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L'Intrigue épistolaire

L'intrigue épistolaire, comédie en cinq actes, de Fabre d'Églantine, 15 juin 1791.

Théatre François, rue de Richelieu.

Titre :

Intrigue épistolaire (l’)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

en vers

Musique :

non

Date de création :

15 juin 1791

Théâtre :

Théâtre Français, rue de Richelieu

Auteur(s) des paroles :

M. Fabre d'Églantine

Mercure de France, tome CXXXIX, n° 28 du samedi 9 juillet 1791, p. 111-113 :

[La nouvelle comédie de Fabre d'Églantine ne brille pas par l’originalité de son sujet (« une pupille qui parvient à tromper son tuteur »). Pourtant le critique soutient qu’il est ici renouvelé, employant «  des ressorts usés [qui] servent à produire des effets inconnus ». Certes sa pièce rappelle bien d’autres ouvrages, mais l’auteur a su les utiliser de façon personnelle. La comparaison avec le musicien renouvelant des motifs communs montre que la question de originalité est complexe. Cette originalité se trouve dans la comédie de Fabre d'Églantine, par le personnage du peintre, dont le caractère fait « juger de la verve comique & du véritable talent dramatique » de l’auteur, et par l’habileté de l’intrigue, complexe, mais claire. L’interprétation montre que la troupe comique du théâtre progresse, et s’approche de la qualité de la troupe tragique du même théâtre.]

On a donné sur le Théatre Français de la rue de Richelieu, l'Intrigue épistolaire, Comédie en 5 Actes, de M. Fabre d'Eglantine. Cette Piece a eu le plus grand succès. Quelques personnes ont reproché à l'Auteur d'avoir travaillé sur un fonds rebattu : nous croyons ce reproche tout-à-fait injuste. C'est un mérite de plus au contraire, & rien ne prouve mieux le génie dramatique que de traiter un sujet commun, quand on a l'art d'en faire sortir des situations, des combinaisons nouvelles ; que d'employer des ressorts usés quand ils servent à produire des effets inconnus. Rien en effet n'a été mis si souvent au Théatre qu'une pupille qui parvient à tromper son tuteur ; & tel est le sujet de l'Intrigue épistolaire ; mais que les deux Amans trouvent le moyen d'agir parfaitement de concert, sans se voir, sans se parler ; qu'ils parviennent à se faire rendre leurs lettres, malgré les plus séveres précautions du jaloux, & à l'aide de ces mêmes précautions ;·c'est là ce qui demandait beaucoup d'art, d'imagination & de connaissance de Théatre. On pourrait justifier également quelques scènes, quelques moyens de l'Auteur qu'on accuse de ressemblance avec des Ouvrages connus. Ses résultats sont si différens, que cette ressemblance même, si elle était réelle, ne ferait qu'ajouter à sa gloire, puisqu'il se serait engagé à vaincre une difficulté de plus. C'est, s'il est permis de comparer un Art à un autre, le célebre Symphoniste Haydn qui, d'un motif commun & trivial qu'il s'est plu à choisir, sait tirer des chants aussi nobles, que neufs & singuliers.

Au surplus, ce même Ouvrage offre un caractere, qui certes n'est pas dans le cas d'un pareil reproche. C'est celui d'un Peintre tout passionné pour son Art, & rempli de cette insouciance profonde sur les intérêts qui distingue presque tous les Artistes. Ce seul personnage suffirait pour faire juger de la verve comique & du véritable talent dramatique dont l'Auteur a donné tant d'autres preuves.

Nous ne suivrons pas l'intrigue qui aurait trop à perdre dans une analyse. Nous dirons seulement qu'elle est tissue avec beaucoup d'art ; que sa complication ne nuit en rien à la clarté ; que les situations y sont aussi variées que bien ménagées. Quant au style, nous attendrons pour en parler que la Piece soit imprimée , mais nous pouvons annoncer d'avance que le sel attique y est répandu à pleines mains.

