L’Île des Fous, ou l’Héroïsme filial, ballet pantomime en un acte, 27 octobre 1814.
Théâtre de l’Odéon.
Paul Porel et Georges Monval, L’Odéon, Histoire administrative, anecdotique et littéraire... (Paris, 1876), p. 268, qualifient la pièce de « divertissement mêlé de pantomime et de danse ». « Ce spectacle, sur lequel comptait l’administration, ne put être donné qu’une fois. »
-
Titre :
|
Ile des fous (l’), ou l’Héroïsme filial
|
Genre
|
ballet pantomime
|
Nombre d'actes :
|
1
|
Musique :
|
oui
|
Date de création :
|
27 octobre 1814
|
Théâtre :
|
Théâtre de l’Odéon
|
Chorégraphe(s) :
|
|
L’Esprit des journaux français et étrangers, tome X, octobre 1814, p. 282-285 :
[Plutôt que de parler du spectacle (il lui consacrera un paragraphe à la fin de son article), le critique parle de l’avenir très incertain de l’Odéon, qu’il présente comme étant en grand danger faute d'une direction. L’ancien théâtre de L'impératrice est partagé entre danse et théâtre, et les bruits les plus divers courent sur son avenir. Il pourrait se séparer des chanteurs italiens partis pour la salle Louvois, et il pourrait jouer tout ce que dédaigne le Théâtre-Français, devenant ainsi à la fois « un grand et un petit théâtre » où chacun trouverait son bonheur. Quant à l’Île des fous, le critique n’y a rien compris faute d’un programme imprimé, il ne peut juger que l’interprétation, qui lui a apru médiocre, tout comme l’orchestre. C’était une tentative de ballet à l’Odéon, et ce n’est pas une réussite.]
L'Ile des Fous, ou l'Héroïsme filial, ballet-pantomime en un acte.
Dans les grandes calamités de la république, les Romains, mécontens de leurs dieux, avaient recours à des divinités étrangères. Ils députèrent un jour en grande pompe à Pessinunte, pour obtenir la statue de Cybèle : ils l'obtinrent : mais malheureusement en abordant à Ostie, le vaisseau qui la portait s'engrava dans le sable ; et tous les efforts humains furent inutiles pour le dégager. Une Vestale détacha sa ceinture la passa dans la proue, et tira le navire qui, cédant à une puissance surnaturelle, fendit docilement les flots, et débarqua sans encombre l'image de la déesse sur les bords du Tibre. Les dames romaines la portèrent sur leurs épaules, la placèrent dans le temple qui lui était destiné; et la république fut sauvée.
C'est aussi dans un moment de détresse, et presque de désespoir, que les consuls et le sénat de l'Odéon viennent d'appeller dans leur enceinte une recrue étrangère, à laquelle ils remettent le salut de l'état confié à leurs soins. Il y a bien eu aussi quelques obstacles à l'introduction de. cette colonie dansante ; mais je n'ai pas entendu dire qu'une Vestale du temple ait été obligée de dénouer sa ceinture pour faciliter son admission. La loi suprême de l'intérêt public a étouffé les réclamations ; et enfin les nouveaux hôtes ont pris possession de leur domaine, sous les yeux mêmes du dieu de la danse, du fils aîné et toujours gâté de Terspsichore, dont la présence pouvait être un motif de découragement, mais n'en a été qu'une d'émulation pour les débutans.
On sème des bruits si divers sur les changemens que va subir le gouvernement de l'Odéon, que, dans la crainte de tromper le public, je me dispense aujourd'hui de les répéter. L'opinion la plus générale cependant, et celle qui me parait la mieux fondée, c'est qu'il va y avoir scission entre les chanteurs italiens et les comédiens français : ceux-ci resteront au faubourg Saint-Germain, et les autres retourneront à la salle de Louvoîs. Dans cette supposition, les attributions et le répertoire de l'Odéon seraient aggrandis de tout ce que dédaignerait ou négligerait le Théâtre-Français. Les comédiens deviendraient sociétaires; et cessant d'être les gagistes d'une direction plus ou moins gênante, ils auraient un intérêt direct au choix, à la réussite des ouvrages, et à la composition de leur société. On ajoute qu'ils pourraient jouer des mélodrames, des pantomimes, et même des opéras comiques. L'Odéon serait à la fois un grand et un petit théâtre ; tous les goûts trouveraient à s'y satisfaire ; il serait à regretter seulement que la salle n'eût pas le privilège du Pandemonium de Milton : qu'elle ne pût pas s'agrandir ou se rétrécir suivant la nature des sujets, et le nombre des spectateurs.
J'avoue que si le ballet de l'Ile des Fous est un essai de ces innovations projetées, cet essai est peu propre à en donner une haute idée. J’avoue encore qu'à défaut de programme imprimé, je n'ai rien compris à la pantomime. Je ne puis donc parler que de l'exécution qui, à tout prendre, m'a paru médiocre. Nous sommes si riches en ce genre, qu'il n'est pas étonnant que nous nous montrions un peu difficiles. L'orchestre, plus nombreux néanmoins qu'à l'ordinaire, m'a semblé de même force que les danseurs. De mauvais plaisans disaient que les fous n'étaient pas sur le théâtre, mais dans une chambre voisine, où, d'après la rareté des spectacles, ils devaient gémir sur une tentative que je ne taxerai point de folie, mais qui est du moins hasardeuse et téméraire. C.
Ajouter un commentaire