La Jeunesse du grand Condé, ou la Bataille de Rocroy, pantomime historique mêlée de dialogues, en trois actes et à grand spectacle, de J.-G.-A. Cuvelier, musique de M. Cremosi, 11 juin 1814.
Cirque olympique.
Publication : à Paris, chez Barba, 1814.
Journal de Paris, politique, commercial et littéraire, n° 170 du 19 juin 1814, p. 2 :
[Compte rendu plein de sagesse d'un spectacle accessible à tous, destiné au peuple pour qui le théâtre est devenu « un plaisir de première nécessité ». Bien sûr, le peuple préfère à la tragédie ou à l'opéra le mélodrame ou le comique populaire (Antoine Mandelot, dit Bobèche est un comique très populaire sous l’Empire et la Restauration avec son partenaire Auguste Guérin, dit Galimafré), mais « les théâtres d'un ordre inférieur » assument le devoir de donner à leur spectacles une valeur culturelle plutôt que ces pièces pleines de brigands « qui ne pouvaient qu'égarer l'imagination et endurcir le cœur des spectateurs ». Ce qu'ils montent « rappelle une époque historique et retrace quelque belle action d'un personnage célèbre », et « le peuple peut ainsi faire en s'amusant un petit cours d'histoire ». C'est tout à fait le cas de la pièce nouvelle, qui fait le tableau de la grande bataille de Rocroy dont le critique rappelle l'importance. Cette « bataille de Rocroy en miniature » est très fidèle à la bataille réelle. Personne ne peut résister à l'agrément de voir une bataille sans danger. Le critique félicite tant les frères Franconi que Cuvelier de la qualité de leur travail. L'article s'achève par une réflexion sur les « effroyables progrès » fait depuis l'époque de la bataille, et souligne que la guerre était infiniment moins meurtrière que les batailles contemporaines (les batailles napoléoniennes, pour ne pas les nommer). C'est une raison de plus d'aller voir sans danger « l'innocente bataille qui se livre tous els soirs au Cirque Olympique ».]
CIRQUE OLYMPIQUE.
La Jeunesse du Grand-Condé, ou la Bataille de Rocroy.
Les spectacles sont devenus pour toutes les classes du peuple un plaisir de première nécessité ; et tandis que le beau monde va s'extasier d'admiration ou bâiller d'ennui à la tragédie ou à l'opéra, des spectateurs plébéiens se pressent, se foulent, s'écrasent pour frissonner au mélodrame ou pâmer de rire à meilleur marché au spectacle de Bobèche. C'est donc servir la morale publique que d'ennoblir les plaisirs du peuple, et depuis quelque temps les théâtres d'un ordre inférieur semblent s'être imposé ce devoir.
Ils ont banni tous ces brigands qui n'inspiraient que de l'horreur et du dégoût : on n'y voit plus de ces scènes atroces qui ne pouvaient qu'égarer l'imagination et endurcir le cœur des spectateurs. Un grand nombre des pièces qu'on y représente rappelle une époque historique et retrace quelque belle action d'un personnage célèbre. Le peuple peut ainsi faire en s'amusant un petit cours d'histoire.
Le Cirque-Olympique se distingue surtout par le choix des pièces de ce genre. Il parait vouloir soutenir l'honneur de la devise qu'il a méritée : Celebrare domestica facta,
Son répertoire vient de s'enrichir d'une semi-pantomime intitulée la Bataille de Rocroy ou la Jeunesse du grand Condé, dont le succès s'accroit à chaque représentation.
L'auteur a su amener, à la suite d'une action vive et intéressante, le tableau de cette bataille qui a porté à la gloire militaire de l'Espagne un coup dont elle ne s'est jamais relevée. Tous les détails de cette journée mémorable que nous ont transmis les relations et les mémoires du temps, sont représentés dans la pièce avec la plus exacte fidélité ; c'est la bataille de Rocroy en miniature. L'exécution parfaite de toutes les manœuvres militaires, la précision avec laquelle les moindres mouvemens sont réglés, offrent une nouvelle preuve du zèle infatigable de MM. Frauconi, qui ne négligent ni soins ni dépenses pour offrir au public de Paris un spectacle digne de lui.
Cette nouvelle production de l'inépuisable M. Cuvelier doit attirer la foule. Il n'est personne qui ne trouve agréable et commode d'assister sans danger au spectacle d'une bataille.
Quels effroyables progrès a faits depuis le siècle de Louis XIV l'art ou plutôt la rage de détruire les hommes ? Turenne disait qu'il ne concevait pas qu'ou pût commander une armée de plus de quarante mille hommes. La bataille de Rocroy, qui a eu sur le sort de l'Espagne une si grande influence, qu'on l'a comptée au nombre des causes qui, avec l'expuļsion des maures, ont le plus contribué à la décadence de cette puissance si formidable, la bataille de Rocroy a été gagnée par le duc d'Enghien qui n'avait que vingt-deux mille hommes, sur le general Mélos, dont l'armée s'élevait à vingt-six mille. Ces deux armées ne seraient que deux divisions des armées d'à-présent ; et l'on pourrait citer telle bataille donnée depuis dix ans où il est resté sur le carreau plus de monde qu'il n'y avait de combattans aux plaines de Rocroy. Pour écarter ces terribles réflexions, ces douloureux souvenirs, allons voir l'innocente bataille qui se livre tous les soirs au Cirque Olympique à la grande satisfaction des spectateurs et des combattans.
Journal des arts, des sciences, et de littérature, Volume 17, cinquième année, n° 301 du 15 juin 1814, p. 354-355 :
[Il y a peu à dire de cette pantomime, qui ressemble à toutes les autres : « point de situations neuves ». On a un ballet, des combats, un beau geste dans chacun des deux camps, une bataille « qui ressemble à tous les assauts qu'on a exécutés au même théâtre ». On félicite les deux frères Fanconi pour leur interprétation, et on regrette que la pièce fasse parler des acteurs peu habitués à cet exercice.]
CIRQUE – OLYMPIQUE.
La Jeunesse du grand Condé, ou la Bataille de Rocroy,
pantomime en trois actes , par M. Cuvelier.
Cet ouvrage a obtenu du succès, et cependant il n'offre point de situations neuves, mais l'ensemble en est satisfaisant, et le personnage du grand Condé soutient l'intérêt.
Un joli ballet, des préparatifs de combats entre Condé et l'armée espagnole, la générosité du général français envers l'épouse du général espagnol, qui a été faite prisonnière, et à laquelle il permet de rejoindre son mari : voila tout ce qui compose le premier acte, auquel on pourrait désirer plus d'action.
Au deuxième, un jeune soldat français qui, à l'aide d'un déguisement, s'est introduit dans le camp espagnol, est surpris par l'effet de la dénonciation de son rival, méchant niais, tel qu'on en voit dans plusieurs pièces. Ce soldat va périr ; mais l'épouse du général espagnol, reconnaissante du service qu'on lui a rendu, est assez heureuse pour obtenir sa grâce. Une vive escarmouche et l'explosion d'un pont terminent ce deuxième acte. Le troisième acte est presqu'entièrement consacré à la bataille de Rocroy, qui ressemble à tous les assauts qu'on a exécutés au même théâtre.
Les frères Franconi jouent fort bien, l'un Condé, et l'autre le grenadier. En général, l'exécution ne laisserait rien à désirer, si l'on se bornait à faire des gestes, mais les acteurs parlent, et l'on sait qu'au Cirque ils sont peu exercés dans l'art de la parole.
Sarrazin.
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