L’Infante de Zamora

L’Infante de Zamora, opéra en 4 actes parodié sur la musique de Paisiello, livret de Nicolas-Étienne Framery, 22 juin 1789.

Théâtre de Monsieur.

Titre :

Infante de Zamora (l’)

Genre

opéra

Nombre d'actes :

4

Vers / prose ?

prose, avec des couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

22 juin 1789

Théâtre :

Théâtre de Monsieur

Auteur(s) des paroles :

Nicolas-Étienne Framery

Compositeur(s) :

Giovanni Paisiello

Mercure de France, tome 137, n° 31 du samedi 1er août 1789, p. 46 :

[Le Mercure de France est en retard dans ses comptes rendus de son cher Théâtre de Monsieur, et en un seul article, il rend compte de deux succès et d'un semi-échec: l'opéra l'Infante de Zamora, qui a pourtant une belle carrière en province et dans les concerts, n'a pas réussi, mais c'est à cause de quelques interprètes (on n'en saura pas plus). Si la pièce reparaît, la revue en parlera.]

On a essayé aussi de mettre à ce Théatre un Opéra très-connu en Province & dans les Concerts de Paris, intitulé l'Infante de Zamora ; l'exécution de la part de quelques Acteurs n'ayant pas plu au Public, on a suspendu les représentations de cet Ouvrage, pour le faire reparoître avec d'autres Sujets On a cependant rendu justice à ceux qui ont montré un talent supérieur, notamment à Madame Ponteuil, qui a été fort applaudie. Si on remet cette Pièce , nous en parlerons avec plus de détail.

Mercure de France, tome CXXXVII, n° 43 du samedi 24 octobre 1789, p. 93-94 :

[Après un essai malheureux le 22 juin 1789, l’opéra a attendu plusieurs mois avant d’être reprise sur le même théâtre le 9 octobre 1789. Cette fois, la pièce connaît le succès dû à la beauté de sa musique, due à Paisiello : c’était bien l’interprétation qui posait problème, et le critique insiste sur la qualité des nouveaux interprètes, Martin, chanteur et acteur, Mlle Constance à « la voix belle et fraîche » ou Gavaux, « qui n'a besoin que de rôles favorables pour déployer ses talens pour le chant ». Le théâtre a également trouvé la taille (la basse) dans le genre comique dont il manquait. Les interprètes qui ont conservé leur rôle n’avaient pas démérité, et ils participent au succès de la pièce. Le dernier paragraphe donne un éclairage intéressant sur les liens entre théâtres parisiens et théâtre de province : comme la pièce a du succès en province, elle peut servir pour les débuts parisiens de provinciaux (on « montait » déjà à Paris en ces heureux temps).]

THÉATRE DE MONSIEUR.

On a remis à ce Théatre l'Infante de Zamora, Pièce en 4 Actes, parodiée sur la musique de Paisiello, extrêmement connue en Province, & qu'on avoit essayée ici sans succès ; celui qu'elle a obtenu à cette reprise, prouve assez que la première distribution des rôles étoit particulièrement ce qui l'avoit empêché de réussir : elle est aujourd'hui beaucoup mieux montée ; les morceaux d'ensemble de cette superbe musique sont exécutés avec beaucoup plus de soin, de justesse & de précision. Le Public a vu avec un extrême plaisir M. Martin, dans le rôle de Champagne, non seulement comme Chanteur, mais même comme Acteur ; dans celui de Donna Mendoça, Mlle. Constance, dont la voix belle & fraîche a déjà été fort applaudie dans d'autres rôles ; & dans le rôle de Monrose , M. Gavaux, qui n'a besoin que de rôles favorables pour déployer ses talens pour le chant : ce rôle avoit été rempli la première fois par M. Vallière, qui l’a changé contre celui de George. Cette preuve de zèle de sa part a été parfaitement récompensée : il est impossible de mettre dans ce rôle plus d'intelligence, plus de comique sans caricature ; en un mot, d'en faire mieux valoir la gaîté.

Ce Théatre manque de Tailles dans le genre comique. M. Vallière, un peu trop marqué pour les Amoureux, paroît vouloir se consacrer à cet emploi ; & ce premier essai doit être garant des succès qu'il est fait pour y obtenir. Les autres rôles ont été remplis comme la première fois ; savoir, celui de l'Infante par Mme. Sainte-Marie, qui donne chaque jour de nouvelles preuves de son intelligence ; & celui de Juliette par Mme. Ponteuil, qui a si bien soutenu dans cette Capitale la réputation qu'elle s'étoit acquise en Province depuis long-temps : tous ses airs sont applaudis avec transport, & on lui fait répéter constamment deux morceaux.

Le succès de cette Pièce est d'autant plus heureux pour ce Théatre, qu'elle peut servir pour les débuts de différens Acteurs de Provinces, qui voudroient se faire connoître à Paris.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1789, tome IX (septembre 1789), p. 349-351 :

[L’Infante de Zamora a été joué depuis dix ans, en province ou à l’étranger. Et le compte rendu de sa création parisienne souligne la qualité de l'œuvre, et en particulier de sa musique : si elle n’a pas fait l’unanimité, c’est qu’elle a été mal jouée par des comédiens qui n’ont guère travaillé pour donner cette pièce.]

THÉATRE DE MONSIEUR.

