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Les Horaces
Les Horaces, tragédie lyrique en trois actes, de Guillard, musique de Porta. 18 Vendémiaire an 9 [10 octobre 1800].
Théâtre de la République et des Arts
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Titre :
Horaces (les)
Genre
tragédie lyrique
Nombre d'actes :
3
Vers / prose ?
en vers
Musique :
oui
Date de création :
18 vendémiaire an 9 [10 octobre 1800]
Théâtre :
Théâtre de la République et des Arts
Auteur(s) des paroles :
Guillard
Compositeur(s) :
Porta
Almanach des Muses 1802
Opéra né de la tragédie de Corneille : le combat est mis en action.
Quelques beautés dans la musique.
Peu de succès.
Reprise du texte de la tragédie lyrique de Guillard, représentée en 1786, avec une musique de Salieri. Cette fois, c'est Porta qui a écrit la musique.
Mercure de France, littéraire et politique, tome second, an IX, N° X, 16 Brumaire An 9., p. 284-285 :
[D’emblée, annonce d’un faible succès (on n’est pas loin de l’échec) : le sujet ne convient pas à l’opéra et sa « scène magique » : la tragédie n’y aurait donc pas sa place. Et le souvenir de Corneille est trop fortement gravé dans les esprits. Ni le livret de Guillard, ni la musique de Porta ne rappellent assez ce modèle prestigieux. La musique, analysée d’abord, est présentée comme proche des conceptions esthétiques de Gluck : elle privilégie « les grands effets de l'harmonie, plutôt que ceux d'un chant flexible et mélodieux » (opposition de deux écoles irréconciliables). Le musicien a oublié « que les mugissements de l'orchestre et les contorsions d'un chanteur, n'expriment ni la dignité d'un caractère, ni la force d'une situation ». Quant au poète, il a centré son intrigue sur l’amour de Camille pour Curiace, un « amour épisodique », au lieu de mettre en avant « l'esprit de Rome naissante, et [...] le patriotisme du vieil Horace ». Cet amour occupe deux actes (sur trois !), et le troisième acte est consacré au combat « mis en action » (et non plus en récit, comme chez Corneille) : on ne gane pas au change. Le compte rendu s’achève par l’approbation des décorations (« d'une simplicité vraiment antique »), dignes de l'Opéra, premier spectacle de l’Europe) et des interprètes qui ont bien servi l'œuvre.]
Les Horaces, tragédie lyrique du C. Gaillard,. mise en musique par le C. Porta, n'a obtenu qu'un. faible succès. Quoique le berceau de Rome soit environné de fables et de prodiges, les événements de son enfance ne sauraient être transportés sur la scène magique de l'Opéra, sans que les personnages y perdent cette austérité mâle qui, dans l'histoire et dans l'opinion,. caractérise les ancêtres du peuple roi. Les Horaces, surtout, sont marqués du sceau que le génie du grand Corneille a imprimé sur leur front. Tous les beaux-arts l'ont respecté : ce qu'il y a de plus admirable dans le tableau de David, c'est que le peintre a senti le poète, et que la pensée de l'un a conduit le pinceau de l'autre.— On ne l'a pas assez retrouvé dans les vers du C. Guillard, et dans la musique du C. Porta. Le premier, justement célèbre par sa tragédie lyrique, d'Œdipe à Colone, le plus bel ouvrage de ce genre que notre siècle ait produit, a tracé le plan des Horaces avec la même sagesse et la même simplicité. Le second, qui paraît être un élève de Gluck, a cherché, comme ce musicien illustre, les grands effets de l'harmonie, plutôt que ceux d'un chant flexible et mélodieux ; cette intention convenait, sans doute, au sujet des Horaces ; mais elle n'est remplie que dans les chœurs. Dans les autres parties de son ouvrage, il semble avoir oublié que les mugissements de l'orchestre et les contorsions d'un chanteur, n'expriment ni la dignité d'un caractère, ni la force d'une situation. Le poète, de son côté, s'est trop éloigné de son modèle ; il a cherché le principal ressort de sa pièce dans l'amour épisodique de Camille, au lien de le trouver dans l'esprit de Rome naissante, et dans le patriotisme du vieil Horace. Les soins de cet amour malheureux, remplissent, presqu'en entier, les deux premiers actes ; le troisième, est le fameux combat des Horaces et des Curiaces, mis en action ; et cette longue pantomime, ne vaut certainement, ni le beau récit de Tite-Live, ni l'exclamation sublime de Corneille, après l'avoir entendu.
