L'Instituteur ou le Patriote à l'épreuve

L'Instituteur ou le Patriote à l'épreuve, comédie en trois actes, en vers, d'Henri Pradel, publiée en 1793.

Pièce non représentée.

Pièce absente de la Base César. Mais elle signale une pièce légèrement postérieure à cet Instituteur ou le Patriote à l'épreuve, intitulée le Patriote à l'épreuve, d'auteur inconnu, et qui a été jouée une fois sur le Théâtre de l'Ambigu-Comique. Ce pourrait être la même pièce, qui aurait donc été jouée le 12 brumaire an 3 [2 novembre 1794].

Sur la page de titre de la brochure, publiée à Paris chez les Directeurs de l'Imprimerie du Cercle Social et à Montpellier chez la veuve Gontier, 1793, an 2 de la République Française :

L'Instituteur ou le Patriote à l'épreuve, comédie en trois actes, en vers. Par Henri Pradel, He. De Loi, Membre de la Société des Amis de la liberté et de l'égalité, séante aux Jacobins, rue Saint-Honoré, à Paris.

Libre du joug des Grands, des Prêtres et de Rois,
Que le Peuple Français n'adore que les lois.

Act. III, Sc. IX.

Rappel des droits nouveaux, matériels comme moraux, des auteurs de théâtre : Pradel est soucieux de ses intérêts...

AVIS.

D'après la loi, tout Ouvrage dramatique étant la propriété de l'Auteur, personne ne peut le représenter sans son consentement formel. Ainsi, les directeurs des Théâtres de la République sont invités, s'ils veulent faire jouer cette Pièce, de m'adresser leurs lettres chez les Directeurs de l'Imprimerie du Cercle Social, rue du Théâtre-Français, n°. 4, à Paris.

PRADEL.          

Suit une longue préface, qui s'ouvre sur l'affirmation du lien qui rattache la pièce à « un superbe Roman sur les amours d'un Instituteur », de Rousseau : c'est bien sûr la Nouvelle Héloïse. Mais elle tient aussi à « certaines aventures » de sa connaissance dont l'auteur ne dira rien, la qualité d'une pièce repose sur les quatre qualités qu'on attend d'une pièce en vers, la vraisemblance, l'intérêt, « la fermeté du style et le charme des vers », et non sur « la vérité ou la fiction » de l'intrigue. Après avoir affirmé que la pièce a été écrite en 1791, « au sein des plus violens orages et au fort de la tourmente révolutionnaire », l'auteur entre dans une grande polémique contre les directeurs de théâtres qui ont refusé sa pièce au motif qu'elle « manque de comique, comme s'il n'existait pas plusieurs formes de comique, et que le meilleur genre de comique n'était pas « celui qui est le mieux traité », selon le mot de Voltaire. Or les grands théâtres parisiens jouent des pièces peu comiques, et pourtant ayant « reçu le sceau de l'approbation publique ». Pradel attribue le rejet de sa pièce à « quelques histrions trop corrompus pour être patriotes » : s'il a fait imprimer sa pièce, c'est pour faire appel de ce jugement, et utiliser le pouvoir moralisateur du théâtre pour « faire retentir […] les mâles accens du vrai patriotisme », allant ainsi à l'encontre du jugement des aristocrates, associés à quelques « histrions égoïstes » pour qui « une pièce purement patriotique ne sera jamais goûtée ». La fin de la préface est une prise de position politique de Pradel, d'une grande virulence, pour « des mesures vigoureuses et révolutionnaires » que la Convention hésite à prendre selon lui, pour une unité de tous les révolutionnaires. Il se décrit comme un partisan de la Montagne, qu'une belle métaphore géologique présente comme immuable, à l'image des « montagnes de la nature […] inébranlables sur leurs fondements éternels ». La virulence de cette fin de préface permettra à Pradier de voir sa pièce évoquée dans les ouvrages consacrés au théâtre de la période révolutionnaire comme un exemple des excès verbaux des dramaturges du temps.]

PRÉFACE.

J.J. Rousseau a fait un superbe Roman sur les amours d'un Instituteur : j'ai cru pouvoir composer sur le même sujet une Comédie, qui, peut-être, ne déplaira pas au Public. Je dois cependant l'idée de ma pièce moins à l'ouvrage du philosophe de Genève, qu'à certaines aventures qui me sont particulièrement connues. Je me dispenserai d'entrer là-dessus dans aucun détail. En effet, pourvu qu'un poème dramatique réunisse à la vraisemblance et à l'intérêt, la fermeté du style et le charme des vers, qu'importe qu'il ait pour base la vérité, ou la fiction, fruit de l'imagination du poète ?

C'est au sein des plus violens orages et au fort de la tourmente révolutionnaire, que je fais hommage aux bons citoyens de ce Drame tel que je l'ai composé en 1791, à quelques légers changemens près. J'espère néanmoins qu'ils le trouveront à l'ordre du jour.

