Imogène, ou la Gageure indiscrète, opéra-comique, paroles de Jean-Élie Dejaure, musique de Kreutzer. 5 floréal an 4 (24 avril 1796).
Opéra-comique National, ci-devant Théâtre italien
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Titre :
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Imogène, ou la Gageure indiscrète
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Genre
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opéra-comique
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose ?
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en prose avec des couplets en vers
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Musique :
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oui
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Date de création :
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5 floréal an 4 (24 avril 1796)
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Théâtre :
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Opéra-comique National
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Auteur(s) des paroles :
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Jean-Élie Dejaure
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Compositeur(s) :
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Kreutzer
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Almanach des Muses 1797.
Imitation d'une pièce angloise de Shakespéare, intitulée Cymbeline. Un étourdi se flatte de triompher de toutes les femmes, et un mari est bien sûr que la vertu de la sienne résistera à toutes les séductions. Ils parient : gageure indiscrète.
Intrigue décousue, point d'intérêt.
La Décade philosophique, littéraire et politique, an IV, IIIe trimestre (Germinal, Floréal, Prairial), n° 75 du 30 Floréal (19 Mai 1796 vieux style), p. 361-363 :
[Cet article, d’une grande virulence contre la pièce et son auteur, a été repris dans le volume 4 de l’Esprit des journaux français et étrangers pour l’année 1796 (numéro de septembre-octobre). Le critique y attaque violemment une pièce qu’il juge scandaleusement immorale, et dont l’exécution ne rachète pas « l’indécence d’un pareil sujet » : « Son intrigue est décousue et incohérente ; ses situations sans intérêt ; ses caractères sans couleur ». La musique est mieux traitée, même si on reproche à Kreutzer de céder à la mode du temps et de pratiquer un système musical « que nous appellerions volontiers le terrorisme musical » (on n’aime pas en ce temps-là que la musique soit bruyante...)]
Théâtre de l'Opéra Comique.
Imogène, ou La Gageure indiscrète.
C’est sans contredit une gageure au moins indiscrète des deux parts, que celle d’un étourdi qui se flatte de triompher de toutes les femmes, et d’un mari qui, en pariant pour la vertu de la sienne, la laisse en butte aux entreprises audacieuses d’un fat, et se prépare ainsi lui-même des-motifs d’une jalousie furieuse.
Mais c'est un moyen assez vil de soutenir cette gageure, que de commencer par des stratagêmes usés, tels que d’accuser un mari d'infidélité, et ensuite de s’introduire comme un voleur dans une chambre, et d'y prendre un portrait et une lettre pour faire croire qu'on a gagné son pari.
Enfin, c'est une inconséquence bizarre, de parier avec tant de confiance pour la vertu de sa femme, et de se mettre en fureur si facilement ensuite, et sur d’aussi légers indices, sans soupçonner la bonne foi de son adversaire.
Tel est pourtant le sujet de la pièce donnée au théâtre de l'Opéra-comique national, et tirée d’une pièce anglaise de Shakespeare, intitulée Cymbeline.
L'indécence d’un pareil sujet ne pouvait guères être rachetée que par beaucoup d'adresse dans le plan, et par beaucoup d’esprit dans les détails : mais c'est ce que l'auteur, connu par de meilleurs ouvrages en ce genre, paraît avoir trop négligé. On dirait qu'il a compté sur l'espèce de curiosité que son titre inspire naturellement, ou sur l'autorité de son modèle ; et qu’il a cru peu essentiel de s'occuper des parties constitutives de l'art dramatique. Son intrigue est décousue et incohérente ; ses situations sans intérêt ; ses caractères sans couleur : aussi le succès de l'ouvrage est-il assez médiocre.
La musique a des beautés ; mais elle tient un peu trop à ce système nouveau que nous appellerions volontiers le terrorisme musical : elle rappelle des compositions modernes très-connues. On ne peut néanmoins refuser au citoyen Kreutzer, déjà connu par quelques ouvrages justement estimés, un talent réel qu’il fera valoir davantage, s'il se méfie moins de ses propres forces, s'il ne sort pas du genre et du coloris qui lui est propre, et s'il ne se croit pas obligé d’être bruyant pour être énergique.
Ce compositeur exécute dans un entr’acte, une espèce de concerto très-difficile et très-étonnant sur le violon. Il semble qu’il ait une vingtaine de doigts à la main gauche et cinq ou six archers dans la main droite. La. beauté de ses sons, leur justesse, la force et la grace de son exécution font oublier en quelque sorte la bizarrerie du morceau qu’il exécute, et lui attirent les plus nombreux et les plus justes applaudissemens. L. C.
L'Esprit des journaux, françois et étrangers, vingt-cinquième année, tome II, mars et avril 1796, ventose et germinal, l'an 4 de la République Française, p. 274-275 :
[Pièce imitée de Shakespeare, ce qui n’est pas gage de succès ! L’intrigue est vite résumée (un « mari qui parie avec un ami qu'il ne pourra séduire sa femme », et un ami qui fait tout pour gagner son pari, mais bien sûr c’est le mari qui gagne), et le jugement vite rendu : des scènes hasardées, des événements trop accumulés, des préparations pas assez managées (trop, pas assez : le bon niveau est manqué). Mais la pièce peut être améliorée par « quelques changemens » « du côté de la conduite & de l’intérêt ». La musique a droit à un meilleur traitement : « elle est savante & dramatique », et quelques morceaux sont mis en avant.]
Imogène, ou la Gageure indiscrète, comédie en 3 actes, en vers, mêlée d'ariettes.
Le fond de cet ouvrage est tiré de Cynbeline, tragédie de Shakespeare, qui, lui-même paroît avoir pris son sujet dans un roman très-ancien, intitulé : Cussibelan. Bocace a fait une nouvelle sur le même sujet ; c'est le trait connu de ce mari qui parie avec un ami qu'il ne pourra séduire sa femme ; l'ami accepte la gageure, & met tout en œuvre pour prouver à l'indiscret mari l'inconstance du sexe ; mais ici la vertueuse Imogène résiste à toutes les séductions du perfide Ferdinand, qui, par amour propre, se voit obligé de recourir aux mensonges les plus bas pour perdre Imogène & prouver à son époux Léon qu'il a. gagné la gageure. L'innocence d'Imogène est néanmoins reconnue, & c'est Ferdinand lui-même qui lui rend cette justice éclatante. Cet ouvrage offre des scènes hasardées, dont quelques-unes sont imitées de la tragédie anglaise. Les évènemens y sont trop accumulés, sur-tout au troisième acte, & l'auteur n'y a pas assez ménagé les préparations. Cependant, avec quelques changemens, cet ouvrage pourra gagner du côté de la conduite & de l'intérêt : il est d'un homme accoutumé à des succès, le cit. Dejaure, à qui l'on doit un grand nombre de pièces estimables, jouées à ce théâtre. La musique est du cit. Kreutzer ; elle est savante & dramatique : le serment du premier acte,. quoiqu'il soit un peu long, est un chef-d'œuvre. Plusieurs morceaux, & particulièrement un trio plein de mélodie, ont été applaudis avec un juste enthousiasme.
(Annonces & avis divers.)
D'après la base César, la pièce est de Dejaure pour le livret et de Kreutzer pour la musique. Elle n'a guère eu de succès : 4 représentations du 24 avril au 9 mai 1796.
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