La Mère de famille

La Mère de famille, comédie en cinq actes, en prose, de Cizos-Duplessis, 14 mars 1791.

Théâtre du Palais-Royal.

Titre :

Mère de famille (la)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

prose

Musique :

non

Date de création :

14 mars 1791

Théâtre :

Théâtre du Palais Royal

Auteur(s) des paroles :

Cizos-Duplessis

Mercure universel, tome 1, n° 15 du mardi 15 mars 1791, p. 239-240 :

[Le critique commence par énumérer les principaux personnages, rapidement décrits. Il résume ensuite l'intrigue, assez confuse. Le père trompe sa femme, son fils convoite sa maîtresse, le père veut marier sa fille avec un roué qui a besoin d'éteindre ses dettes, heureusement, un ami véritable fait le nécessaire pour rendre la paix à toute la famille, si bien que c'est lui qui épouse la fille de la maison. Quatre vers de l'Art poétique de Boileau concluent le résumé, en soulignant le côté artificiel du dénouement fondé sur la révélation d'un secret. Le critique passe au jugement de cette intrigue. Il est très sévère pour les trois premiers actes, accusés de contenir « des futilités, des longueurs, des convenances choquées, des lieux communs, des choses de mauvais goût, sur-tout beaucoup trop d’enfans », le dernier reproche étant un peu surprenant (les autres sont très classiques !). Les défauts énumérés ne sont que partiellement compensés par la qualité du dialogue. Ce n'est qu'à partir du quatrième acte que « l'auteur prend un grand essor », les deux derniers actes offrant enfin « des conceptions vraiment dramatiques », en particulier la situation de la mère, prise entre les frasques de son mari et l'obligation où elle est de cacher que le rival du père dans ses amours clandestines est son propre fils. De façon solennelle, le critique tente d'expliquer, avec maintes précautions, que la pièce lui semble être l'étonnant rapprochement de « trois actes enfantins et insignifiants » (nouvelle apparitions des « marmots » : le critique n'aime pas les enfants sur la scène) et « un dénouement piquant, neuf, original ». Cet attelage étonnant n'a pas empêché la pièce de réussir, et le nom de l'auteur, demandé, a paru. Autre reproche : le cartel envoyé par le fils à son père. Le recours à un tel moyen, après que la philosophie a dénoncé « un préjugé barbare » dans ce moyen de rétablir son honneur. Les auteurs sont priés de renoncer au duel. L'article s'achève par l'habituel jugement sur l'interprétation, jugée bonne, avec une mention spéciale pour une actrice qui a su rendre de manière nuancée « le rôle pénible et difficile de madame Rebel »

Un époux dérangé et libertin, une mère de famille, respectable et délaissée, un fils amoureux, une sœur timide et sensible, un ami faux, espèce de roué qui veut épouser, pour assoupir des créanciers avides ; un Valmont, homme d’honneur, qui réunit la famille ; une maitresse qui, sans paroître, abuse le père et le fils. Voilà les personnages de la pièce intitulée : La Mère de Famille. Quant au fonds, le voici.

M. Reubel néglige son épouse, pour entretenir une femme, nommée Felicie, dont son fils est devenu amoureux ; il promet à un St. Léon sa fille en mariage; il veut arracher à son épouse son consentement à cette union, lorsque, volant dans les bras de sa maîtresse, son fils, à qui on refuse l’entrée de la maison, lui envoye un cartel : ils doivent se battre ; mais Valmont, homme de probité, dispose un bal ; il fait tout illuminer ; quand, d’un côté, M. Rebel se voit poursuivi par des créanciers, à qui il doit cent mille écus, et menacé par un rival outragé qui l’attend pour se battre..... Les préparatifs du bal insultent à leur douleur ; mais tout se découvre ; le véritable ami paye les dettes de M. Rebel, il le réconcilié avec toute sa famille, et pour prix d’un signalé service, obtient la main de la touchante Eugénie :

L’esprit ne se sent point plus vivement frappé,
Que, lorsqu’en un sujet d’intrigue enveloppé,
D’un secret tout-à-coup la vérité connue,
Change tout, donne à tout une face imprévue.

Boileau.

Telle est la marche de cette comédie, qu’on pourroit qualifier de drame. Nous croyons trouver dans les trois premiers actes des futilités, des longueurs, des convenances choquées, des lieux communs, des choses de mauvais goût, sur-tout beaucoup trop d’enfans ; mais nous trouvons en même-temps un dialogue vif, serré et très-bien coupé. Au quatrième acte l’auteur prend un grand essor ; et les deux derniers offrent des conceptions vraiment dramatiques : nous avons admiré celle où la mère, confidente des criminelles amours de son époux, parvient à lui cacher que son fils est son rival : la situation est belle et déchirante.

Nous allons hasarder une réflexion que nous prions l'auteur de nous pardonner, parce qu’un journaliste doit tout à la vérité et rien aux considérations particulières. Frappés de la ligne de démarcation qui semble séparer les deux derniers actes des trois premiers, nous pensons (peut-être à tort) que l’homme qui a broché trois actes enfantins et insignifians, beaucoup trop remplis de marmots, n’a fait qu’appliquer à son cadre un dénouement piquant, neuf, original, dont l’esprit, la touche et le sceau différent essentiellement de l’ensemble de l’ouvrage. Au reste, la pièce a réussi, et l’auteur demandé a paru. C’est M. Duplessis.

Nous ne devons pas épargner à l'auteur le reproche d’avoir préconisé le duel par l’honneur qu’il y attache. Il est étonnant que lorsque la philosophie lutte encore contre l’opinion et un préjugé barbare, les auteurs dramatiques cherchent à nous envelopper toujours des langes de l’erreur et du mensonge.

