L'Hermite du Mont-Pausilippe, mélodrame en trois actes, tiré du roman des Quatre espagnols, de Caigniez, musique de Quaisin, 14 ventôse an 13-[5 mars 1805].
Théâtre de l'Ambigu-Comique.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, an 13 [1805] :
L'hermite du Mont-Pausilippe : mélo-drame en trois actes, tiré du roman des Quatre Espagnols, par M. Caigniez ; musique de M. Quaisin ; représenté pour la première fois, sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, le 14 ventôse an XIII (5 mars 1805).
Courrier des spectacles, n° 2922 du 15 ventôse an 13 [6 mars 1805], p. 2 :
L’Hermite du Mont Pausilipe, mélodrame joué hier au théâtre de l’Ambigu-Comique, est un sujet tiré du roman des Quatre Espagnols; il est traité avec art, et a obtenu du succès. L’auteur est M. Caigniez.
Courrier des spectacles, n° 2923 du 16 ventôse an 13 [7 mars 1805], p. 2 :
[Le compte rendu s'ouvre sur des constats positifs, sur le sujet comme sur le contenu de la pièce. Il nous donne aussi la source utilisée par Caigniez, que le critique félicite pour la façon dont il en a tiré parti : la pièce aura du succès, et profitera au théâtre de l'Ambigu-Comique, et à ses finances. Suit le résumé de l'intrigue, la terrible histoire d'un homme accusé d'avoir tué son ami, et qui est obligé de s'exiler au royaume de Naples et de se faire ermite. Dans des conditions romanesques, l'innocence du malheureux est reconnue : il n'a pas tué son ami, il a même échappé à l'assassinat que voulait exécuter un de ses serviteurs qui s'est trompé de victime. Il n'y a plus qu'à châtier 'assassin, et à rendre l'innocent à « la considération et [au] bonheur dont il a été si injustement privé ». La fin de l'article commence par un jugement positif sur la pièce, bien construite et pleine de pathétique, générant de « fortes et profondes émotions » si agréables pour le spectateur. Un acteur s'y est particulièrement distingué. Suit un assez long paragraphe sur la place d eplus importante que le mélodrame prend au théâtre : « genre qui convient à toutes les classes de spectateurs », « qui participe aux effets de la tragédie, du drame et de l’opéra, qui s’affranchit de toutes les règles d’Aristote et ne connoît qu’un principe, celui de surprendre et de toucher », le mélodrame a réussi à conquérir même les « esprits les plus délicats » qui goûtent sa musique et le spectacle qu'il offre, tout en s'accommodant de « poëmes » moins satisfaisants. Sans le dire, le critique suggère qu'il y a là un déclin du théâtre, qu'il compare à la disparition du théâtre chez les Romains, dans des conditions comparables, « ouvrages à machines », « pièces à grands mouvemens ».]
Théâtre de l’Ambigu-Comique.
L'Hermite du Mont Pausilippe, joué avant-hier à ce Théâtre, est un sujet heureux, fécond en situations et en mouvemens intéressans. Il est tiré du roman des Quatre Espagnols, production distinguée de M. Montjoie.
L’auteur du mélodrame a sçu en tirer habilement parti, et le rendre très-dramatique. Cette nouvelle pièce attirera de nouveaux spectateurs au Théâtre de l’Ambigu, lui conciliera une nouvelle faveur et ajoutera à la prospérité de ses finances.
César de Souza, seigneur espagnol, est accusé d’avoir assassiné dans son château Joseph della Torre, son ami. Toutes les circonstances semblent se réunir pour rendre cette accusation vraisemblable. César de Souza, obligé de se soustraire aux poursuites dirigées contre lui, prend le parti de quitter l’Espagne, et va se cacher dans le royaume de Naples, sous les habits d’un Hermite. Il choisit pour retraite le Mont Pausilippe, si célèbre par ses grottes et le tombeau de Sannazar.
En son absence, son procès est instruit, et il est condamné à mort. Sa sœur et sa fille qu’il a laissées en Espagne, réduites à la honte et à la misère, prennent aussi le parti de quitter leur malheureuse patrie, et de chercher les traces de César de Souza pour se réunir à lui. Joséphine de Souza arrive à Naples sous le nom de Roïdera ; elle est reconnue par Don Fernand, fils de Don Pédro de Massaréna, ambassadeur d’Espagne à Naples.
Ce jeune seigneur, épris de la beauté de Roïdera et touché de ses malheurs, n’oublie rien pour les adoucir. Dans cet intervalle, la cour d’Espagne fait passer !e signalement de Cesar de Souza dans toutes les cours étrangères, avec les instructions les plus positives à ses ambassadeurs pour faire arrêter le coupable. Don Pedro de Massarena, qui fréquentoit le mont Pausilippe, y voit l'hermite, est frappé de ses traits de ressemblance avec ceux du signalement. Il fait part de sa découverte à son fils, et le charge de lui faire amener cet hermite. Cesar de Souza arrive au palais de l'ambassadeur au moment où sa fille vient de s’y rendre ; ils reconnoissent, l’ambassadeur interroge l’accusé ; Cesar se justifie, et prouve, avec cette éloquence et cet accent de l’homme vertueux, qu’il n’a jamais pu tremper les mains dans le sang de son ami.
Pendant ces débats on conduit au palais un nègre appelle Ombrenegro, qui a déclaré qu’il connoissoit la retraite de César de Souza. Ce nègre est un ancien domestique de Souza. Il ne peut se méprendre à la vue de l'hermite. Il reste frappé comme d’un coup de foudre, son trouble, les remords affreux qui paroissent le dévorer, semblent le jetter dans une espèce de délire ; son ancien maître veut le rassurer et s’approche de lui, il le repousse. — Eloignez-vous d’un monstre je suis votre assassin et celui de votre ami ; c’étoit vous que je voulois poignarder quand j’ai frappé Joseph della Torre ; j’étois déjà chargé d’une partie de vos richesses que je yenois de vous voler. Je me suis mépris ; et c’est à moi de périr aujourd’hui et de proclamer votre innocence. Ombrenegro est envoyé en Espagne pour y être jugé ; et César de Souza recouvre la considération et le bonheur dont il a été si injustement privé.
Ce mélodrame est bien conduit, et produit fréquemment des effets vraiment pathétiques, de ces fortes et profondes émotions qui agitent l'ame et la plongent dans ce trouble et cet état d’anxiétés qui a tant de charmes au théâtre. M. Vigneaux, l’un des acteurs qui jouent dans cette pièce, s’y fait remarquer par un talent distingué.
Le mélodrame acquiert tous les jours plus Je faveur ; c’est un genre qui convient à toutes les classes de spectateurs, qui participe aux effets de la tragédie, du drame et de l’opéra, qui s’affranchit de toutes les règles d’Aristote et ne connoît qu’un principe, celui de surprendre et de toucher. Les esprits les plus difficiles, les hommes dont le goût est délicat et exercé qui reeonnoissent la supériorité d’une bonne pièce sur ces sortes de productions, s'y accoutument insensiblement. Leurs yeux se plaisent au spectacle, leur oreille à la musique, leur sévérité compose avec le mérite du poème, et ils finissent par rechercher comme les autres les mélodrames. C’est par une tendance pareille pour les ouvrages à machines, pour les pièces à grands mouvemens, que l’art dramatique s’est perdu chez les Romains, et que les représentations irrégulières et sans art ont fini par enterrer la tragédie. Dent nobis meliora Dii.
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