La Mort et le bûcheron, folie-vaudeville en deux actes, de Scribe et Dupin, 20 mai 1815.
Théâtre du Vaudeville.
Dans la liste des œuvres de Scribe que propose la Biographie des hommes du jour (Germain Sarrut et B. Saint-Edme, tome III, Ire partie, Paris, 1837), p. 377, la Mort et le Bûcheron figure en bonne place, avec date de création le 20 mai 1815, et Dupin y est ramené au rang de collaborateur.
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Titre :
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Mort et le bûcheron (le)
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Genre
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folie-vaudeville
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Nombre d'actes :
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2
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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20 mai 1815
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Théâtre :
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Théâtre du vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Scribe et Dupin
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Journal de l’Empire, 22 mai 1815, p. 4 :
Le vaudeville de la Mort et le Bûcheron, par M. Henri Dupin, donné hier pour la première fois, a réussi, grâce à quelques détails spirituels qui ont sauvé l’invraisemblable du fond.
Journal de Paris, n° 148 du 28 mai 1815, p. 1-2 :
[La fable de La Fontaine est le prétexte à une intrigue qui part bien de ce bûcheron qui préfère son sort misérable à la mort, qu'il a pourtant sollicitée. Mais la suite a peu de rapport avec la fable, et c'est une intrigue peu vraisemblable et sans réel intérêt. On a l'impression d'une pièce au merveilleux laborieux. Le bilan dressé à la fin de l'article est peu enthousiaste : « de l'esprit et de l'originalité », mais les plaisanteries ne sont pas bien neuves...Un acteur qui joue bien Arlequin (c'est son emploi), une actrice qui n'a plus de voix pour chanter. Un seul auteur est cité, Henri Dupin.]
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
La Mort et le Bûcheron, parade en deux actes.
Plutôt souffrir que mourir,
C'est la devise des hommes.
La Mort est bien laide de près, et tel qui se vantait de pouvoir la braver et se familiariser avec elle, ne trouve plus de force pour soutenir son aspect. Il l'appelait, elle vient ; il la repousse en frémissant, mais rarement consent-elle à avoir perdu ses pas.
Le pauvre Bûcheron de la fable qui la prie de l'aider à recharger son fagot, donne la leçon la plus sage et la plus palisante à-la-fois à tous les hommes qui, dans un moment de fatigue, de douleur et de découragement, s'imaginent qu'il est plus facile de déposer le fardeau de la vie que de continuer à le porter, quelque plaisant qu'il soit.
La fable mise en action forme le sujet des deux premières scènes de la parade philosophique, jouée au Vaudeville. Arlequin, fils d'un riche médecin, après avoir mangé et bu la fortune de son père, a vu fuir les flatteurs et les parasites dès qu'il n'a plus les moyens de nourrir leur avide complaisance. Il a été dégrisé, comme il le dit lui-même, quand la bouteille a été vive. Pour fuir d'importuns créanciers, il se réfugie dans un bois, où il est réduit à faire des fagots. Il ne peut s'habituer à ce pénible métier ; et, assis tristement sur le fagot qu'il vient de jeter à terre, il invoque la Mort : elle paraît.... non pâle, décharnée; hideuse, telle qu'on la peint aux yeux, mais sous la forme d'une femme jeune, belle, fraîche, appétissante, enfin sous les traits de Mlle Arsène.
Arlequin, effrayé d'abord, se rassure bientôt, et témoigne sa surprise de voir la Mort si différente de l'idée affreuse qu'il s'en était formée. Elle lui répond qu'il est des Morts de mille espèces différentes.
Pour une âme peu généreuse,
La Mort a des traits effrayans
Elle est terrible, elle est affreuse
Pour les pervers, pour les méchants.
Elle est douce, quand on l'éprouve
Pour sa maîtresse et ses amis ;
Elle est belle quand on la trouve
Pour son prince et pour son pays.
Elle a eu trop d'obligations au père d'Arlequin, médecin achalandé, pour ne pas acquitter envers le fils une partie de sa dette de reconnaissance ; elle lui accorde sa protection. La protection de la Mort ! Arlequin est assez embarrassé de savoir quel usage il en pourra faire. Elle l'engage à se livrer à la profession de médecin, et lui promet d'épargner ses cliens. Voilà la fortune du bûcheron assurée : mais encore faut-il qu'il sache au moins écrire une ordonnance ; sa protectrice lui épargne même ce soin : elle lui fait cadeau d'un sac plein de petites ordonnances toutes prêtes. Arlequin tirera un billet au hasard, et le malade gagnera toujours à la loterie.
Le premier essai réussit à merveille. Pour réduire au silence une femme entêtée, impérieuse, acariâtre, l'Oracle, renfermé dans le sac, ordonne du cornouiller : il faut le prendre en bâton ; c'est le mari qui applique le remède, il redouble la dose, et cette cure suffit pour mettre Arlequin en réputation, car le malade est une dame du haut parage.
Le médecin du château cherche à perdre le nouveau docteur qui est amoureux de sa fille ; ce médecin est le portrait vivant de l'envie et de la méchanceté ; il consentirait volontiers à perdre un œil pour rendre aveugle son voisin.
Par ses conseils, on met la science ou plutôt le bonheur d'Arlequin à plusieurs épreuves difficiles : il en sort toujours victorieux ; le jaloux docteur tombe subitement malade des succès de son rival, et c'est à celui-ci qu'on impose le devoir de le guérir ; pour le coup, ses efforts sont vains, la Mort l'a prévenu que l'effet de sa protection cesserait lorsqu'elle viendrait se placer au chevet du malade. Elle apparaît visible pour le seul Arlequin qui se désespère sa vie dépend de celle du méchant médecin. Un lazzi le tire d'embarras. Il retourne le fauteuil du moribond ; la Mort n'est plus au chevet, le malade est sauvé, le nom d'Arlequin est porté aux nues, il épouse sa maîtresse, et il apprend que l'aimable fantôme qu'il a pris pour la Mort est son bon génie.
Il y a dans cette pièce de l'esprit et de l'originalité. Si les plaisanteries ne sont pas bien neuves, elles sont du moins assez franches, et le titre de parade suffirait pour excuser plus de rébus et de quolibets que l'auteur n'a jugé à propos d'en semer dans cette bagatelle. Laporte est plein de gentillesse dans le rôle d'Arlequin. Quel dommage que Mlle Minette, cette actrice fine et spirituelle, n'ait plus même assez de voix pour chanter le vaudeville ! L'auteur ne sera pas fâché qu'on le nomme une seconde fois, c'est M. Henri Dupin.
A. Martainville.
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