Joseph, pièce en 5 actes à grand spectacle, mêlée de pantomimes, chants et danses, de J.-M. Gassier et Henri Lemaire, musique de Gaultier, ballet de Gillet, 21 prairial an 8 [10 juin 1800].
Théâtre des Jeunes Artistes
Almanach des Muses 1801
Sur la page de titre de la brochure,Paris, chez Fages, an VIII :
Joseph, drame en cinq actes, A grand spectacle, Mêlée de Pantomime, Chants et Danse ; Par J.-M. Gassier et Henri Lemaire ; Musique du cit. Gaultier, Ballet du cit. Gillet ; Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Jeunes-Artistes, au mois de Floréal an 8.
Honneur, honneur à celui dont les mains sont pures de tout crime, et qui ne s'est jamais servi de son pouvoir que pour le bonheur de ses semblables !.....
Courrier des spectacles, n° 1194 du 22 prairial an 8 [11 juin 1800], p. 2 :
[Pièce fort attendue, ce Joseph adapte au théâtre un poème épique de Paul Jérémie Bitaubé (1732-1808), un pasteur d'une famille de huguenots réfugiée en Prusse orientale, traducteur de l'Iliade et de l'Odyssée et auteur d'un poème en prose en neuf chants sur le personnage biblique de Joseph (1767, réédité en 1780). On trouve dans ce drame « tout ce qui est du ressort du poëme épique » dans l'œuvre d'origine. La part importante du merveilleux chrétien a suscité les applaudissements du public devant le spectacle des « personnages allégoriques », mais elle empêche aussi qu'on s'intéresse au personnage principal, Joseph dont on voit bien qu'il ne risque rien, puisqu'il suffit d'une intervention surnaturelle pour le tirer d'affaire. Par contre décors, costumes, style soigné masquent bien ce manque d'intérêt (dont on sait qu'il est essentiel au théâtre selon les théoriciens du temps). Après ces préliminaires, le critique résume assez rapidement l'intrigue, qui ne peut guère surprendre le public, lecteur de Bitaubé, ou de la Bible. La femme de Putiphar y joue un fort vilain rôle, mais Pharaon convaincu par l'explication de ses songes par Joseph le comble d'honneur, et la femme de Putiphar est « précipitée dans les abymes ». Remarques finales : un bon tiers de la pièce est « en ballets », les auteurs ont été demandés, et ils sont nommés (mais pas le chorégraphe).]
Théâtre des Jeunes-Artistes.
Ce théâtre, qui depuis long-tems annonçoit Joseph, pièce en cinq actes,mêlée de pantomime, fit hier son ouverture par la première représentation de cet ouvrage.
Le sujet est tiré du poëme de Bitaubé, et les auteurs ont transporté sur la scène dramatique tout ce qui est du ressort du poëme épique. Des Divinités descendant sur des nuages, les Songes voltigeant autour de Pharaon, les Diables parcourant les vestibules de son palais, la Vengeance sortant de son antre, et mille autres personnages allégoriques, prêtent sans doute au spectacle et forcent les applaudissemens ; mais l'intérêt, le ressort le plus nécessaire, où est-il ? l'allégorie n'en présente aucun. En effet, comment s'intéresser à un être quelconque lorsqu'on sait qu'un coup de sifflet va faire descendre une Divinité bienfaisante qui le protège contre tous ses revers. Ainsi Joseph n'est pas intéressant ; mais on a cherché à masquer ce défaut par la fraicheur des costumes, la beauté des décorations, par l'ensemble de la représentation, et, ce qui est bien plus encore, par un style soigné et rempli de traits qui annoncent une plume exercée et vigoureuse.
Zulica, femme de Putiphar, aime Joseph, son esclave, et lui avoue sa passion. Le jeune Hébreu, fidèle à ses premiers liens, refuse de couronner les vœux de cette femme impudique. Furieuse, elle lui arrache son manteau, et elle déclare à son époux, qui la surprend, que Joseph est coupable du crime qu'elle-même a voulu commettre. Joseph est chargé de fers ; Zulica, déchirée de remords, vient lui offrir de les briser s'il veut la suivre : le prisonnier est insensible. Outrée de se voir dédaignée, l'épouse de Putiphar le fait jetter dans un cachot plus profond.
Cependant Pharaon, agité de mille terreurs, voit dans un songe l'Abondance et la Famine. Il veut consulter les sages de l'Egypte. Un de ses confident lui parle de Joseph qu'il sait être très-habile à lire dans l'avenir. Pharaon ordonne qu'on le fasse venir ; Joseph paroît au milieu du temple, et devant l'autel d'Osiris. Là il invoque son dieu, et soudain un nuage descend, éteint le feu sacré des prêtres Egyptiens, et la Vérité éclairant Pharaon, lui fait lire, l'interprétation de ses songes. Joseph est comblé d'honneurs, tandis que Zulica, après avoir invoqué la Vengeance, et reçu de cette déesse le poignard qui doit immoler Joseph, est précipitée dans les abymes par la divinité qui veille sur ce jeune Hébreu.
Tel est le fonds de cet ouvrage en cinq actes, et dont un bon tiers est en ballets.
Les auteurs ont été demandés; ce sont les citoyens Gassier et Henri Lemaire pour la pièce, et Gautier pour la musique.
F. J. B. P. G***
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