Il faut un mariage, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, de Charles Henrion et Brazier fils, 3 nivôse an 13 [24 décembre 1804].
Théâtre Molière.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme Cavanagh, an XIII – 1803 :
Il faut un mariage, comédie en un acte et en prose, mêlée de vaudevilles, Par MM. Henrion et Brazier fils. Représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre de Molière 3 nivôse an 13, 24 décembre 1804.
Courrier des spectacles, n° 2863 du 5 nivôse an 12 [26 décembre 1804], p. 2-3 :
[Le théâtre de Molière est un théâtre en grosses difficultés. Il lui manque « de bons acteurs et de bonnes pièces », les divers administrateurs ont essayé tous les genres dramatiques, sans succès. Le critique insiste sur la nécessité pour un théâtre parisien d’avoir recours à de vrais professionnels, et non à des amateurs ânonnant laborieusement des vers de tragédie avec un accent régional ou chantant mal de beaux airs. Un tel théâtre ne peut aller au-delà du vaudeville, comme c’est le cas de la pièce nouvelle, qui a réussi grâce à des « couplets tournés assez agréablement ». Sinon, le fonds de la pièce est pauvre, reposant sur une intrigue sans originalité et un dialogue plat. Pour obtenir un héritage deux familles doivent s’unir, mais aucun des jeunes membres de ces familles ne veut se sacrifier. La solution, c’est finalement que les parents, veuf et veuve, se marient. Les auteurs sont cités, signe de réussite, et le critique valorise une jeune actrice, qui « a déployé un véritable talent ». Elle pourrait jouer dans « un théâtre plus distingué ». C’est dans ce genre de « petits ouvrages joués avec soin » que réside le salut du théâtre de Molière, et non dans des tragédies mal jouées par des acteurs ayant un accent régional (le critique n’aime vraiment pas les accents régionaux).]
Théâtre Molière.
Première représentation de Il faut un Mariage.
Ce qu’il faudroit à ce théâtre, ce seroit de bons acteurs et de bonnes pièces. Par quel singulier concours de circonstances une salle dédiée à Molière a-t-elle été jusqu’à présent si peu digne de ce grand nom ? On a essayé tous les genres, on a fait venir des acteurs de toutes les villes de province, on nous a donné successivement des chefs d’œuvre de Corneille et de Racine, des farces de Boulevards, des opéra-comiques, des mélodrames, des vaudevilles, et tous les directeurs ont successivement été forcés d’abandonner la place, souvent sans tambour ni trompettes.
C’est que l’on ne réussit pas à Paris avec des acteurs médiocres, tirés de la province ; c’est que les marchands de la rue St.-Martin, accoutumés à compter, calculent fort justement qu’il y aura plus de profit pour eux à aller entendre une jolie pièce au Théâtre du Vaudeville ou à l’Opéra-Comique, pour un prix raisonnable, que d’en payer une mauvaise dans leur voisinage. Aujourd’hui le Théâtre de Molière est abandonné à une troupe d’amateurs, et comme les rangs sont égaux parmi les amateurs, il n’y a de préférence à ce théâtre pour aucun genre. Les amateurs de tragédie jouent ou parodient Phèdre ; un grand homme maigre, sec et enroué débite avec un accent picard les plus beaux vers de Racine, et cette espèce de parade réjouit singulièrement ceux des spectateurs qui ont entendu réciter les mêmes vers à St.-Prix, à Talma, ou Mlle. Duchesnois Une autre fois les amateurs décident pour un opéra-comique, et l’on chante comme on peut les plus beaux morceaux de nos compositeurs ; quelquefois enfin, dans les jours de sagesse et de modestie on se contente d’un simple vaudeville. C’est ce qui est arrivé avant-hier. Les amateurs ont gratifié leurs auditeurs d’un ouvrage nouveau , intitulé : Il faut un mariage. Ce Mariage a réussi, à l’aide de quelques couplets tournés assez agréablement ; car un couplet bien fait est un merveilleux moyen pour faire réussir ces sortes d’ouvrages.
D’ailleurs le fonds de cette pièce est très-foible, l’intrigue fort commune, et le dialogue peu animé. Il s’agit d’un M. Caprice, qui laisse toute sa fortune à un M. de Montendre et à Mad. de Boisgalant, ses amis, à condition que les deux familles s’uniront après sa mort. Comme M. Montendre a un fils et Mad. de Boisgalant deux filles, ils pensent l’un et l’autre à former une alliance entre leurs enfans ; mais les partis ne se convenant point, M. de Montendre et Mad. de Boisgalant, ne trouvent rien de mieux à faire qu’à se marier eux-mêmes.
Les auteurs, sont MM. Henrion et Brasier.
On a remarqué parmi les acteurs Mlle. Montano qui a joué le rôle de Constance. Cette jeune actrice a déployé un véritable talent. Son débit est juste, naturel et plein de grâce ; sa voix est flexible et fraiche ; elle ne dépareroit point un théâtre plus distingué. C’est au moyen de petits ouvrages joués avec soin que la nouvelle administration peut espérer quelques succès.
La tragédie ne souffre point la médiocrité, et elle dégénère en farce et parodie quand les acteurs sont tout-à-fait au-dessous du médiocre. Un accent normand, un jargon picard. provençal et gascon deviennent sur-tout ridicules dans la bouche d’un héros d’Athènes et de Rome ; ils le sont même dans celle d’un Français élevé avec soin.
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