L'opéra françois, parodié sur la musique de la Frascatana, qui a été représenté le 22 juin, sous le titre de l'infante de Zamora, a du moins le mérite d'offrir une intrigue mieux filée que toutes celles qu'on a vues jusqu'à présent à ce théatre ; c'est-à-dire, les comédies exceptées. Le travail de l'auteur a dû être à cet égard, d'autant plus difficile, qu'il s'est assujetti à transporter dans son ouvrage, toutes les situations que rend la musique de l'original italien ; mais il les a souvent amenées d'une maniere différente, ce qui l'a obligé de remplacer par des morceaux d'une autre partition de Paisiello, tous ceux qui ne pouvoient se prêter à son sujet.

Le Diable amoureux, production vraiment originale de M. Cazotte, a fourni l'idée de l'Infante de Zamora, qui, par conséquent n'est rien moins qu'une traduction de la Frascatana, dont le poëme est d'une absurdité dégoûtante : nulle ressemblance entre ces deux pieces, ni pour le fond ni pour le dialogue. Voici, à-peu-près, la marche de celle qui nous occupe.

L'Infante de Zamora, à la suite d'un tournoi, est devenue éprise d'un simple chevalier, nommé Monrose. Honteuse de cette passion, elle veut, afin de la justifier, éprouver, avant de se faire connoître à celui qu'elle aime, sa vaillance & sa fidélité. Pour cet effet, elle l'engage, sous le nom de Blondine, à la délivrer des mains des enchanteurs. Le brave Monrose surmonte aisément tous les obstacles qu'on lui oppose ; mais, persuadé que Blondine n'est autre chose qu'un démon métamorphosé en femme, il lui ordonne de le suivre, habillée en page. L'Infante obéit, & le fait transporter, pendant qu'il est endormi, dans une auberge qui est voisine de son palais. Là, en le servant, elle ne néglige rien pour lui inspirer des sentimens aussi vifs que ceux qu'elle éprouve pour lui. Monrose les partage bientôt ; mais, sur le point de se rendre à Tolède, où il doit épouser une certaine Olympie, qu'il n'a jamais vue, & croyant toujours avoir à faire à un être surnaturel, il résiste au penchant de son cœur. Alors l'Infante, pour être sûre de sa victoire, engage une de ses cousines à se présenter à Monrose, sous le nom de sa prétendue. Le chevalier, combattu par son devoir, par les soupçons qui l'agitent, & par l'amour qu'il ressent pour Blondine, ne sait quel parti prendre. Enfin, il est prêt de s'unir à la fausse Olympie, quand on lui fait accroire que Blondine est de nouveau tombée au pouvoir des enchanteurs. Aussi-tôt il vole à sa défense, la ramene ; &, oubliant ses scrupules, il lui jure un amour éternel. L'Infante, après ces différentes épreuves & quelques autres, certaine du courage & de la tendresse de son amant, se fait enfin connoître, & lui donne sa main.

Cet ouvrage, qui jouit, depuis 10 ans, d'une grande réputation en province, & sur lequel on comptoit beaucoup, n'a pas été aussi bien accueilli qu'on l'espéroit. Il a excité, tour-à-tour, des applaudissemens & des murmures ; mais ce qui semble avoir, en grande partie, causé du mécontentement, est, indépendamment des longueurs qui se trouvent dans le dialogue, la foibleſſe des acteurs, & le peu d'ensemble qu'on a remarqué dans l’exécution des principaux morceaux. Cette piece paroît avoir été, en général, établie trop à la hâte ; ce qui a nui à l'action, & à la charmante musique de Paisiello. Heureusement pour celle-ci, on s'est rappellé l’enthousiasme qu'elle avoit produit à l'opéra en 1778 sous le titre de la Frascatana ; & il y a tout lieu d'espérer, qu'au moyen de quelques retranchemens, & après plusieurs répétitions faites avec soin, l'Infante de Zamora obtiendra un succès plus complet.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1789, tome XI (novembre 1789), p. 315 :

[La pièce était tombée parce qu’elle était mal jouée et mal chantée. La seconde représentation a su corriger ces défauts.]

L'Infante de Zamora qu'on n'avoit pas pu juger à la premiere représentation, d'après la maniere dont elle avoit été exécutée, a été reprise vendredi 9 octobre, avec beaucoup de succès. Une diſtribution infiniment plus convenable a fait mieux sentir la gaieté de plusieurs scenes & les beautés sublimes de la musique. M. Martin, chargé du rôle de Champagne, l'a très-bien joué & chanté ; on lui a fait répéter un duo avec Mde. Ponteuil. La belle voix de Mlle. Constance a eu l'occasion de se déployer dans le rôle de D. Olympia. M. Valliere, qui avoit eu peu de succès dans le rôle de Monrose, en a eu infiniment, au contraire, dans celui de George, qu'il a joué & chanté d'une maniere très-comique ; · il paroît que ce genre est celui qui lui convient le mieux. M. Gavaux n'a pas moins fait de plaisir par la maniere dont il a chanté le rôle de Monrose. Les morceaux d'ensemble ont été très-bien exécutés, & nous croyons qu'ils le seront mieux encore à préſent que les acteurs sont rassurés par le succès.

D’après la base César, l’Infante de Zamora a été créé en 1779 à Strasbourg avant d’être joué en 1782 à Gand puis au Grand Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, et encore à Moscou sur le Théâtre du comte Cheremetev en 1784. Le livret est de Nicolas-Étienne Framery, la musique de Giovanni Paisiello. Il a été créé à Paris le 22 juin 1789 au Théâtre de Monsieur / Théâtre Feydeau, où il a connu 16 représentations jusqu’au 22 juin 1790. Mais la seconde représentation parisienne (celle dont rend compte le deuxième article du Mercure de France) a eu lieu le 9 octobre. César cite encore deux représentations au Théâtre de la Monnaie, en 1791 et 1792.

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