L'Ouvrage est en général très bien joué. On voit que la Troupe Comique de ce Théatre cherche à n'être pas au dessous de la Troupe Tragique ; & ses premiers essais font espérer qu'elle ne tardera pas à y parvenir.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 7 (juillet 1791), p. 292-296 :

[Compte rendu très favorable : tout est bon dans cette pièce qui renouvelle la comédie, qui, d’après le critique, en avait bien besoin dans cette époque troublée. Intrigue bien construite, rapide, « pleine de feu ». Du comique (« rire franc et gai »). Excellente interprétation. Il est rare que le critique soit aussi positif !]

On a donné, pour la premiere fois, sur ce théâtre, le 15 juin dernier, l'Intrigue épistolaire, comédie en 5 actes : en voici le sujet.

Pauliné, pupille de Clènard qui veut l'épouser pour se dispenser de rendre compte de sa tutelle, est aimée de Cléry, qui ne peut parvenir jusqu'à elle. Son tuteur vient de faire maison nette, & a fait venir sa sœur, espece de Sancho femelle qui ne s'exprime qu'en proverbes, pour servir de duègne à sa pupille, qui lui fait la confidence très plaisante de la maniere dont elle a connu son amant. La sœur conseille au vieux tuteur d'amadouer Pauline par des présens. La jeune personne tient une lettre prête, & ne sait comment la faire tenir. Sa duègne en écrit une ; Pauline essaie, en jouant, ses lunettes, les laisse tomber, les brise, & profite de l'aventure pour substituer sa lettre à celle de son argus. Le tuteur revient avec les marchands dont les commis, gagnés par Cléry, ont attaché une lettre à sa poche. Elle est apperçue, saisie, remplacée par la réponse. Cette réponse apprend à Cléry que 1c tuteur, plus jaloux que jamais, va envoyer le jour même Pauline au couvent. Cependant un huissier, son confident, lui apprend que Fougère, peintre & son débiteur, est le beau-frère de Cléry. Pour occuper le jeune homme , on prend le parti de faire saisir Fougere.

Ce peintre, enthousiaste de son art, est sourd aux remontrances de sa femme, qui lui parle des sergens. Enfin elle le décide à sortir, pour prévenir leurs poursuites. Cléry arrive avec sa maîtresse, qu'il a eu l'art de soustraire à la vigilance de la duegne. Mais les huissiers paroissent, & les deux amans n'ont d'autre ressource que de se mettre en mannequins. Les huissiers veulent les saisir. Les mannequins armés baissent la lance & les font reculer. Mais ce tumulte fatigue Pauline, qui s'évanouit. On la démasque ; Clénard la reconnoît ; elle est enlevée & reconduite chez l'odieux tuteur.

Pendant qu'il insulte à son désespoir, le cocher rapporte à Pauline sa croix d'or, qu'il dit avoir été oubliée par elle dans la voiture. Pauline qui l'avoit quittée au moment de son déguisement, y soupçonne du mystère, & dans l'instant que son argus la quitte pour aller condamner les volets de la chambre, elle trouve un billet dans le nœud de la croix. Ce billet de son amant l'avertit d'avoir l'air de céder, & de presser le tuteur d'envoyer chercher le notaire. La fin contient un secret important ; mais le retour de Clénard empêche Pauline de le lire. Le peintre reparoît & vient redemander la cuirasse que les huissiers avoient enlevée. Il offre pour paiement le cautionnement de son beau-frere ; mais une méprise cruelle a mis sous cette enveloppe une lettre que Cléry adressait à un de ses amis, & par laquelle il lui révéloit le mystère de la croix d'or, & semble annoncer plus de goût pour la-fortune que pour la personne de Pauline. Armé de cette lettre, Clénard accable Pauline, qui paroît au désespoir, & se fait rendre le billet inclus dans la lettre ; mais on apprend que cette lettre, qui semble accuser Cléry, n'est encore qu'une ruse d'amour. La deuxieme page retranchée du billet, a mis Pauline au fait, & la lettre perfide placée sur la lumière d'une bougie lui montre des caractères qui lui apprennent le reste.