Au reste, les décorations de cet opéra, qui, dans les deux premiers, actes, sont d'une simplicité vraiment antique, et qui, dans le troisième, présentent une perspective admirable, prouvent que ce spectacle est toujours le premier de l'Europe, par la réunion de tous les arts. Il ne faut pas oublier que Lainez, Lais, et M.lle Maillard, ont contribué puissamment à soutenir l'ouvrage, par des efforts que le public a justement applaudis. E.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 6e année, 1800, tome III, p. 547 :
[On ne peut pas dire que cette deuxième tentative de Guillard (il avait déjà essayé en 1786) d’adapter la pièce de Corneille suscite l’enthousiasme : il « n'a pas encore complètement réussi », et le critique montre les changements que la pièce de Corneille a subis dans son opéra (on en arrive presque à se demander s’il s’agit bien d’une adaptation de la pièce de Corneille !). Mais pour lui, le plus grave est ailleurs : premier reproche, « le combat exécuté par les danseurs, et surtout exécuté sans musique » (double violation des convenances, un combat en scène, et une scène sans musique à l’opéra). Dénouement malheureux (où sont les imprécation de Camille, si fortes dans la pièce de Corneille), manque d’intérêt. Et la musique, à la fois ayant des beautés (formule pleine de réticences) et trop bruyantes, au point d’empêcher d’entendre les acteurs.]
Les Horaces.
Cet opéra, en trois actes, a été représenté le 18 vendémiaire.
En mettant sur la scène lyrique, la tragédie de Corneille, combien de difficultés ne devoit-on pas prévoir. Le C. Guillard avoit déja échoué, il ne s'est pas découragé, et n'a pas encore complètement réussi. Il s'est éloigné tout à fait de son modèle, et la partie qu'il a rejetée, est précisément celle qui fait le plus d'effet dans la tragédie. Au premier acte, Camille consulte la nymphe Egérie, dont la réponse satisfait tout le monde ; le vieil Horace vient annoncer que le destin d'Albe et de Rome est remis entre les mains de trois guerriers choisis dans chaque ville ; on félicité les Horaces d'avoir été choisis par Rome. On annonce, au second acte , le choix qu'Albe a fait des Curiaces. Camille se désole, et le serment des Horaces termine cet acte. Le troisième se passe au milieu de l'enceinte destinée au combat. Il commence par un sacrifice où le grand-prêtre consulte les entrailles des victimes. Le combat s'exécute. Horace est vainqueur, Rome-célèbre son triomphe. Camille accourt, et se tue elle-même sur le corps de son amant.
Ce qui a tout à fait déplu dans cet opéra, c'est le combat exécuté par les danseurs, et surtout exécuté sans musique : il a inspiré plus d'horreur que d'intérêt. Le dénouement n'est pas plus heureux, il nous prive des imprécations de Camille et de son désespoir. Enfin, l'intérêt est ce qui manque, surtout , dans cet ouvrage.
La musique, qui est du C. Porta , a des beautés, mais elle est trop bruyante. Ses accompagnemens sont beaucoup trop forts,et étouffent la voix des acteurs.
L’Esprit des journaux français et étrangers, trentième année, tome II, brumaire an IX [octobre-novembre 1800], p. 197-202 :
[L’opéra est-il un ouvrage nouveau ? Les modifications sont suffisamment importantes pour qu’on donne une réponse positive. L’auteur avait-il le droit de reprendre, dans un genre différent, le sujet si bien traité par Corneille ? Un grand nombre d’exemples montre que cette reprise est tout à fait légitime. Mais le critique regrette le choix de transposer ce sujet sur la scène lyrique, sujet que Voltaire considéré comme « plus propre à l'histoire qu'au théâtre », et a fortiori au théâtre lyrique, auquel il faut les « passions les plus impétueuses & les plus opposées », alors que ce sujet « tend à inspirer constamment de l'admiration & à élever l'ame ». Des trois actions de la pièce de Corneille, l’auteur de l’opéra n’a repris que le combat et la victoire de Rome, en faisant toutefois paraître à la fin Camille qui vient sur la scène pour lancer ses imprécations et se donner la mort. Cette apparition de Camille n’a pas l’agrément du critique, qui pense qu’il aurait mieux valu s’arrêter à la victoire de Rome. Autre scène sanglante, le combat des Horace et des Curiace, qui a lieu sur la scène, et dont le même critique pense qu’il vaudrait mieux l’éloigner un peu : plus éloigné, « ce spectacle offriroit sans doute plus d'intérêt & d'illusion ; il seroit moins horrible, & tout ce qui est horrible doit être banni de la scène ». Les reproches faits par Voltaire à Corneille ont été également évités par Guillard, en particulier il a fait venir le vieil Horace sur le lieu du combat, ce qui nous prive du fameux « Qu’il mourût ». « Au total, la conduite de l'ouvrage du C. Guillard est sage, naturelle, raisonnable », la musique est « d'un beau genre », avec des réserves, notamment pour les récitatifs (c’est un cas assez général depuis Gluck), et tout a été mis en œuvre pour que l’opéra soit une réussite, en particulier pour les décors et le soin apporté aux tableaux, mis en relation avec la peinture de David ou le récit de Tite-Live.]
