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Le Mari juge et partie

Le Mari juge et partie, comédie en un acte et en vers, par MM. Chazet et Ourry, 20 avril 1808.

Théâtre de l’Impératrice.

Titre :

Mari juge et partie (le)

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

vers

Musique :

non

Date de création :

20 avril 1808

Théâtre :

Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

Chazet et Ourry

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Madame Cavanagh, 1808 :

Le Mari juge et partie, comédie en un acte et en vers, Par MM. Chazet et Ourry, Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le théâtre de l’Impératrice, le 21 avril 1808.

Journal de l’Empire, 23 avril 1808, p. 3-4 :

[Dans le Journal de l’Empire, le critique obéit à des règles propres quand il s’agit de rendre compte d’une pièce. Il commence par parler d’une autre pièce vieille de plus d’un siècle, mais dont le titre est proche de celui de la pièce nouvelle, il en évoque le succès égal à celui du Tartufe, alors que les deux œuvres ont peu à voir ensemble. C’est qu’il est peu de connaisseurs, à toutes les époques. Et sans transition, il donne son avis sur le titre de la pièce nouvelle, qui devrait plutôt s’appeler «le Mari mystifié. Suit l’analyse du sujet, une intrigue très conventionnelle de femme qui tente de ramener à elle son mari avec l’aide de la maîtresse de celui-ci, qui est en même temps son amie. En bon mari de comédie, « ce bon et honnête mari » (je ne sais pas si le critique est ironique ou non) se fait pardonner. Et le critique donne son jugement, uniquement sur l’attitude de la femme, qu’il estime une attitude peu honorable, indigne d’une femme honnête. Car c’est elle qui est coupable, puisqu’elle a écrit une lettre à son mari où elle lui fait croire qu’elle est « amoureuse d’un jeune homme ». Comme on dit dans le Journal de l’Empire, « de pareilles fictions sont indignes de la scène ». Et le dénouement est facilement tourné en ridicule  au lieu d’un deus ex machina, un jeune homme arrive pour épouser la maîtresse du mari, dont il est tombé amoureux en la voyant à l’opéra. La pièce a eu du succès : applaudissements, peu de sifflets, l’auteur demandé (mais le critique ne donne pas son nom : nommé ou pas, on ne saura pas). Et cet auteur fécond est invité à freiner sa verve créatrice, trop féconde.]

Théâtre de l’Impératrice.

Le Mari juge et partie.

Il y a une comédie de Montfleury, intitulée la Femme juge et partie, qui eut autrefois beaucoup de vogue ; elle balança même le succès du Tartufe : on y trouve du merveilleux, du romanesque, du bas comique ; l’intrigue très-extraordinaire pique la curiosité. C’en étoit assez pour attirer la foule ; le peuple ne sentoit pas l’énorme distance qui sépare un chef-d'œuvre tel que le Tartufe, d’une conception aussi bizarre que celle de la Femme juge et partie. Dans tous les temps, les connoisseurs sont en très-petit nombre ; le temps a marqué à ces deux ouvrages leur véritable place ; je ne vois pas trop ce qui justifie dans la pièce nouvelle le titre de Mari juge et partie ; il faudroit plutôt l’intituler le Mari mystifié.

