Jupiter à Larisse, ou la Révolution thessalique, drame allégorique sur le Révolution de France, en vers libres et en trois actes, par M. A. P., 1790.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Girouard, 1790 :
Jupiter à Larisse, ou la Révolution thessalique, drame allégorique, sur la Révolution de France, en vers et en trois actes. Par M. A. P.
Le Dictionnaire universel du Théâtre en France et du théâtre français à l'étranger, p. 6, ne dit pas qui est A. P.
Le texte de la pièce est précédé d'une préface (p. iii-ix) :
[Texte d'un réel intérêt sur le plan de la dramaturgie. L'auteur, qui prend parti pour la Révolution « qui vient de se passer » dont il pense qu'elle est terminée, tout en étant attaché au Roi, justifie ses choix dans l'écriture de la pièce. En particulier, il s'explique sur la question du recours à la mythologie gréco-romaine. On y voit aussi à l'œuvre les conceptions du temps sur le théâtre, la vraisemblance, et bien d'autres points aussi.]
PRÉFACE.
La Révolution, aussi sublime qu'étonnante, qui vient de se passer en France, dans un Royaume, courbé, depuis près de trois siècles, sous le joug du despotisme ministériel, m'a fait naître l'idée d'en consacrer les principaux événemens, & de rappeller à la Nation son héroïsme; la grandeur d'ame, la sagesse & les vertus de son Roi.
Je ne me suis pas dissimulé que cette entreprise étoit difficile & le poëme que je présente au Public, eût été enseveli à jamais dans mon porte-feuille, si un Poëte plus habile que moi, se fût chargé de cette tâche ; c'est sans doute un malheur pour le Public, qu'un habile homme ne m'ait pas prévenu ; mais c'est un bonheur pour moi, de pouvoir rendre à ma Nation, le tribut d'éloge qui lui est dû ; lui prouver mon entier dévouement, & publier les vertus d'un Monarque si digne de son estime & de son amour.
Cette idée une fois arrêtée, il me fallut trouver un moyen de l'exécuter, mais de manière que le Roi & les principaux Acteurs de la Révolution n'y parussent pas sous-leurs noms, & ne fussent pas exposés à une insipide flatterie toujours ridicule & rebutante : que d'un autre côté, les coupables n'y fussent pas désignés nominativement. J'eus donc recours à l'allégorie, & je tâchai de présenter sous cette gaze, les événemens les plus frappans.
L'événement qui me sembla le plus intéressant, est celui où le Roi quitte Versailles, & vient se montrer au Peuple de la Capitale pour lui assurer sa liberté, pour être témoin de ses transports de joie. C'est celui où il reçoit de la bouche de son Peuple, les titres glorieux de Pêre de la Patrie & de Restaurateur de la Liberté.
Cette situation brillante, me fit imaginer de représenter Versailles & la Cour sous l'emblême du Mont Olympe ; Paris, sous celui de la Ville de Larisse, Capitale de la Thessalie, qui se trouve placée au pied du Mont Olympe. Le Roi, sous l'emblème de Jupiter les Aristocrates sous ceux des Dieux & des Déesses du Ciel, les Démocrates, sous ceux des Dieux & des Déesses de la Terre & par-tout le Peuple. J'imaginai de personnifier la Liberté & l'Abondance, & d'en faire deux Déesses matérielles enchaînées aux pieds de Jupiter, qu'il faut poser, non le maître de l'Univers, mais le Roi matériel de la Thessalie.
Je me persuadai qu'à la faveur de la position du Mont Olympe, dominant la Thessalie, je pourrois lier en quelque façon le Ciel & la Terre, & amener naturellement la réunion des Grands & du Peuple. Cette idée me plut extrêmement ; je crus cette scène susceptible d'un grand effet au Théatre, & j'eus l'ambition de l'exécuter.
Mon plus grand embarras n'étoit pas d'exécuter cette scêne ; la donnée m'en avoit été fournie par le Roi & par la Nation ; il me suffisoit d'être bien pénétré de la grandeur du sujet pour devoir peindre avec les plus vives couleurs, des actions à jamais mémorables, mais la difficulté étoit d'imaginer une fable qui pût amener naturellement cette scène qui termine l'ouvrage. Je formai plusieurs plans, & toujours je rencontrai dans le mêlange des Dieux & des Mortels une incohérence qui me fit désespérer de l'ouvrage. Je crus que ce mêlange, très-agréable au théâtre de l'Opéra, sembleroit une extravagance au théâtre de la Nation. Cependant je ne me rebutai pas ; je me résignai à souffrir les reproches des Critiques, & sur le mêlange des Dieux & des hommes, & sur l'ignorance où semblent être les Dieux, les Déesses, & Jupiter lui-même, du passé, du présent & de l'avenir, & je me permis de croire qu'on s'attacheroit plutôt à l'exactitude de l'allégorie, qu'à la rigueur des conséquences.