Clénard envoie, en effet, chercher le notaire. Un clerc se présente ; c'est Cléry. A peine est-il entré, que le véritable paroît. Cléry paie d'audace, & salue le clerc sous le nom de Cléry. Le vieux tuteur, à ce nom terrible, entre en fureur ; il est impossible au clerc de lui faire entendre raison, sur-tout lorsque Cléry a eu l'adresse de faire tomber près de sa poche la clef de la chambre de Pauline qu'il a fait faire d'après une empreinte sur la cire. Le pauvre clerc, étourdi de l'accueil, leur présente le contrat. Cléry s'en saisit, & avec l'aide du tuteur & de sa sœur, le met à la porte. Dans le moment il substitue à ce contrat le sien avec Pauline, pour mieux convaincre le tuteur de la perfidie de l'autre, & lui fait voir en même tems celui de Clénard, qu'il a l'air de tirer de sa poche. Pauline vient jouer le désespoir. Cléry conseille de saisir ce moment. Le tuteur se hâte, tous signent le contrat de Cléry & de Pauline. Le peintre & sa femme viennent payer avec l'argent de leur beau frère, qu’ils reconnoissent & qu'ils embrassent, & le tuteur voit que garder une femme malgré elle, c'est la chose impossible.

Cette piece a eu le plus grand succès. Il y a bien du mérite à faire marcher, pendant cinq actes, une intrigue entre deux personnes qui n'ont aucun aide, aucun confident, & à ne pas laisser se refroidir un instant l'attention & l'intérêt du spectateur ; & la conduite d'un ouvrage si différent de couleur du Philinte de Molière, prouve infiniment de ressource & de talent comique dans l'esprit de l'auteur. L'imbroglio est bien tissu, la marche est vive, pleine de feu, les incidens bien ménagés. Enfin, on y rit, & de ce rire franc & vrai que Thalie n'a pas connu depuis long-tems. Il est vrai qu'elle ne nous présentoit que des marquis, des comtes, des barons, des commandans, & que tous ces messieurs là n'avoient pas le mot pour rire. L'auteur a été demandé. C'est M. Fabre d'Eglantine, connu par plusieurs succès dramatiques.

L'ouvrage a été joué avec un ensemble parfait. Mlle. Lange a rendu le rôle de Pauline, avec autant d'intelligence que d'intérêt. M. Grandmenil a donné une physionomie nouvelle à celui du tuteur. M. Talma a rendu avec chaleur celui de Cléry. Madame Prieur a été applaudie dans celui de la duegne. M. Dugazon a été inimitable dans celui de peintre qu'il a rendu de la maniere la plus originale, & M. Michaut a bien fait valoir le rôle de l'huissier. Nous ne doutons pas que cette piece n'attire une grande affluence de spectateurs ; car on a besoin de rire, & notre imagination est assez rembrunie, pour que nous devions savoir gré aux auteurs qui ont le talent, fort rare, de l'égayer.

César : pièce souvent jouée jusqu'à la fin du siècle : sur le Théâtre Français de la rue de Richelieu, 45 fois en 1791, 19 en 1792, 19 en 1793, 4 en 1794, 9 en 1795, 8 fois en 1796, 12 en 1797, 4 fois en 1798, 6 fois en 1799 ; à quoi s’ajoutent 4 représentations au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles (en 1792), 7 représentations au Théâtre de la Gaîté (en 1795), 7 représentations au Théâtre d’Emulation (en 1796), 2 représentations au Théâtre de la Cité (en 1797 et 1798), 4 représentations au Théâtre du Marais (en 1797 et 1798).

La base La Grange de la Comédie Française indique que la pièce, reprise à partir du 6 juin 1799 au Théâtre Français y a été joué 218 fois jusqu'en 1900.

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