Derval (c’est le nom de ce mari), un peu las de sa femme, a une maîtresse nommée Julie, à laquelle il fait accroire qu’il est garçon. Mais pour son malheur, sa maîtresse est amie de sa femme : elle vient la voir déguisée en homme, et lui dévoile la trahison de son mari ; et ces deux bonnes amies se réunissent pour punir le coupable. Après qu’elles l’ont bien berné, en excitant sa jalousie, ce bon et honnête mari, sans se fâcher d’avoir servi de jouet à ces deux femmes, demande pardon à la sienne, obtient sa grace, et rentre dans son devoir : c’est un vrai mari de comédie, tel que le comte Almaviva. Je ne conseillerai jamais à aucune femme de se moquer de son mari pour le corriger, et d’humilier son orgueil pour ranimer sa tendresse : ce moyen n’est pas dans la nature et dans le cœur humain. Il ne convient pas à une femme véritablement honnête ; il n’y a que des honnêtes femmes de comédie qui se permettent de pareilles libertés ; rien n’est plus indécent que cette madame Derval, qui écrit lestement à son mari qu’elle est amoureuse d’un jeune homme. De pareilles fictions sont indignes de la scène. Par le plus singulier hasard du monde, il arrive qu’un jeune homme nommé Charles, neveu de Derval, rencontre dans cette Julie, maîtresse de son oncle, une femme qu’il aime passionnément pour l’avoir vue une fois à l’opéra ; et il l’épouse : incident romanesque, très-indigne du reste. la pièce a cependant été écoutée, applaudie, sauf deux ou trois petits sifflets, et l’auteur demandé. Cet auteur, beaucoup trop fécond, feroit bien, pour sa gloire et pour son intérêt, de réprimer l’excessive abondance de ses productions.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 13e année, 1808, tome III, p. 171:

Le Mari juge et partie, comédie en un acte et en vers, jouée le 24 avril.

Contre-épreuve des Maris corrigés, du Jaloux malgré lui, etc., etc. De jolis vers ont soutenu cette bleuette de MM. Chazet et Ourry.

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1808, tome VI (juin 1808), p. 278-281 :

[Le compte rendu commence par une attaque générale contre la dérive du théâtre comique, devenu pur exercice de l’esprit (jeux de mots et équivoques piquantes), au détriment de la vraisemblance et de la raison.

En résumé, la pièce est amusante, mais elle est vide, et son titre est inadapté. Et en plus, elle n’est pas originale, et ne vaut pas mieux que celles qu’elle copie.]

Théâtre De L'impératrice.

Le Mari juge et partie.

Je voudrais qu'un interdit jetté sur le théâtre y défendît l'esprit au moins pendant dix ans ; qu'il ne fût plus permis d'y faire rire d'un jeu de mots ingénieux, d'une équivoque piquante, d'une scène de mystification plaisamment imaginée ; qu'on fût obligé, sous peine de mort, non pas d'homme, mais de pièce, de s’y borner aux moyens naturels, au langage ordinaire, aux suppositions simples, à la vraisemblance et à la raison. Quelle désolation parmi les auteurs ! Quelle vacance pour les journalistes ! Je suis persuadé que, d'un an au moins, nous n'aurions pat de pièces noubelles.

Nine times the space thas measures day and nîgth
To mortal men, he with his.. .. crew
Lay vanquished. . ,

« Durant neuf fois l'espace de temps qui mesure aux mortels le jour et la nuit, il demeura accablé ».

(Milton , Paradis perdu).

Mais enfin le courage le plus abattu se relève ; au bout de quelque temps on chercherait ce qu'il peut y avoir à faire ; tout sans doute, hors de cesser d'écrire : il faut qu'un auteur écrive, comme il faut qu'une mouche fasse son miel, une araignée sa toile, un limaçon sa coque. N'ayons pas peur que les auteurs nous manquent ; vraisemblablement ils chercheraient quelles ressources peuvent leur rester pour réussir dans la nouvelle manière qui leur ferait prescrite.

What reinforcement they may gain from hope
Il not what resolution from despoir,

« Quelles sont les nouvelles forces que peut leur donner l'espérance, ou du moins quelle résolution peut leur inspirer le désespoir »?                 (Ibid).

Cette résolution serait peut-être de faire des pièces, puisqu'ils ne pourraient plus amuser par des scènes sans but et sans objet ; d'inventer des situations neuves et comiques, puisqu'ils ne pourraient plus, ranimer des situations froides ou usées par le piquant du dialogue. Il leur viendrait peut-être dans la tête de chercher à exciter et à soutenir la curiosité par une intrigue ou un nœud quelconque, d'amener et de motiver leurs dénouemens, de développer des sentiment, ou des caractères : je ne dis pas qu'ils y parvinssent facilement, mais enfin ils essaieraient, et c'est de quoi maintenant pas un ne s'avise. D'assez jolies scènes viennent comme elles peuvent ; on les prend comme elles viennent; quand l'auteur en croit avoir mis assez pour cette fois, il finit la pièce, et la toile se baisse qu'on en est encore à se demander quand commencera l'intrigue. Cependant le public, qui s'est amusé en attendant, ne cherche pas chicane, et espère qu'on lui donnera le reste un autre jour. Il faut être juste, on ne le trompe pas trop dans son attente ; des rognures de la pièce qui vient de paraître, bientôt naît, croît et se forme une nouvelle pièce, qui, de la même manière, en fournira une troisième, etc., et ainsi les journalistes loueront dix fois l'esprit d'un auteur dans le temps qu'il aurait pu l'employer à composer une seule pièce qui aurait fait parler beaucoup moins de lui et beaucoup plus de son ouvrage.

