Haine aux femmes, ou Il ne faut jurer de rien, comédie en un acte mêlée de vaudevilles, de M. Bouilly, 23 février 1808.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre
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Haine aux femmes, ou Il ne faut jurer de rien
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Genre
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comédie mêlée de vaudevilles
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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23 février 1808
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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J.-N. Bouilly
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Almanach des Muses 1809.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, Barba, 1808 :
Haine aux femmes, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles ; Par J. N. Bouilly, membre de la Société Philotechnique, et de celle des Enfans d'Apollon ; Représentée à Paris, sur le théâtre du Vaudeville, le 23 février 1808.
En épigraphe :
« O ! Femmes, dès qu'on vous aime,
On s'en souvient toute sa vie.
Scène VI de la pièce.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1808, tome II, p. 195-196 :
[Point de départ : le titre de la pièce, jugé provocateur, et fait pour attirer le public. Mais la pièce n’est présentée que comme « une Surprise de l'amour ». La pièce a plu, par « de la grâce dans les couplets, un rhabillage bien fait, le jeu des acteurs », cités en fin de compte rendu. Finalement, ce sont les femmes qui ont fait le succès de la pièce.]
Théâtre du Vaudeville.
Haine aux Femmes, ou il ne faut jurer de rien, vaudeville en un acte, joué le 23 février.
Quel titre! haine aux femmes! .... Il faut bien éveiller la curiosité. Le public blasé ne courroit pas à une pièce intitulée : Il ne faut jurer de rien ; mais Haine aux femmes, cela ronfle ; on y court : les uns, pour défendre, contre un auteur malhonnête, ce sexe contre lequel on fait des satyres, mais aux pieds duquel on se laisse enchaîner ; les autres, pour sourire tout bas, en feignant d'improuver : d'autres, encore, pour jouir de l'embarras des belles que la curiosité a entraînées au spectacle : mais ces dames sont au fond très-persuadées qu'on ne leur dira point d'injures. Au fait, tout cela n'est qu'un charlatanisme adroit, pour attirer la foule qui ne voit qu'une Surprise de l'amour, un Dépit amoureux, et une contr'épreuve du Poète satyrique. De la grâce dans les couplets, un rhabillage bien fait, le jeu des acteurs, ont satisfait les amateurs. Les femmes enchantées de voir que sous l'apparence d'une satyre on avoit proclamé leur triomphe, ont mis en vogue cette petite pièce. Elle est de M. Bouilly.
Madame Hervey. MM. Henry et Hippolyte ont très-bien joué.
L'Esprit des journaux français et étrangers, 1808, tome V (mai 1808), p. 270-274 :
[Long compte rendu : il commence par exprimer un peu de doute sur la sincérité de la formule dans la bouche d’un jeune homme. Le héros de la pièce a gravé sur les arbres de son jardin la satire de Boileau contre les femmes : il ne cesse donc d’y penser. Sa haine vient des mauvais tours que lui a joués une femme. Mais une « jeune veuve allemande » veut vaincre cette haine. Elle emploie pour cela des vers contraires à ceux de Boileau. Elle s’est bien sûr introduite chez celui qu’elle aime en « petite paysanne normande et niaise ». Le dénouement est naturellement celui que tout le monde attendait. La conclusion est rapide : « Ce vaudeville, spirituel et amusant, a obtenu beaucoup de succès. Le jeu des acteurs n'y a pas nui » (pourquoi cette formule négative ? Il n’y a pas contribué non plus ?).L’auteur a été « demandé et nommé ».]
Théatre Du Vaudeville.
Haine aux Femmes.
Quand un jeune homme commence par jurer haine aux femmes, on peut être à-peu-près sûr qu'il finira autrement ; un tel serment est bien mieux assuré, quand on le prononce un peu plus tard ; mais quand ce jeune homme s'entoure de tous les objets propres à soutenir cette haine, on serait tenté de croire qu'il ne s'y fie pas beaucoup lui-même :
Commencez donc, seigneur, à ne m'en parler plus.
M. de Saint-Ernest a pris un parti tout contraire ; tous les arbres de son jardin lui parlent des femmes ; il est vrai que c'est pour lui en dire du mal : ce n'est pas sur ce ton-là que les arbres ont coutume d'en parler, et les vers de Boileau ne s'attendaient guères à être gravés sur l'écorce des hêtres ; car ce sont des vers de la satire contre les femmes, que Saint-Ernest a choisis pour orner ses bocages et nourrir ses rêveries, et je crois bien qu'il rêve un peu lorsque, dans son admiration pour le poète satirique, il chante ce couplet :
Rien n'échappe à sa férule,
Tout ses portraits sont ressemblans ;
Il corrige le ridicule,
Au vice il fait grincer les dents.
Le dieu du goût , pour le conduire
Au temple d'immortalité,
Mit sous les cordes de sa lyre
Le miroir de la vérité.
