Le Gouverneur ou Une nouvelle éducation, comédie en un acte et en prose, de J.-A.-M. Monperlier, 23 février 1815.
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Fages, 1815 :
Le Gouverneur, ou Une nouvelle éducation, comédie en un acte, et en prose ; par M. Monperlier. Représentée, pour la prmeière fois, sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique, le 23 février 1815.
Journal de Paris, n° 56 du 25 février 1815, p. 3-4 :
[Le compte rendu commence par dire ce que la pièce n'est pas, un traité d'éducation nouvelle, ce qui permet de glisser une flatterie au Roi, efficace réformateur de l'éducation. Le critique va jusqu'à citer des pièces récentes proposant des idées raisonnables sur ce thème de l'éducation. Mais la pièce du jour est loin de ce propos ambitieux, elle se contente d'amuser, sans prétendre instruire. L'intrigue est toute familiale : un oncle qui veut ramener dans le droit chemin son neveu et futur gendre, en lui imposant un sévère gouverneur. Mais il se fait tromper par un ami du neveu, qui prend la place du mentor, et entraîne son ami et sa future épouse dans les tourbillons de la vie mondaine, sous la surveillance d'une vieille gouvernante. Bien sûr, l'imposteur est démasqué , le contenu de sa bibliothèque révélant clairement ce qu'il est. Mais l'oncle n'a pas d'autre choix que de pardonner (c'est un oncle de comédie !), et le dénouement arrive, « ni nouveau, ni imprévu ». La pièce a connu un beau succès. Bien écrite, elle manque un peu d'action, mais elle est bien construite et marche bien vers le dénouement. L'acteur qui joue le faux gouverneur est à la fois drôle et décent. Est les autres interprètes jouent avec ensemble, selon l'habitude de la troupe. L'auteur a été demandé et applaudi.]
THÉÂTRE DE L'AMBIGU-COMIQUE.
Première représentation du Gouverneur ou la Nouvelle Education,
comédie en un acte.
On croirait peut-être, d'après le second titre de cette comédie, qu'elle renferme une critique du système moderne d'éducation, et dans un instant où les lumières et la vigilante bonté du Roi viennent de faire à ce système des modifications sages et nécessaires, cette pièce serait devenue, sans que l'auteur en ait eu l'intention, un ouvrage de circonstance.
Plusieurs théâtres ont tourné gaiement en ridicule les inconvéniens de la trop brillante éducation que, dans certains pensionnats, on donnait indistinctement à de jeunes demoiselles confondues pendant leur enfance par l'aveugle tendance de leurs parens, mais qui, en entrant dans la société, se voyaient séparées de leurs anciennes commensales par d'immenses distances de fortune et de rang, source de honte et de regret pour celles qui avaient acquis des talens et nourri des idées au-dessus de la condition qu'elles étaient destinées à remplir. Le Pacha de Surènes et le Retour au Comptoir ont présenté, l'une le tableau, et l'autre les suites de cette ambitieuse éducation, et les auteurs de ces deux comédies, en prêtant à la raison la plus saine les charmes de la gaieté, ont atteint le but que se propose le théâtre, de corriger en amusant.
M. Monperlier, auteur de la Nouvelle éducation, donnée avant-hier au théâtre de l'Ambigu, ne paraît pas avoir porté ses vues aussi haut. Il n'a voulu qu'amuser, et l'accueil fait à sa pièce suffit pour prouver qu'il a réussi.
M. d'Herbin, pour arracher son neveu Gercourt à la dissipation où l'entraînait la connaissance de jeunes gens étourdis et débauchés parmi lesquels brillait au premier rang Florville, capitaine de hussards, lui a fait quitter Paris et l'a rappelé dans son château. Il lui destine la main de sa cousine Henriette ; mais il ne l'obtiendra que quand il sera devenu sage. Pour hâter la conversion de Gercourt, l'oncle veut le mettre sous la discipline d'un sage gouverneur.
Un de ses amis a fait choix, pour lui, d'un Caton moderne dont on annonce la prochaine arrivée. La honte et le dépit qu'éprouve Gercourt de se voir à vingt ans traité comme un enfant, font place à la surprise et à la joie, quand il reconnaît dans l'austère gouverneur son cher camarade Florville, le compagnon de ses folies. Grâce à l'adresse d'un coquin de valet, Florville est parvenu à prendre le nom de l'austère Mentor qu'une mort subite a enlevé au monde, qu'il serait peut-être venu à bout de réformer.
Florville fait le bon apôtre, et parle si éloquemment le langage de la raison et de la sagesse, qu'il enchante le bon oncle et ensorcèle jusqu'à uen vieille gouvernante. Il annonce que son système d'éducation pourra paraître neuf et bizarre ; mais il obtient facilement la permission d'en faire l'épreuve, on lui accorde la plus entière confiance. L'étourdi en profite pour arranger une partie de bal. Il persuade à la vieille Thérèse que, pour faire connaître à Gercourt le vide des plaisirs mondains, il faut qu'il les voie de près. La comparaison des femmes artificieuses et coquettes avec sa naïve et sensible cousine le ramènera pour jamais aux pieds d'Henriette. Enfin, il fait si bien que Thérèse, en grande toilette, consent à accompagner sa jeune maîtrsse au bal, à l'insu de M. d'Herbin.
L'heure du rendez-vous vasonner lorsque l'oncle et un vieux domestique grondeur qui n'aime ni le gouverneur, ni son valet, trouvent sous leur main la caisse qui renferme le Traité d'Education et les livres de morale du sage gouverneur. On examine cette bibliothèque portative. Elle contient des volumes empaillés intitulés : Rhum de la Jamaïque, l'Art du cuisinier, par Beauvilliers, et l'Epicurien français. L'oncle n'est pas autrement édifié d'une pareille collection. Mais quelle est sa surprise quand il voit arriver successivement tous les personnages qui doivent aller passer la nuit au bal !
M. d'Herbin qui ne veut pas démentir la réputation d'indulgente bonhomie de tous les oncles de comédie, ne se fâche un instant que pour mieux faire sentir le prix du pardon qu'il accorde. Les jeunes amans sont unis et le brave capitaine de hussards devient l'ami de la maison.
Cette petite comédie a eu tout le succès que l'auteur et l'administration pouvaient espérer ; le style facile et naturel est quelquefois un peu diffus ; l'action n'est pas bien forte, mais les scènes, quoiqu'un peu longues, sont bien liées, et l'attention se soutient jusqu'au dénouement qui n'est ni nouveau, ni imprévu.
Grévin a joué avec une gaîté vive, mais toujours décente, le rôle du capitaine Florville. Les autres acteurs ont joué la pièce avec beaucoup d'ensemble. C'est un mérite particulier à cette troupe. L'auteur a été demandé et applaudi. Je l'ai déjà nommé, c'est M. Monperlier.
A. Martainville.
Ajouter un commentaire