MM. Chazet et Sewrin ont donné, il y a trois semaines, à Louvois une comédie en trois actes et en vers ; voilà aujourd'hui MM, Chazet et Ourry qui donnent une comédie en un acte et en vers. Cette dernière comédie, à la vérité, n’est pas longue,. on n'a pas le temps de s'y ennuyer ; on peut même dire qu'on s'y amuse ; mais demandez-moi pourquoi ? Cela serait difficile à expliquer, et c'est presque le cas du vers :

On cherche ce qu'il dit après qu'il a parlé.

Tant qu'ils parlent cela va bien ; car ce qu'ils disent est assez joli pour donner bonne opinion de ce qu'ils vont dire. Les motifs de ce que font les personnages ne sont pas bien clairs, mais sans doute on les expliquera ; leur but n'est pas très-facile à concevoir, mais il se découvrira ; ce déguisement paraît extraordinaire, mais apparemment qu'il doit amener des incidens très-piquans ; voilà ce qu'on se dit tant que dure la pièce : c'est un joli premier acte auquel il n'en manque que trois ou quatre autres ensuite pour développer on du moins pour employer ce qui semblait assez bien préparé dans celui-là. Dans ces actes suivans, par exemple, on nous aurait peut-être appris pourquoi Julie se déguise en homme pour venir voir Constance, son ancienne amie, qu'elle n'a pas vue depuis long-temps. Dans celui-ci, je comprends bien que c'est parce que Mlle. Delille qui joue le rôle de Julie, déguisée en homme sous le nom de Florival, le joue d'une manière fort piquante, que ce déguisement amène une scène assez gaie, où Charles, amant de Julie, et qui la reconnaît bien, feint de la prendre, comme elle le prétend, pour le frère jumeau de Julie, et l'embarrasse un peu en la traitant avec la familiarité qu'il croit pouvoir se permettre avec le frère de sa maîtresse. Du reste, ce déguisement ne trompe personne, puisque Julie est reconnue sur-le-champ de chacun des personnages en particulier ; il ne sert d'ailleurs en aucune manière au projet qui amène Julie chez Constance ; c'est de se venger de Derval, mari de Constance. Celui-ci, depuis quelque temps, amoureux de Julie et ignorant les liaisons qu'elle a avec sa femme, lui a dit qu'il n'était pas marié ; Julie, qui feint de le regarder comme devant être bientôt son époux, vient lui faire une visite sans l'avoir prévenu ; c'est une chose comique que l'embarras de Derval pour déguiser à Julie ce qui pourrait la détromper, pour tâcher de l'éloigner de peur que sa femme ne survienne ; Julie sort enfin, et Derval a eu tellement peur qu'il en devient pénitent et se résout, pour plus de commodité, de retourner à sa femme ; mais celle-ci, depuis long-temps mécontente de ses froideurs, et instruite par Julie de ses nouveaux tons, le reçoit fort mal ; Julie veut que, pour achever de le piquer, Coustance lui déclare qu'elle en aime un autre. Il s'emporte, veut connaître celui qui l'outrage ; on fait alors sortir le prétendu Florivel d'un cabinet où il a repris ses habits de femme pour épouser Charles, neveu de Derval, et qui prétend bien donner à ce mari converti un exemple de fidélité.