J'adoptai donc ces suppositions pour donner du mouvement à l'Ouvrage, & de l'action à mes personnages ; néanmoins je me soumis aux règles et à la raison dans le premier Acte : je n'y introduisis que des Dieux et des Déesses pour faire solliciter Vulcain, parce que l'action principale devant se passer en Thessalie, et le premier acte se passant en entier dans l'Isle de Lemnos, où Vulcain a des Forges, et d'où les Dieux solliciteurs doivent se transporter en Thessalie, les uns pour porter des armes aux Thessaliens, les autres, pour s'opposer à la conquête qu'ils projettent; si j'y avois introduit des Mortels, il eût été trop choquant de les faire transporter dans l'intervalle du premier au second acte, de l'Isle de Lemnos dans la Thessalie, ce que des Dieux peuvent faire s'ils en ont envie.
Je supposai encore que Jupiter, séjournant sans cesse dans l'Olympe, n'avoit de commerce qu'avec les Dieux, et que réservant sa puissance pour régler l'Univers, il avoit abandonné le gouvernement de l'Empire Thessalique (empire qu'il s'étoit réservé à titre d'empire limité, comme voisin de sa demeure) à ses Ministres et à ses Magistrats, qui, abusant de leur autorité, rendoient son Peuple esclave et malheureux.
Je supposai pareillement que les plaintes des Mortels étoient parvenues jusqu'au trône de Jupiter, et que Jupiter qui s'étoit confié aveuglément à ses Ministres, étonné des plaintes qu'il reçoit, forme le projet d'être témoin des malheurs de ses Peuples, et de s'exposer, sous la figure d'un simple Citoyen, à l'autorité de ses Agens, et aux horreurs qu'on leur impute ; et comme il étoit nécessaire de mettre des oppositions pour donner de l'action à l'ouvrage, j'imaginai aussi d'introduire Vénus, Mars et Mercure, comme chefs de l'Aristocratie, et de les faire agir contre les intérêts du Peuple.
Enfin, pour donner au Peuple une raison puissante de se révolter contre la tyrannie des Ministres de Jupiter, j'imaginai l'épisode du supplice de Cléon et du désespoir de Cléonice ; je crus ce moyen théatral, et je m'en emparai. Je mis le lieu de l'exécution dans la plaine qui borne le Mont Olympe, pour que Jupiter, à l'ouverture de l'Olympe, pût être témoin de l'abus révoltant que ses Ministres fesoient de son autorité. En un mot, j'indiquai le lieu du supplice dans cette plaine, parce que par ce rapprochement, j'avois un moyen tout simple et tout naturel, d'amener la scène qui termine l'Ouvrage, et qui forme la réunion des Dieux et des Mortels, c'est-à-dire, des Grands et du Peuple parce que, par cette réunion, je pouvois introduire les Dieux et les Déesses de la Terre, protecteurs du Peuple, et préparer la descente de Jupiter sur la terre, la délivrance de la Liberté et de l'abondance; enfin parce que par cette réunion, je pouvois représenter le Roi au milieu de son triomphe; donner l'idée de l'Assemblée Nationale, et consacrer ce jour à jamais heureux, à jamais mémorable, où le Roi abandonne sa pompe pour venir rendre à son Peuple sa liberté, et jouir des transports de son amour et de sa reconnoissance.
Les personnages de l'acte 1 (qui est aussi le prologue) :
Vulcain,
Vénus,
l'Amour,
les Grâces,
Mars,
Hercule,
Troupe de Cyclopes.
La scène est dans l'île de Lemnos.
Les personnages des actes 2 et 3 :
la Liberté,
Jupiter,
Mercure,
Cybelle,
Vénus,
l'Amour,
les Graces,
Mars,
Vulcain,
Pallas,
le Destin,
Hercule,
Fahetidas,.
Cléon,
Cléonice, femme de Cléon,
Phéronnée,
Trasymene, Thessaliennes de la suite de Cléonice,
Trazeas,
Lycidas, Généraux Thessaliens.
Un ministre de Jupiter.
Dieux & Déesses de la terre, ornés de leurs Attributs,
Troupes de Soldats.
Troupes de Citoyens & de Citoyennes.
La Scêne est en Thessalie.
Je ne sais pas si la pièce a été représentée.
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