La Matrone d'Ephèse

La Matrone d'Ephèse, comédie en un acte & en vaudeville, de Radet, 13 octobre 1792.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Matrone d’Ephèse (la)

Genre

comédie en vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose ?

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

13 octobre 1792

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Radet

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, au Théâtre du Vaudeville, nouvelle édition, Prairial an 3 :

La Matrone d’Ephèse, comédie en un acte, mêlée de vaudevilles, Par J. B. Radet ; Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 13 Octobre 1792.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 1 (janvier 1793), p. 383-386 :

[De ce qui sera un beau succès (134 représentations répertoriées dans la base César), le critique donne un compte rendu prudent, en raison du caractère audacieux du sujet (le critique emploie des mots forts pour s’en distancier : « « l’odieux », « l’horreur » du dénouement, « l’action atroce de la Matrone »). D’après lui, M. Radet a su lui donner « un air de nouveauté & de fraîcheur dont il ne paroissoit pas que ce sujet dût être susceptible », il le félicite d’avoir su « gliss[er] sur le dénouement », qui est justement le point délicat de l’intrigue. Bien sûr, de façon rituelle, « peut- être quelques longueurs de moins donneroient-elles plus de rapidité à ce joli acte ». Et le compte rendu s’achève sur des couplets qui ont été appréciés, avant une phrase sur l’interprétation : « cette pièce est jouée très agréablement ».

Ce compte rendu s’ouvre par ailleurs sur un exercice de style : la liste des adaptation théâtrales antérieures de la Matrone d’Ephèse, depuis le conte de La Fontaine. Tous ces prédécesseurs, au succès très variable, attestent la difficulté du sujet.]

Théatre du Vaudeville.

La Matrone d'Ephese, comédie en un acte & en vaudeville ; par M. Radet.

La Matrone d'Ephese, conte de la Fontaine, est un sujet qui a été mis bien des fois au théatre, & contre lequel beaucoup d'auteurs ont échoué. En 1702, on donna au théatre françois, la Matrone d'Ephese, comédie en 1 acte, en prose, qui parut d'abord sous le nom de Boindin, & qui fut même imprimée dans ses œuvres : elle étoit cependant de Lamotte, qui, n'ayant encore travaillé que dans le genre sérieux, ne vouloit point hasarder une bouffonnerie. Il la réclama depuis, & la fit imprimer avec ses autres ouvrages. Fuselier donna, en 1714; au théatre de la Foire, la Matrone d’Ephese, comédie en trois actes, qui eut quelque succès, mais qui n'a jamais été imprimée. Ces deux auteurs avoient déja été devancés pour ce sujet ; car Fatouville avoit donné à l'ancien théatre italien, en 1682, la Matrone d'Ephese ou Arlequin Grapignan, comédie tirée de Pétrone, en trois actes, en prose, avec des scenes italiennes. La Matrone, comédie en cinq.actes, en prose, par M. Bielfeld, imprimée en 1753 ; la Matrone Chinoise, comédie en deux actes, en vers, avec un divertissement, donnée aux Italiens en 1764 ; la Matrone de Charenton, opéra-comique, en un acte, en vaudevilles, & par écriteaux (1), par Le Sage & d'Orneval, à la foire S. Laurent, en 1714, non imprimée, ne sont que des travestissemens de la Matrone d'Ephese, un des sujets les plus retournés & les plus ingrats qui soient au théatre.

M. Radet vient de lui donner un air de nouveauté & de fraîcheur dont il ne paroissoit pas que ce sujet dût être susceptible. La Matrone dEphese, a eu beaucoup de succès sur ce théatre. Peut- être quelques longueurs de moins donneroient-elles plus de rapidité à ce joli acte : quoi qu'il en soit, l'ouvrage a fait plaisir. L'auteur a suivi exactement le conte de la Fontaine, qui l'avoit lui-même imité de Pétrone ; & M. Radet a glissé sur-tout avec beaucoup d'art sur le dénouement, dont l’odieux, peu ménagé, avoit fait tomber jusqu'à présent la plupart des Matrones mises au théatre. La Fontaine l'avoit senti lui-même ; car son dénouement est aussi très-abrégé & sauvé par une apostrophe plaisante, qui distrait de l'horreur qu'il inspireroit avec plus de réflexion 

      Mettons notre mort à la place (du pendu)
      Les passans n'y connoîtront rien.
La dame y consentit : ô volages femelles! &c.

M. Radet a dit la même chose en deux vers :

Changeons un mort de place
Pour sauver un vivant.

Ce laconisme est très-adroit, & ne laisse pas le tems de réfléchir sur l'action atroce de la Matrone. II y a, dans cet ouvrage, des couplets faits avec tout l'esprit qu'on connoît à M. Radet, & dont le public en a redemandé plusieurs ; tels que celui-ci, que chante Corinne, suivante de la Matrone:

Air : de la croisée.

Ma maîtresse pleure un mari
Dont la tendresse étoit extrême :
Moi je pleure un maître chéri ;
Mon chagrin est presque le même.
Hélas! de sa tendre amitié
J'avois tant de fois eu la preuve,
Qu'à sa mort, comme sa moitié,
    J'ai cru devenir veuve.

L'auteur avoit prévenu le public sur sa Matrone, par le couplet suivant, ajouté à ceux du vaudeville d'Arlequin Afficheur, qu'on avoit donné d'abord, & chanté par le jeune Arlequin de ce théatre.

Lorsque nous osons rajeunir
D'Ephese la veuve fameuse,
Chacun de nous doit convenir
Que l'entreprise est dangereuse.
Moi , fils délaissé de Carlin,
De vos bontés j'ai fait l'épreuve :
Or, qui protege l'orphelin,
Doit protéger la veuve.

Cette piece est jouée très-agréablement par Mesdam. Laporte, (ci-devant Mlle. Férod) Blosville, & MM. Henri & Duchaume.

D’après la base César, la première a eu lieu le 13 octobre 1792. Elle a connu 19 représentations en 1792, 35 en 1793, 12 en 1794, 17 en 1795, 15 en 1796, 14 en 1797, 11 en 1798, 11 en 1799. soit 134 représentations jusqu'à la fin de 1799.

(1)Ces écriteaux étoient un effet des entraves qu'on mettoit alors à l'extension des arts & à la liberté des artistes. Comme on avoit défendu aux comédiens forains de jouer des pieces parlées, les acteurs imaginerent l'usage des cartons, sur lesquels on imprima, en gros caractere & en prose tres-laconique, tout ce que le jeu muet ne pouvoit rendre. Ces cartons étoient roulés, & chaque acteur en avoit, dans la poche droite, le nombre qui lui étoit nécessaire pour son rôle. A mesure qu'il avoit besoin d'un carton, il le dérouloit aux yeux des spectateurs, & le mettoit ensuite dans sa poche gauche. Ces écriteaux ne resterent pas long-tems au théatre. On imagina de substituer à cette prose des couplets sur des airs connus : mais les acteurs ne les chantoient pas : l'orchestre en jouoit l'air, & des gens, gagés par la troupe, & placés au parquet & aux amphythéatres, les chantoient : les acteurs les mimoient, & les spectateurs les imitoient souvent. Ces derniers y prirent un tel goût, que cela formoit par la suite un chorus général.

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