Le titre seul de l'ouvrage annonce d'abord que le haut comique doit y dominer. Y chercher le ton des Plaideurs ou des Précieuses ridicules, seroit, à mon avis, blesser étrangement le goût, et ignorer que le fond de chaque sujet détermine la couleur et la manière de son exécution. Pour faire mieux res sortir cette vérité qu'on sent aisément, je citerai l'autorité de Voltaire, qui est sans doute d'un grand poids dans ces sortes de matières. » Il y a beaucoup de très-bonnes pièces, dit-il, où il ne règne que de la gaieté d'autres sérieuses ; d'autres mélangées ; d'autres où l'attendrissement va jusqu'aux larmes. Il ne faut donner l'exclusion à aucun genre ; et si l'on me demandoit quel genre est le meilleur, je répondrois : Celui qui est le » mieux traité. » MM. les directeurs des deux principaux Théâtres de Paris ne doivent pas être du sentiment de Voltaire ; car ils ont rejeté cet ouvrage sous le prétexte ridicule qu'il manque de comique. Cependant ils jouent par fois l'Honnête Criminel,le Père de Famille, Nanine, etc., et ils font bien, puisque ces pièces, quoique peu comiques, ont reçu le sceau de l'approbation publique. Au reste, sous les autres rapports, ils ont fait l'éloge de cette Comédie, ce qui n'est pas beaucoup dire en sa faveur, j'en conviens. J'ose espérer pourtant que le véritable motif qui a déterminé Mrs. les directeur s à ne pas la représenter, portera le public à l'accueillir avec bonté et indulgence. Son titre seul l'a fait proscrire par quelques histrions trop corrompus pour être patriotes. Comme il n'y a pas de règle sans exception, je ne serois pas surpris que cet ouvrage patriotique, une fois connu par l'impression, fût joué dans les Départemens, et peut-être même à Paris. Je ne me suis décidé à le faire imprimer, que d'après l'avis de gens de lettres distingués. Puissé-je parvenir au but que je me suis proposé ; j'ai voulu, en faisant retentir sur les théâtres, dont on connoît la grande influence sur les mœurs, les mâles accens du vrai patriotisme, nourrir et fortifier dans les bons citoyens l'amour de la liberté, et faire passer dans les ames indifférentes quelques étincelles de son feu sacré qui pénètre et dévore mon cœur. Je sais que les aristocrates et quelques histrions égoïstes cherchent à accréditer le préjugé qu'une piéce purement patriotique ne sera jamais goûtée. Si je n'étois persuadé qu'une telle opinion doit nécessairement révolter tout bon citoyen, je citerois, pour la réfuter, une lettre consignée dans les petites affiches de Paris, le 4 décembre 1792, lettre qui fait honneur au goût et aux talens du rédacteur, et qui suppose en lui un fond de patriotisme.

En voilà sans doute assez sur cette pièce dramatique. J'aurois bien des choses à dire sur notre situation politique, et sur les causes des dangers sans cesse renaissans, où la patrie est exposée ; mais ce n'est pas ici le lieu d'entrer dans des développemens qui nous meneroient trop loin. Je me contenterai seulement d'observer que les principales causes de nos maux sont dans l'impunité vraiment scandaleuse dont jouissent les conspirateurs et les traîtres, qui sont sans nombre ; dans la répugnance de la Convention à adopter des mesures vigoureuses et révolutionnaires ; dans. les ménagemens qu'elle garde envers les ci-devant nobles, qu'elle devroit priver, pendant 10 ans au moins, de l'exercice de leurs droits politiques. Il ne faudroit pas en excepter un seul, parce que les exceptions tuent la règle. Je sais que parmi les ci-devant privilégiés, on en trouveroit peut-être une vingtaine de francs républicains : mais s'ils sont tels, ils applaudiront à un pareil décret, vu les avantages incalculables qui doivent en résulter pour la République. La division qui règne dans l'Assemblée conventionnelle est aussi une des sources les plus fécondes de nos calamités : division fatale qui fait sourire nos ennemis, paralyse l'assemblée elle-même, et partage la république en deux partis réels, qui finiront peut-être par déchirer de leurs mains les entrailles de la patrie, de cette chère patrie que je porte dans mon cœur avec la même sollicitude qu'une mère tendre porte dans son sein le fruit de ses amours. O vous, à qui la France a confié le soin de sa gloire et de ses destinées, Mandataires du Peuple, si la soif de dominer, si l'orgueil de tenir dans vos mains le sceptre de l'opinion occasionne seul vos débats, ah ! je vous conjure de les ajourner, à l'exemple des Romains, jusqu'à ce que nos ennemis nombreux soient vaincus et anéantis. Songez que la liberté est en péril, et que vous devez sauver la Patrie, avant de vous disputer ses faveurs. Au reste, si la réunion de l'Assemblée, qu'appellent les vœux de tous les Patriotes, ne s'opère point, mon parti est pris : je m'enrôle sous la bannière des Députés qui ont combattu le décret sur la garde départementale, voté la mort du tyran sans appel et sans sursis, provoqué l'établissement, et hâté l'organisation du tribunal révolutionnaire. Je reconnois à ces traits et à une foule d'autres, les vrais amis du peuple et les francs républicains. Aussi je déclare hautement que je tiens à la Montagne, à cette montagne politique, qui restera sans doute aussi immuable dans ses bons principes, que les montagnes de la nature sont inébranlables sur leurs fondemens éternels.

Liste des personnages :

PERSONNAGES.

LA MARQUISE DE **,

LE MARQUIS DE ** fils aîné de la Marquise.

SOPHIE, fille de la Marquise.

L'ABBÉ DYGEU, Curateur.

DORVAL, Instituteur.

LE COMTE DE RÉNTUNE.

LE BARON DE MASCARILLE.

DE RINAS, vieux Robin.

PLEBSAME.

MARINETTE, suivante.

FRONTIN, laquais.

La Scène est à Montpellier, dans l'Hôtel de la Marquise de **,

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