Les principaux rôles ont été bien rendus par MM. Dérosières, Chatillon, Saint-Clair, Fusil, Michot ; Mesdames Germain, Saint-Clair ; madame Germain sur-tout a nuancé habilement le rôle pénible et difficile de madame Rebel.

On donnoit pour petite pièce Crispin rival de son maître ; elle a été parfaitement rendue par messieurs Frogeres et Michot, dont le naturel ne laisse rien à desirer.

Crispin rival de son maître est une comédie en un acte, d'Alain-René Lesage, créée à la Comédie Française le 15 mars 1707. Elle y a été jouée 745 fois jusqu'à 1966.

Mercure universel, tome 1, n° 17 du jeudi 17 mars 1791, p. 272 :

[Malgré les changements suggérés lors de la première représentation, la seconde représentation n'a guère été plus heureuse.]

Theatre du Palais-Royal.

On a donné hier la seconde représentation de la Mère de Famille. L’auteur a fait les changemens que le public lui avoit indiqués, et les coupures nécessaires pour resserer [sic] la marche de la pièce, ce qui n’a pas empêché d’écouter l’ouvrage froidement.

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1791, volume 4 (avril 1791), p. 358-359 :

[Premier point capital pour le critique : la pièce n’est pas originale, elle n’est que la version féminine de pièces montrant des pères souffrant des désordres familiaux, et il multiplie les rapprochements pour le prouver. Deuxième point : le défaut de construction de la pièce : « quatre premiers actes, froids et mal coupés », seul le cinquième trouve grâce à ses yeux : il « est neuf, intéressant & riche en situations ». Et le rôle le plus intéressant est celui de madame Rével, qui, « quoiqu’il ne fasse point marcher l'intrigue dont il porte le nom mal-à-propos, est rempli de beautés de détails & de délicatesse ». Enfin, la pièce porte la marque d’un jeune auteur (il a tout d emême 35 ans), qui peut encore améliorer sa pièce en la réduisant en 3 actes (la pièce est riche en « redondances fastidieuses » : on s’y ennuierait ?). Heureusement elle a été fort bien jouée...

L'Ecole des pères de M. Pieyre : créée sur le Théâtre de l'Odéon le 1er juin 1787. L'École des mères : ce peut être la pièce de Nivelle de La Chaussée (1744) ou celle de Marivaux (1732). Et le Père d e famille est un titre largement employé au cours du siècle.]

Il est de ces ouvrages qui, en offrant à chaque scène un apperçu de tous les autres, & ne comportant qu'un intérêt trop partagé entre plusieurs personnages, ne peuvent ni tomber, ni avoir un grand succès. On peut placer dans cette classe la Mere de famille, comédie en 5 actes, en prose, jouée le lundi 14 mars sur ce théatre. Les quatre premiers actes, froids & mal coupés, ne présentent que des situations qu'on a vues développées dans l'Ecole des mères, dans le Pere de famille, & sur-tout dans l'Ecole des pères : dans cette comédie de M. Pieyre, c'est l'époux qui souffre des désordre de sa femme & de ses enfans ; dans la Mere de famille, c'est l'épouse qui cherche à réprimer les excès de son mari & ceux des passions naissantes qui dominent & son fils & sa fille.

M. de Rével, .pere de cinq enfans, époux d'une femme vertueuse, a formé, sous le nom de Dorville, une intrigue secrette avec une Félicie, fille aussi estimable que la Julie de l'Ecole des peres. Le fils aîné de M. de Rével, aime cette même Félicie, mais s'appercevant bientôt qu'il a un rival auquel il est sacrifié, il envoie un cartel à ce rival, qu'il connoìt sous le nom de Dorville : c'est pour dix heures du soir. M. de Rével reçoit le cartel ; & voilà le pere & le fils, occupés tous deux de leur duel, qui se préparent à voler au rendez-vous. Le chevalier de Faublas offre une situation pareille.

Mad. de Rével connoît la conduite & le faux nom de son mari : elle apprend l'aventure de son fils, & cette vertueuse mere, qui ne veut point compromettre son époux aux yeux de ses enfans, ne sait quel parti prendre. D'un autre côté, M. de Rével a dissipé sa fortune avec Félicie, & il se voit à la veille d'être arrêté. Tout cet imbroglio ne se dénoue que par le moyen d'un ami qui fait évader Félicie, paie les dettes de M. de Rével, & obtient la main de sa fille. A cette intrigue est jointe celle d'un M. de S. Léon, corrupteur de toute la famille & qui, à la fin, est reconnu pour un scélérat.

Le rôle de Mad. de Rével, quoiqu'il ne fasse point marcher l'intrigue dont il porte le nom mal-à-propos, est rempli de beautés de détails & de délicatesse. Le cinquième acte est neuf, intéressant & riche en situations ; mais en général, on s'apperçoit que cette piece est l'ouvrage d'un jeune homme. Le style, sans être incorrect, offre des redondances fastidieuses : si l'auteur vent néanmoins réduire cette comédie en 3 actes, elle peut lui faire beaucoup d'honneur. Mad. Germain a joué avec beaucoup de sensibilité le rôle de la Mere de famille ; Mad. Sainclair a joué avec naïveté celui d'Eugènie ; & MM. Michaut & Fusil ont mis beaucoup de comique dans les rôles de deux valets frippons, qui malheureusement n'apportent point de nuances ni de variété dans les scenes qu'ils ont ensemble. On a demandé l'auteur, qui a paru; mais dont on n'a point appris le nom au public.

D’après la base César, l'auteur est François Cizos-Duplessis. Sa pièce a connu 5 représentations du 14 mars au 16 avril 1791.

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