Cette petite pièce est gaiment et spirituellement écrite ; mais elle n'est qu'écrite, la composition y est nulle, et le titre ne s'entend pas Pourquoi le Mari juge et partie ? Est-ce parce qu'il juge sa femme coupabl e; mais dans ces cas-là , un mari est toujours juge, il est toujours partie ; cette particularité dans sa situation n'a rien d'assez extraordinaire pour en faire le titre d'une comédie. Dans la Femme juge et partie, la femme se trouve réellement être juge, ce qui n'arrive guères aux femmes ; elle se trouve dans le cas de juger son mari pour un crime dont il s'est rendu coupable envers elle , dont elle seule peut l'accuser ; elle est donc réellement et légalement juge et partie, ce qui est ici assez extraordinaire pour le remarquer. Le titre aurait dû être le Mari juge et criminel. C'est la situation du mari dans le Préjugé à la mode, de quelques autres aussi peut-être qui ne se trouvent pas dans des comédies ; la moralité de la pièce nouvelle, c'est que dans ce cas-là ils doivent être indulgens.

La pièce a été très-applaudie et les auteurs ont été demandés.                             P.

Les quatre Saisons du Parnasse, été 1808 (quatrième année), p. 284-285 :

[Peu de fonds, des ressemblances avec bien des pièces antérieures...]

LE MARI JUGE ET PARTIE.

Première représentation le 20 avril.

Derval est uni à Constance, et cependant il courtise Julie, jeune et jolie veuve, à laquelle il proteste qu'il est libre ; mais Constance est son ancienne amie de couvent ; elle lui écrit une lettre sous le nom de Florival, qu'elle a soin de faire tomber dans les mains de Derval, chez lequel elle arrive bientôt sous les habits d'homme. Derval, qui la reconnoît, est fort embarrassé de sa visite ; Julie la prolonge autant qu'elle le peut, afin de jouir de son embarras ; enfin, elle sort. On apporte une lettre à Derval ; c'est sa femme qui lui écrit qu'elle aime un jeune homme, et qu'à son exemple elle veut jouir de sa liberté.

A cette nouvelle inattendue, l'époux inconstant, qui avoit paru très indifférent sur la lettre qu'on avoit écrite à son épouse, s'emporte ; Constance paroît, il devient furieux, et veut connoître l'insolent qui ose lever les yeux sur elle ; elle lui dit qu'il est dans son cabinet  il va pour enfoncer la porte, Julie en sort sous les habits de son sexe.

L'époux confondu obtient son pardon, et Julie s'unit au neveu de Derval qu'elle aime et qui en est aimée, et le mari promet de profiter de la leçon.

Le fond de cet ouvrage est foible ; l'intrigue offre quelques ressemblances avec le Dépit amoureux, le Mariage de Figaro, le Jaloux malgré lui, et plusieurs autres pièces dans lesquelles des jaloux sont corrigés.

Un peu de monotonie, une couleur trop égale, sont rachetés par quelques jolies scènes, un style pur et un dialogue spirituel. Cette pièce, dont les auteurs sont MM. Chazet et Ourry, a été applaudie.

Annales dramatiques, ou Dictionnaire général des théâtres, tome VI (Paris, 1810), p. 76 :

MARI JUGE ET PARTIE (le), comédie en un acte, en vers, par MM. Chazet et Ourry , au théâtre Louvois, 1808.

La comédie de la Femme Juge et Partie de Montfleury, est une des plus anciennes pièces du théâtre Français ; on la voit toujours avec plaisir. Le Mari Juge et Partie aura-t-il un succès aussi durable ?

Il s'agit, dans cette pièce, d'un mari qui abandonne sa femme, pour courir après les bonnes fortunes ; il rencontre une certaine Julie, dont il devient amoureux. Cette dame découvre qu'il est marié, et elle concerte avec la femme de l'inconstant, un petit projet dont le résultat est de le mystifier. Il croit sa femme infidèle, se fâche contre elle; mais la vue de Julie le réduit au silence, et le fait rentrer dans le devoir.

Comme on le voit, le fonds de cet ouvrage est peu de chose ; l'intrigue n'est pas neuve ; mais le style est correct, et des situations adroitement ménagées annoncent dans les auteurs une grande connaissance de la scène.

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