THÉATRE DES ARTS.
Les Horaces, tragédie lyrique du C. Guillard, musique de Salieri, ont été donnés en 1786 ; le succès ne fut pas de longue durée ; bientôt l'ouvrage fut retiré du répertoire. Il vient d'y reparoître avec une musique qui n'est point celle de Salieri, avec des suppressions considérables, avec des changemens tels, que nous ne pouvons le considérer comme une reprise, mais bien plutôt comme une production nouvelle.
Dans une préface qu'il publie à la tête de son poëme, l'auteur nous semble fort inutilement chercher à s'excuser d'avoir emprunté un sujet traité par le grand Corneille, pour le transporter sur la scène lyrique. Personne, nous le croyons, n'a paru disposé à lui en faire un reproche. ses propres succès ont déjà justifié cette espèce de concours, ou plutôt cette imitation, & s'il n'est pas permis de ne citer que le C. Guillard dans sa propre cause, du moins on peut rappeler avec lui que les grands sujets de l'antiquité ont tous été traités par différens auteurs ; Eschyle, Sophocle & Euripide ont fait chacun une Electre ; Longepierre a fait une Médée après celle de Corneille ; Voltaire une Sémiramis, un Oreste, une Rome sauvée , après la Sémiramis, l'Electre & le Catilina de Crébillon ; de nos jours, le C. Legouvé a reproduit à la scène, avec un grand succès, la tragique Thébaide, premier ouvrage de Racine. Si donc, sur la scène française, le même sujet a plus d'une fois été traité par différens auteurs, à plus forte raison la scène lyrique a-t-elle des droits à la même liberté. On ne doit, au lieu de reproches, que des éloges à l'auteur qui enrichit cette scène des trophées dont une autre s'enorgueillit à si juste titre.
En reconnoissant un droit que l'auteur craint à tort qu'on ne lui conteste, nous devons examiner si le sujet qu'il a choisi étoit l'un de ceux que la scène lyrique sembloit plus particulièrement appeler : nous ne le croyons pas. Voltaire a regardé ce sujet comme plus propre à l'histoire qu'au théâtre, & il portoit ce jugement, même après avoir analysé & fait ressortir les beautés sublimes dont le génie de Corneille avoit su l'enrichir. Pour s'éveiller, pour inspirer au compositeur des accens dignes de lui, le génie musical veut un développement animé des passions les plus impétueuses & les plus opposées. Ce n'est pas ce développement que l'on trouve dans les Horaces. Le sujet tend à inspirer constamment de l'admiration & à élever l'ame, plutôt qu'à causer une émotion véritable, qu'à inspirer un touchant intérêt.
Les personnages mis en scène par Corneille paroissent dans l'opéra du C. Guillard, à l'exception de Sabine, de Valère & de Tullus, que la coupe nouvelle de l'ouvrage rend absolument inutiles. La pièce de Corneille offre trois actions, celle du combat, celle de l'assassinat · de Camille, celle du jugement d'Horace, condamné par les décemvirs, & absous par le peuple. Voltaire reprochoit à l'auteur cette triple action, regardoit ce défaut comme provenant de l'habitude qu'avoit prise Corneille d'imiter le théâtre espagnol, mais reconnoissoit que ce défaut trouvoit bien son excuse dans les beautés qu'il fait naître.
