amoureux Chevalier accepte et se trouve en un instant transporté aux Isles Noires. Il y voit la belle Zulema, et lui parle eu termes très-honorables du Génie Icanor ; mais celui-ci est un perfide qui n’a amené Zélindor aux Isles Noires que pour lui ravir sa maîtresse, dont il est lui-même très amoureux. Il demande â Zulema l’anneau qu’elle porte au doigt ; la belle le détache aussi-tôt ; c’est un anneau magique au moyen duquel Icanor précipite son rival dans un gouffre qui se forme très-à-propos. Mais Cupidon qui d’abord avoit fort mal servi son protégé, sort enfin de sa léthargie, et confie à l’écuyer de Zélindor une fleche à l’aide de laquelle il doit sauver sou maître, pourvu toute fois qu’il prononce le mot mystérieux : Quiribirini. Voilà le nouveau Sancho en route ; il arrive sur sa flèche ; il prononce le mot cabalistique, et aussi-tôt les fers de son maître sont brisés, et le gouffre se dessaisit de sa proie. Les Amazones attaquent Icanor ; le Génie des Isles Noires est vaincu ; Zélindor et son écuyer se déguisent en Amazones pour voir la belle Zulema ; on les reconnoit ; on assemble le conseil ; et comme le feu a la vertu de tout purifier, ou conclut à les brûler pour les rendre plus chastes. Le bûcher est allumé ; les deux tristes amans sont déjà enveloppés de flammes, comme Olinde et Sophronie. L’Amour vient à leur secours, transforme le bûcher en une gloire d’Opéra, et déclare, du haut d’un nuage étincelant de clarté, qu’il prend sous sa protection Zuléma et Zéliudor. Qui oseroit résister à un Dieu ? Les Amazones se soumettent, et les amans sont heureux.

Cette pièce est montée avec un soin extraordinaire pour ce théâtre. Les décorations, les changemens à vue, les costumes, les combats, tout y est soigné autant que l’étendue du lieu peut le permettre. Les armées se sont recrutées. Ce ne sont plus de simples escouades composées de quelques pauvres diables dont l’appareil guerrier excitoit la risée du public ; les choses sont aujourd'hui dans une proportion convenable.

L’ouvrage ne sera point cité comme un modèle de style ; ou ne vantera pas la mémoire des acteurs ; mais à l’aide d’un peu d’indulgence et du souffleur, tout pourra aller assez bien. L’auteur des paroles est M. Frédéric ; la musique est de MM. Leblanc et l’Empereur.

Olinde et Sophronie sont des personnages de la Jérusalem délivrée du Tasse, chant 2, repris en 1771 par Louis-Sébastien Mercier dans une pièce en cinq actes, drame héroïque ou tragédie; dont les personnages échappent aussi de fort peu au bûcher.

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