Les Hommes du jour, vaudeville en un acte et en prose, d’Allaire et Hillard d’Auberteuil, 19 floréal an 5 [8 mai 1797].
Théâtre des Jeunes Artistes.
Courrier des spectacles, n° 124 du 21 floréal an 5 [10 mai 1797], p. 3-4 :
[Avec un jour de retard, la critique d’un vaudeville qui a eu beaucoup de succès, et dont le titre exprime bien le sujet : ces Hommes du jour, ce sont des anciens domestiques enrichis, qui cherchent à épouser des femmes de la bonne société, ici, une fille de négociant. La pièce est sans intrigue, son dénouement « tombe un peu des nues », mais son mérite est ailleurs : dans la qualité des détails, et des couplets qui dénoncent une certaine catégorie de personnages, en apparence excentriques, des Incroyables, mais qui sont en fait devenus « nos hauts et puissans seigneurs » : ceux que le directoire a enrichis par des moyens frauduleux. Les détails ont une portée sociale et politique, la critique de certains cercles dont le journaliste parle sans avoir besoin de donner des précisions, tout le monde ayant compris de quoi il s’agit. « La pièce est entièrement faite dans un excellent esprit », bien entendu, les auteurs se faisant les porte-parole de la bonne société scandalisée par ces parvenus « enrichis aux dépens de la fortune de tous les honnêtes gens ». Sous des dehors badins (toujours la même histoire de mariage), une portée politique, le critique montrant clairement dans quel camp il se trouve.]
Théâtre des Jeunes Artistes.
Nous ne pûmes rendre compte hier de la première représentation des Hommes du jour, vaudeville en 1 acte, de MM. d’Auberteuil et Allaire, donné la veille. Voici l’analyse de cette pièce qui a eu beaucoup de succès :
Dubel-Air, sous le costume d’un Incroyable, mais cependant très-croyable, de domestique qu’il étoit, a acquis de grandes richesses, et recherche la main d’Emilie, fille de M. Bonnefoy, négociant ; celle-ci ne l’aime pas, et est sensible à l’amour de Saint- Prenis, commis chez son père. Dubel-Air, et un de ses amis, nommé Parfait, invitent M. Bonnefoy et sa fille à venir dans un cercle de leur connoissance : (on juge quel en peut-être le genre). M. Bonnefoy et Emilie partent avec eux ; mais un accident qui compromet beaucoup la réputation de Parfait, a forcé l’assemblée de se dissoudre. M. Bonnefoy revient avec sa fille ; bientôt Dubel-Air lui demande Emilie en mariage : il la lui refuse, et lui montre une lettre qu’il vient de recevoir, et qui prouve que Dubel-Air s’est enrichi par des remboursemens frauduleux. Saint-Prenis est celui que M. Bonnefoy choisit pour faire le bonheur de sa fille. Cette petite pièce n’a point d’action, comme on le voit par l’ana lyse. Le dénouement tombe un peu des nues ; mais les détails sont agréables ; quelques couplets fort saillans, et les idées très-souvent heureuses, et quelquefois très-démonstratives ; entr'autres celle où les auteurs, dans un couplet, peignent fort adroitement une femme courant tous les bals, les promenades, les spectacles, etc. Il n’est pas difficile de la deviner, c’est la femme d’un ci-devant laquais, aujourd’hui un de nos hauts et puissans seigneurs. La pièce est entièrement faite dans un excellent esprit ; et les auteurs, par un couplet, ont su répondre à la critique qu’on auroit pu leur faire d’avoir mis sous un costume des Incroyables des gens parvenus et enrichis aux dépens de la fortune de tous les honnêtes gens.
D. S.
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