Le C. Guillard a dû se borner à la première action, au combat & à la victoire de Rome. Cependant, à la dernière scène, Camille paroît, recommence par ses imprécations une action nouvelle ; & menacée par Horace, elle prévient sa fureur en se perçant le sein. Nous voyons ici le double inconvénient & de former une double action, lorsque la première est terminée sans pouvoir donner à la seconde & la suite & des développemens nécessaires , & ensuite de démentir un trait d'histoire que Corneille avoit cru devoir retracer avec fidélité, parce que, dit-il, il est trop connu pour être altéré sur la scène. Il nous semble que la victoire d'Horace, & les actions de grâces des Romains triomphans terminant la pièce, sans le retour de Camille, offriroient un dénouement plus satisfaisant & plus d'unité. si Camille ne meurt pas de la main de son frère ; si ce crime ne met pas Horace dans un péril nouveau, cette mort est inutile à l'action, & ne sert qu'à ensanglanter une scène qui dans le nouvel opéra l'est peut-être déjà trop. En effet, le fameux combat des Horaces a lieu sous les yeux des spectateurs. Nous croyons n'émettre qu'une opinion générale, en disant que ce combat trop rapproché de l'avant-scène , quoiqu'il n'offre pas une illusion parfaite, en produit cependant assez pour qu'au premier sentiment qu'il inspire, succède, après la chute de, quatre guerriers, un mouvement d'horreur, lorsque le cinquième déjà blessé, pâle & affoibli, vient tomber sous le glaive comme une victime dévouée. Sur un plan plus éloigné, ce spectacle offriroit sans doute plus d'intérêt & d'illusion ; il seroit moins horrible, & tout ce qui est horrible doit être banni de la scène.
L'auteur a évité deux reproches faits à Corneille par Voltaire ; c'est la déesse Egérie & non un Grec, prophétisant sur l'Aventin que Camille a consulté ; en second lieu, le vieil Horace ne reste pas dans sa maison, au moment du combat ; avec Rome entière, il va s'en rendre spectateur. A cette disposition nouvelle on gagne un coup-d'œil très-pittoresque, mais on y perd le qu'il mourût. ll ne seroit cependant pas impossible de lier ce mot sublime aux cris de joie des Albains, aux cris de douleur de l'armée romaine, lorsque l'aîné des Horaces a pris la fuite. En général il a trop peu fait usage des idées qu'il pouvoit emprunter au grand Corneille, en traitant le même sujet. Dans ses précédens ouvrages, & notamment dans Œdipe, il avoit été moins scrupuleux, & nous le blâmons ici de l'avoir été trop.
Au total, la conduite de l'ouvrage du C. Guillard est sage, naturelle, raisonnable. La coupe est aussi heureuse qu'elle pouvoit l'être pour l'opéra ; & autant qu'un sujet aussi sévère pouvoit le permettre, il a ménagé au compositeur l'occasion de déployer ses talens. La musique du C. Porta est d'un beau genre : ses motifs de chant n'ont pas toute la fraîcheur, toute la pureté désirable, mais ils sont naturels & conformes à la situation ; ils ont en général un ton d'austérité très-convenable au sujet. Le récitatif est malheureusement la partie la plus foible ; & depuis Gluck, c'est une observation presque générale à faire sur les nouvelles productions lyriques.
On a remarqué dans la première scène, l'air d'Horace, ô ma Patrie, morceau d'une facture très-riche, peut-être trop bruyante ; l'introduction du duo entre Camille & Curiace, plus que le morceau d'ensemble, mais surtout le serment du second acte , finale digne des grands maîtres, applaudie avec un juste enthousiasme.
L'opéra des Horaces ne laisse rien à désirer ; quant à ce qui appartient au spectacle & aux accessoires : tout y est établi avec un soin, une sévérité, une fidélité historique très-remarquables. Les décorations sont d'un effet neuf au théâtre ; on y retrouve le goût de l'architecture des premiers temps de Rome : celle du 3e. acte est d'un effet très–pittoresque ; elle représente le lieu du combat, & les camps des deux armées Le crayon du chorégraphe a suivi avec une fidélité parfaite, pour le serment des Horaces, le beau tableau de David ; pour leur combat, le beau tableau de Tite-Live.
Les Horaces ont été joués 8 fois à l'Opéra, 6 fois en 1800 et 2 fois en 1801, sur une durée de 6 mois.
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