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L'homme et le malheur (Davrigny)

L'homme et le malheur, acte lyrique en vers libres ; par Davrigny, musique de M. Parenti, 22 octobre 1793.

Théâtre de l'opéra comique national.

Titre :

Homme et le malheur (l’)

Genre

acte lyrique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en vers libres

Musique :

oui

Date de création :

22 octobre 1793

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra Comique National

Auteur(s) des paroles :

Davrigny

Compositeur(s) :

Parenti

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 12 (décembre 1793), p. 285-288 :

[C’est un drame que la pièce montre, et il est minutieusement résumé dans le compte rendu, le critique insistant sur les éléments les plus macabres. Le dernier paragraphe du compte rendu exploite ce résumé : la pièce « présente des détails & des vers heureux », et elle fera honneur à son auteur. Mais peut-on mettre au théâtre ce qui « excite bien plutôt l'horreur que l'intérêt », l’horreur neutralisant et faisant disparaître l’intérêt que la pièce peut inspirer.

Rien sur la musique et sur l’interprétation.]

THÉATRE DE L'OPÉRA COMIQUE NATIONAL.

L'homme & le malheur, acte lyrique en vers libres ; par Davrigny, musique de M. Parenti.

Le vaisseau sur lequel Dorval, sa femme & le vieux Marcellin, leur domestique, étoient montés, a fait naufrage sur une côte désert de la Floride. Ceux de leurs compagnons d'infortune qui ont eu assez de force pour entreprendre un pareil voyage, ont pris le parti de diriger leurs pas vers St. Marc, en suivant le cours d'une riviere, leur unique guide ; mais ce n'a été qu'après avoir solemnellement promis de venir promptement au secours des trois infortunés, s'ils avoient le bonheur d'arriver au lieu de leur destination.

Dorval, Aglaé & Marcellin ont perdu tout espoir : depuis trois jours entiers leurs compagnons les ont quittés, & ils ne les voient pas revenir ; depuis trois jours entiers il leur a été impossible de prendre aucune espece d'alimens, & toutes les courses qu'ils ont faites dans les environs pour s'en procurer, n'ont servi qu'à les exténuer davantage. Accablés sous le poids de la fatigue & des revers, un sommeil bienfaisant vient cependant fermer leurs tristes paupieres. Hélas ! ils ne vont se réveiller que pour mieux être assurés de leurs besoins & de leur malheur. Dorval & Marcellin, pendant qu'Aglaé dort encore, font une nouvelle tentative, & l'un dirige ses pas vers la forêt, tandis que l'autre les porte vers le rivage. Vains efforts ; espoir décevant. Marcellin qui reparoît bientôt, a apperçu dans un canot deux sauvages qui, bien loin de les secourir, l'ont grièvement blessé à coups de pierres, & il vient en se traînant évanouir [sic] auprès d'Aglaé.

Plus malheureusement encore, Dorval a vu expirer dans la forêt prochaine un de ses amis, qui, n'ayant pas eu la force de suivre ceux d'entre leurs compagnons qui sont allés à St. Marc, est mort après avoir tourné sa furie contre ses bras, que la faim lui a fait déchirer en lambeaux.

Cet affreux tableau fait frissonner Aglaé & Dorval ; il les pousse au désespoir. Ah ! dit Aglaé, puisqu'il faut que nous mourrions, hâtons, avec ce fer, le moment qui doit nous priver de la vie ; est-ce donc un crime, quand on est si malheureux, sans l'avoir mérité, d'avancer l'instant de son trépas ? Oui, mourons, mourons ensemble, ajoute-t-elle avec fureur, frappe & suis-moi.

Cette résolution fait frémir Dorval ; il prend le fer avec précipitation, & le jette loin de lui. Mais que va-t-il devenir ? La pâleur d'Aglaé augmente, un froid mortel se répand sur ses membres engourdis, elle tombe sans connoissance, l'inanition est sur le point de trancher le fil de ses jours.

Cette horrible situation jette Dorval dans le délire & la fureur. Eh quoi ! il verra périr son épouse, & il ne lui donnera aucun secours. Mais dans cette extrémité, ne sera-t-il pas excusable de porter un fer homicide dans le cœur de Marcellin ? N'a-t-on pas vu des voyageurs sacrifier l'un d'entr'eux pour le salut de tous ; & quelque affreux que soit un aliment, la faim, la faim hideuse n'impose-telle pas la dure nécessité de le prendre ?

Par bonheur, Marcellin revient de son évanouissement dans l'instant où Dorval va l'immoler ; le ciel a voulu par-là, sans doute, lui épargner un crime. Mais Marcellin se dévoue, & il croira encore un instant au bonheur, si son maître veut sauver les jours de son épouse & les siens, aux dépens de ceux d'un vieillard qui touche au terme de sa carriere.

Ce dévouement sublime fait verser d'abondantes larmes à Aglaé, qui a repris connoissance, & il fait éprouver à Dorval un sentiment délicieux & indicible. Cependant nos trois infortunés ne peuvent plus se soutenir, leurs forces les ont abandonnés, & ce n'est qu'avec la plus grande peine qu'ils parviennent à se réunir, en se traînant difficilement sur la terre ; ils vont mourir, & il ne leur reste que la consolation de mourir ensemble.

O moment heureux ! un coup de canon se fait entendre ; on appelle Dorval, Aglaé, Marcellin. Un vaisseau aborde, & son équipage vient apporter de bienfaisans secours à ses [sic] trois infortunés. Ils reprennent bientôt leurs sens, ils reconnoissent leurs compagnons ; & après avoir rendu graces au ciel avec une effusion de cœur vraiment sentimentale, ils vont s'embarquer pour St. Marc avec leurs amis.

Cet acte, dont les développemens font honneur à M. Davrigny, présente des détails & des vers heureux ; mais devoit-il être mis au théatre, puisqu'il excite bien plutôt l'horreur que l'intérêt, ou, pour mieux dire, puisque l'horreur qu'il fait naître étant beaucoup plus forte que l'intérêt qu'il peut inspirer, le neutralise & le fait totalement disparoître ?

César : drame en un acte. Auteur : Charles-Joseph Loeillard d'Avrigny. Musique de Paolo Francesco Parenti. Première le 22 octobre 1793. 5 représentations jusqu'au 2 novembre 1793.

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