Jeannot bohémien, comédie en un acte, de Martainville, 4 ventôse an 5 [22 février 1797].
Théâtre Montansier.
La date de la première représentation n'est pas exactement connue, le Courrier des spectacles ne donnant pas quotidiennement le programme du Théâtre Montansier.. Elle peut être déduite de la date du compte rendu du tout jeune Courrier des spectacles, qui est publié le 5 ventôse [23 février].
A. Aulard, Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire : recueil de documents pour l'histoire de l'esprit public à Paris. Tome III, Du 1er ventôse an IV au 20 ventôse an V (20 février 1796-10 mars 1797), p. 765 :
[Fin de l'article consacré au 5 ventôse an 5 :]
Spectacles. — ... Au théâtre Montansier, il a paru une nouvelle pièce intitulée Jeannot bohémien1; quelques passages de cette pièce ont donné lieu à des applications équivoques ; elle a semblé, du reste, présenter des immoralités. Le directeur du spectacle doit, le manuscrit à la main, donner les renseignements nécessaires. — Dans tous les autres spectacles, les esprits ont manifesté les meilleures dispositions..
BRÉON.
(Arch. nat., BB 8 85.)
1. Sur cette comédie, voir le Courrier des spectacles du 5 ventôse an V. Bibl. nat., Inventaire, Je, 0,297, in-i.
Courrier des spectacles, n° 48 du 5 ventôse an 5 [23 février 1797], p. 2-3 :
[L'article s'ouvre par des réflexions nostalgiques sur ce qu'on peut voir comme un déclin du théâtre : la pièce nouvelle, d'auteur resté inconnu (mais c'est bien Martainville) tente de tirer parti du succès de Jeannot ou les Battus payent l’amende en reprenant le personnage créé par Dorvigny dans une nouvelle aventure de Jeannot, cette fois devenu bohémien, mais le résultat n'est pas à la hauteur de l'attente. J'annot a voyagé, et a ainsi parfait son éducation. S'il lui arrive encore de parler comme dans la pièce d eDorvigny, c'est loin d'être constant. Et le dénouement est jugé inconvenant. Dans la pièce nouvelle, Jeannot connaît toute sorte d'aventures auprès d'une bande de bohémiens dans laquelle il se fait recevoir. Il y retrouve sa chère Suzon qu'il ne reconnaît pas, ce qui permet à la finaude de lui dire les lignes de la main sans grand risque. Elle finit par se faire connaître quand elle le voit prêt à devenir l'amant d'une vieille bohémienne, et il préfère la jeune Suzon : la vieille va épouser Dandinet, ami de Jeannot, qui reparaît opportunément pour le tirer d'embarras. Et les Bohémiens renoncent à leur coupable activité, et ils sont assez bons pour donner une bourse aux deux couples de nouveaux mariés. Pas d jugement final, rien sur l'interprétation. Le critique livre seulement, pour finir, « un couplet du vaudeville que le public a fait répéter ».
Jeannot ou les Battus paient l'amende est une comédie-proverbe de Dorvigny, créée sur le Théâtre des Variétés Amusantes en juin 1779, après avoir été représentée devant leurs Majestés. Jouée tout au long es années 1780, elle connaît un grand succès tout au long de la décennie des années 1790 et sans doute au-delà.]
Théâtre Montansier.
La petite comédie de Jeannot ou les Battus payent l’amende de M. Dorvigny, avoit dans son temps fait courir tout Paris pour le voir, comme aujourd’hui l’on court voir M.me Angot au théâtre d’Émulation ; mais la Suite ou Jeannot Bohémien, comédie nouvelle, donnée hier au théâtre de Montansier, n’a pas amené la même affluence de monde ; cette pièce qui n’est pas de M. Dorvigny, considérée comme folie, a eu assez de succès. On a demandé l’auteur, il n’a pas paru, et il n’est pas encore connu. Vu le caractère français, il seroit possible que cette comédie fût plus suivie que des pièces à grands caractères.
Du temps de la vogue de Jeannot, on abandonnoit bien le beau théâtre Français, et on alloit rire avec cette vraie farce du boulevard. Jeannot Bohémien n’a pas, à beaucoup près, ce génie si singulier qui fit la réputation de Jeannot ou Les Battus payent l’amende. Ce ne sont plus ces mots déplacés, si souvent répétés , qui excitoient le rire général ; on voit bien que l’auteur s’est ressouvenu quelquefois de le faire parler de même ; mais les grands voyages que Jeannot a faits ont formé un peu son éducation, et il ne parle pas d’une manière aussi singulière que les Battus payent l’amende ; de plus, le dénouement nous a semblé peu convenable ; on ne s’y attendoit sûrement pas. Voici l’analyse de la pièce.
Jeannot, après avoir fait plusieurs conditions, s’est mis au service d’un seigneur Espagnol, qui le mène à Sarragosse. Dans son chemin il trouve un repas tout préparé, il s’assied pour satisfaire son appétit ; mais il est abordé par un capitaine d’une troupe Bohémienne, qui d’abord le menace, mais finit par vouloir bien le recevoir avec lui : Jeannot consent à tout ; on lui fait la cérémonie de réception. Suzon, son ancienne amie, sous le nom de Rosella, le reconnoît ; elle n’est pas reconnue de lui ; elle lui fait sentir la faute qu’il a faite de se laisser recevoir Bohémien, et elle profite de ce qu’il ne la reconnoît pas, pour lui expliquer sa bonne aventure. Jeannot est étonné qu’elle devine ainsi tout ce qu’il a fait. Une vieille Bohémienne vient profiter de son ignorance pour en faire son amant ; mais Rosella se fait reconnoître pour Suzon. Jeannot est satisfait d’avoir retrouvé sa première maîtresse. Dandinet son ami, et dont il est question dans Jeannot ou les Battus payent l’amende, est officier de la sainte inquisition, et à la poursuite des Bohémiens, qui tombent en force sur lui et veulent le tuer ; mais Jeannot demande grâce pour son ami ; elle lui est accordée. Le chef des Bohémiens renonce, ainsi que sa troupe, à ce métier, et fait cadeau de deux bourses à Jeannot et à Dandinet, qui épousent, l’un Suzon, et l’autre la vieille Bohémienne.
Voici un couplet du vaudeville que le public a fait répéter :
Entre la crainte et l’allégresse,
Je sais q’ l’auteur flotte incertain.
Pour d’viner le sort de sa pièce,
Y l'garde peut-être le ceux de sa main.
Que votre indulgence le rassure;
Vous êtes le maître de ses destins.
Aujourd'hui c’ n’est pus que d’ vos mains
Que dépend sa bonne aventure. (bis,)
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