Je ne sais pas précisément quelle espèce d'analogie il peut y avoir entre le miroir de la Vérité et les cordes d'une lyre, soit qu'il se trouve placé dessus ou dessous ; mais le parterre qui, comme M. le baron de Vieux-Bois, aime assez ce qu'il n'entend pas, a fait répéter ce couplet. Quant à moi, ce que j'y ai vu de clair, c'est que Saint-Ernest, qui des œuvres de Boileau affectionne sur-tout sa satire contre les femmes, apparemment à cause de l'intérêt du sujet, s'il a renoncé à aimer les femmes, ne s'est pas au moins interdit d'y penser, ce qui serait pourtant le bon moyen. Il est vrai que son intention est de s'entretenir seulement de leurs perfidies. Une femme gui lui a joué de mauvais tours est la cause de cette grande résolution ; mais pour s'être trouvé à la merci d'une perfide, il faut l'avoir aimée, et tout serait perdu si, avec les souvenirs de la perfidie, il revenait quelques souvenirs d'amour. C'est bien là-dessus que compte une baronne de Burberg, jeune veuve allemande, que Saint-Ernest a sauvée au sac d'une ville, et qui, ayant fort bien remarqué son libérateur, alors trop occupé d'autre chose pour la regarder beaucoup, trouve qu'il serait bien dommage que ce jeune et brave officier tînt son serment de haine aux femmes, s'il ne faisait exception au moins pour une. En conséquence, elle commence par l'attaquer dans les moyens de défense sur lesquels il paraît qu'il a le plus compté ; des inscriptions tirées du Mérite des Femmes, poème de M. Legouvé, sont substituées aux vers très-impolis de Boileau ; le poème même se trouve à la place où Saint-Ernest allait chercher ordinairement des forces dans la lecture de la satire contre les femmes, et le pouvoir de cet agréable ouvrage est tel qu'il force Saint-Ernest lui-même à dire du bien des femmes , au moins sous un rapport :
Du courage et de la vertu
Fidelle et touchante peinture,
Où l'on voit le crime abattu
Céder au vœu. de la nature.
Oh ! de ce poëme enchanteur
Que la lecture est salutaire !
On chérit encor mieux sa sœur ;
On respecte encor plus sa mère.
Mais comme il ne rend pas amoureux, cela ne suffit pas à Mme. de Burberg, qui d'ailleurs ne se soucierait peut-être pas qu'on devînt amoureux d'elle, d'après les vues générales tirées du mérite des femmes ; aussi a-t-elle songé à des moyens plus particuliers et s'est-elle introduite chez Saint-Ernest, sous le nom de la nièce de son jardinier, petite paysanne normande et niaise : ce n'est peut-être pas là un costume de conquête ; mais, a dit Labruyère, tout est tentation à qui la craint , et Saint-Ernest a si peur ! Il trouve d'abord la petite paysanne jolie, quoiqu'un peu sotte ; puis il commence à lui trouver plus d'esprit, ce qui est assez simple, dès qu'il la trouve jolie ; puis il lui soupçonne quelque intention, c'est un moyen de plus d'exciter l'intérêt, une intention est toujours flatteuse ; si cette intention était celle de plaire, elle n'en paraîtrait pas plus désobligeante ; si cette Perette qu'il a prise d'abord pour un agent de la baronne, était cette baronne elle-même dont il n'ignore pas l'amour, quoiqu'il connaisse très-peu sa personne ; enfin, si la baronne se trahissait dans un moment d'attendrissement, il n'y aurait pas moyen de se fâcher ; et comment mettre à la porte une femme contre laquelle on ne se fâche pas ? Et une femme qu'on ne met pas à la porte est bientôt maîtresse de la maison. D'ailleurs, par une suite des noirceurs de sa première maîtresse, Saint-Ernest avait été renvoyé de son régiment ; celle-ci lui fait rendre son grade, ainsi, parlant quitte, voilà Saint Ernest au même point où il se trouvait avant sa première aventure, c'est-à-dire, un homme comme un autre, que captivera le plus aisément du monde la première jolie femme, ou même non jolie, qui voudra s'en donner la peine. Mme. la baronne de Burberg s'est donnée bien assez de peine pour cela, il est juste qu'elle ait la préférence, au moins jusqu'à nouvel ordre.
Ce vaudeville, spirituel et amusant, a obtenu beaucoup de succès. le jeu des acteurs n'y a pas nui. L'auteur demandé et nommé est M. Bouilly.
Babault, Annales dramatiques, ou Dictionnaire général des théâtres, tome IV (1809), p. 341 :
HAINE AUX FEMMES , vaudeville en un acte , par MM. Pain et Bouilly, au Vaudeville , 1808.
Un officier, se croyant la dupe d'une maîtresse, a juré follement une haine éternelle à un sexe, qu'il adore au fond de son âme. Il s'est retiré dans une solitude de la Vallée de Montmorenci, dont il couvre les murs de vers satiriques contre les femmes. Mais bientôt, à sa grande surprise, il trouve ses vers remplacés par d'autres vers à la louange des femmes. Qui peut avoir fait cet échange ? Il n'a chez lui qu'un domestique et sa nièce Perrette, fille simple et babillarde. Mais cette fille n'est autre chose qu'une baronne, dont il a sauvé la vie dans une ville prise d'assaut ; et qui, entraînée par l'amour et la reconnaissance qu'elle doit à son libérateur, a voulu le ramener à des sentimens plus tendres. En effet elle y parvient, et le colonel se trouve trop heureux de fausser son serment indiscret.
Cette pièce offre de jolis détails, et des situations intéressantes.
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