La Harpe mystérieuse, ou les Lutins

La Harpe mystérieuse, ou les Lutins, comédie en un acte. 16 brumaire an 12 [8 novembre 1803].

Théâtre du Vaudeville

Titre

Harpe mystérieuse l’), ou les Lutins

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

16 brumaire an XII (8 novembre 1803)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

 

Almanach des Muses 1805

Mercure de France, tome quatorzième, n° CXXIV (20 brumaire an 12 -samedi 12 novembre 1803), p.370-371 :

[L’auteur s’est doublement trompé, en « travestissant » un conte de Mme de Genlis, et en faisant jouer au Vaudeville une pièce avec lutins et fantômes, qu’on ne peut voir qu’à l’Opéra, ou sur les Boulevards. La pièce était condamnée dès son sous-titre. Peut-être ne devrait-on même pas en faire l’analyse, puisque le Mercure ne parle que « des ouvrages qui peuvent amener quelques réflexions utiles aux progrès de l'art », ce qui en exclut les farces et tout ce qui s’en rapproche « par une nullité complète ». Le théâtre du Vaudeville s’obstine à montrer à plusieurs reprises « ce malheureux avorton, quoique marqué du sceau de la réprobation ». Suit l’analyse, à la suite de laquelle le jugement insiste sur « toute l’extravagance du plan » et sur la piètre qualité des quolibets qui émaillent la pièce. La pièce comporte en plus le plagiat d’une pièce de Destouches, le Tambour nocturne (1761). La fin du compte rendu ne fait que condamner une pièce jugée sans valeur, « dépourvue d'idées, de sens, et même d'esprit ».]

THÉÂTRE DU VAUDEVILLE.

La Harpe mystérieuse, ou les Lutins, comédie en un acte.

L'auteur de cette prétendue comédie a plus d'un reproche à se faire, et son premier tort est d'avoir travesti un conte de madame de Genlis. A cette faute, qui n'a pas dû disposer le public à l'indulgence, se joint celle encore plus grave d'avoir entièrement méconnu le genre du théâtre où il exposait sa production. Les lutins, les fantômes, les ombres, suivant leur importance et leur dignité, sont admis à l'Opéra, ou relégués aux Boulevards. Le Vaudeville ne peut s'élever assez haut, ni ne doit descendre assez bas pour leur offrir un asyle, et il peut dire qu'il n'a mérité

Ni cet excès d'honneur , ni cette indignité.

De la gaieté, des couplets tant soit peu malins, l'esprit et l'anecdote du jour, voilà quel est son lot ; s'il veut sortir de ce cercle, les sifflets d'abord, et ensuite la solitude encore plus terrible, le punissent bientôt de son usurpation. Ainsi la pièce nouvelle était jugée par son titre seul, et l'on pouvait d'avance annoncer sa chute. Nous pourrions aussi, et nous devrions peut-être nous contenter de consigner ici son extrait mortuaire. La nature de ce journal ne comporte l'analyse que des ouvrages qui peuvent amener quelques réflexions utiles aux progrès de l'art. La farce n'est pas de son domaine, et l'on peut assimiler à la farce tout ce qui s'en rapproche par une nullité complète, ou par la subversion de tous les principes. Cependant, comme il paraît que, d'après un usage assez ordinaire au Vaudeville, on s'obstine à reproduire ce malheureux avorton, quoique marqué du sceau de la réprobation, nous allons arrêter quelque temps sur lui les regards de nos lecteurs.

Un jeune homme prêt à épouser une de ses parentes, imagine, pour mieux connaître sa future, de s'introduire sous la forme de revenant dans le château qu'elle habite. Mais un domestiqué qu'il a mis dans la confidence de ce beau projet, n'a rien de plus pressé que d'en avertir la demoiselle. Amélie, c'est son nom, est très-piquée de cette épreuve, et de concert avec son père elle trouve plusieurs moyens d'effrayer celui qui veut faire peur aux autres. Elle sait qu'il a l'imagination encore frappée de la perte récente qu'il vient de faire de Rosalie, sa première maîtresse ; et que les sons de la harpe sur-tout irritent la sensibilité de ses nerfs. C'est sur ces données qu'Amélie bâtit son plan. D'abord elle se place derrière un panneau qui s'ouvre et se ferme à volonté, et après lui avoir fait persuader qu'il n'existait pas de harpe dans le château, elle lui fait entendre sur cet instrument une romance qu'il avait composée pour Rosalie. Bientôt le panneau se retire et lui laisse voir la harpe, et Amélie elle-même, déguisée en grand fantôme blanc. Après l'avoir ainsi lutiné, elle se découvre, et lui donne sa main.

Dans cette analyse rapide, mais qui suffit pour faire voir toute l'extravagance du plan, nous avons fait grâce à nos lecteurs de plusieurs méchans quolibets. Ainsi le valet que le nouveau Léandre a mis dans sa confidence, dit en comptant l'argent qu'il en a reçu, que ce revenant est pour lui un revenant bon. Nous ne parlons pas non plus d'une scène pillée entièrement dans le Tambour nocturne. L'auteur, qui a cru sans doute que les spectateurs ne connaissaient pas la pièce de Destouches, introduit sur la scène un cocher, un maître d'école, et deux autres domestiques, qui commencent par faire les esprits forts, et qui, bientôt, se sauvent à toutes jambes à la vue du revenant, enveloppé dans un drap et armé d'une torche. Cette misérable farce, et celle du panneau, ont été accueillies par des huées générales, et la pièce entière nous a paru tellement dépourvue d'idées, de sens, et même d'esprit, qu'il n'est pas facile de déterminer, qui l'on doit plaindre le plus, de l'auteur , des comédiens, ou du public.

Magasin encyclopédique ou journal des sciences, des lettres et des arts, IXe année, tome troisième, Paris, an XI, 1803, p. 546-547 :

[Le critique constate l’échec de la pièce, adaptée de Mme de Genlis, et considère qu’elle n’avait pas sa place au Vaudeville, étant plus adaptée au Boulevard et au mélodrame. Récit de l’intrigue, et conclusion ans ambiguïté : même les couplets ne sont pas de qualité.]

La Harpe mystérieuse, ou les Lutins.

Les Contes de M.me de Genlis, mis en scène par M. Radet, sembloient devoir être pour le Vaudeville une mine féconde et heureuse ; mais cette fois l'attente a été trompée : la Harpe mystérieuse, jouée le 16 brumaire, a été accompagnée par les sifflets les plus aigus. Ce bruit a réveillé ceux que la pièce avoit endormis, et ils se sont joints à la majorité. Les revenans et les lutins n'ont pas fait fortune au Vaudeville ; et on a trouvé que le sujet de la pièce convenoit parfaitement à un mélodrame, qui auroit pu avoir sur le boulevard un grand succès. Un jeune homme, après avoir fait mourir de chagrin une femme charmante, vient s'en consoler auprès d'une jeune personne qu'il veut épouser. Celle ci, par ordre de son père, cachée dans une chambre isolée d'un vieux chateau, fait retentir les échos voisins des sons lugubres d'une harpe mystérieuse, se présente ensuite à son nouvel amant sous les habits de la défunte. L'amant veut s'assurer si c'est un corps ou un esprit, celle-ci s'écrie solennellement : arrête ! et le tout se termine à l'amiable par un mariage. Quel sujet pour un mélodrame ! Les couplets y étoient merveilleusement assortis ; le public a fait justice du tout, et n'a plaint que les acteurs obligés de se charger la mémoire de choses pareilles.         T. D.

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