Le Mari supposé, deux actes. 18 nivôse an 5 [7 janvier 1797].
Théâtre du Vaudeville.
Almanach des Muses 1798.
Courrier des spectacles, n° 2 du 19 nivôse an 5 [8 janvier 1797], p. 3-4 :
[L’analyse de la pièce comporte d’abord un résumé assez précis d’une intrigue espagnole assez confuse, avec une affaire matrimoniale compliquée, une affaire d’honneur qu’on ne vide jamais, un déguisement en femme, de la ruse envers le père de la fiancée. Le résultat est décevant : pièce « froide et languissante », action trop lente, et bien éloignée de la gaîté qu’on attend d’un vaudeville (c’est l’occasion de citer Boileau, bien sûr). Le genre espagnol n’est pas apte au vaudeville, même si celui-ci offre « de jolis couplets, et un peu de comique à la fin du second acte ». On ne sait rien de l’interprétation, de la réaction du public, du nom de l’auteur.]
VAUDEVILLE.
Le Mari Supposé.
L’on donna hier à ce théâtre la première représentation du mari supposé ; voici l’analyse de cette Comédie.
Dom Pédro, parrain d’Isabelle, a promis de doter sa filleule : celle-ci est sur le point d'épouser le chevalier . . . . . . . qui ne soucie pas d'aller chercher la dot, attendu qu’il a encore à terminer une affaire d’honneur qu’il eut autrefois avec dom Pédro. Isabelle qui n’aime pas le chevalier, mais bien un certain cousin nommé Valério, imagine un stratagème pour être à son amant. Elle fait consentir le chevalier à ce que Valério passe pour son mari, seulement jusqu’à ce que la dot soit comptée. Le chevalier y consent ; mais pour ne pas quitter sa prétendue, il se déguise en femme afin de se faire passer lui-même pour mère de Valério. Ils arrivent chez dom Pédro qui les invite à souper, et ensuite donne des ordres pour que l’on prépare deux chambres, l’une pour Isabelle et Valério, et l’autre pour le chevalier et la mère d’Isabelle. Cet arrangement tourmente fort le chevalier qui, d’une part, ne veut pas se découvrir, et qui, de l’autre, ne voit pas volontiers Valério partager la chambre de sa future. La mère de celle-ci, craignant les suites de cet évènement, découvre tout à dom Pédro, qui, transporté de fureur de ce qu’on l’a joué ainsi, ne consent à oublier cette offense, qu’autant que Valério épousera Isabelle, et que la mère donnera la main au chevalier.
Cette comédie nous a semblé froide, languissante ; l’action marche très-lentement : elle ne nous a pas paru convenable au vaudeville, dont l’enjouement et la gaîté sont les principaux caractères. L’auteur auroit dû mieux se pénétrer de ces vers de Boileau :
Le Français né malin créa le vaudeville.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Cet Enfant du plaisir veut naître dans la joie.
Nous croyons que le genre espagnol prête peu à faire de bons vaudevilles. Cependant on ne peut nier qu’il n’y ait de jolis couplets, et un peu de comique à la fin du second acte.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, seconde année, tome cinquième, l'an cinquième, 1797, p. 262-263 :
Le succès des deux Veuves se soutient au Vaudeville ; cette petite pièce est du meilleur ton, du meilleur goût, et rappelle le temps de la gaieté et de l'urbanité française.
On a donné, depuis, le Mari supposé, qui avoit été d’abord mal accueilli, et qui a ensuite obtenu plus de succès.
Isabelle aime son jeune cousin Valério ; malgré cela, sa mère veut la marier à un homme ridicule appelé Don Japhet de la Plata. La noce doit se célébrer dans trois jours, il n’y a qu’une difficulté ; un seigneur voisin, Don Torribio de los Fatalos, a promis de doter Isabelle de 300 ducats, en reconnoissance d’un service signalé que son père lui a rendu ; mais il a mis pour clause dans le contrat que l'époux lui seroit présenté aussitôt après le mariage. Don Japhet a eu querelle avec Don Torribio, il en a reçu un soufflet dont il n’a pas demandé satisfaction ; il sait bien que le brave Torribio ne pourrait l'agréer, il refuse la dot ; mais Isabelle, qui a ses raisons, ne veut pas désobliger son parrein. Comment faire ? Elle propose un expédient que Don Japhet accepte, c’est de faire passer Valério pour son mari. Don Japhet veut être de la partie ; comment le travestir ? On l'habille en femme et il devient la mère de Valério.
Torribio est un être assez singulier, grand amateur de la chasse, grand pourfendeur, espèce de Don Quichotte, plein des idées des romans, ne s'exprimant que comme un preux, et ayant une galanterie, un esprit, une gaieté, une probité chevaleresques et gothiques. Valério, qui est un jeune militaire, lui plaît ; il veut avec plaisir s'acquitter de sa promesse ; mais le notaire est absent, et il retient toute la famille à souper, et ensuite à passer la nuit dans son château, les deux jeunes époux dans la chambre des Amadis, les mères dans celle des Tristans. On sent l'embarras extrême des quatre personnages ; il faut se résoudre à tout avouer. Don Torribio pardonne aux jeunes gens, à condition que ce qui n’est qu’une supercherie deviendra une réalité; Don Japhet n’a le choix que de se battre avec lui, ou d'épouser la mère d’Isabelle, et il accepte la proposition.
Le sujet de cette petite pièce est gai ; les couplets sont tournés avec esprit. Ces avantages suffisent bien pour faire oublier quelques défauts et même des inconvenances dans le plan. Les rôles sont bien joués par les citoyens Duchaume, Henri et Chapelle, et par les citoyennes Duchaume et Blosseville.
D'après la base César, cette pièce, d'auteur inconnu, a été créée le 29 juillet 1796 au Théâtre de société de Momus, puis jouée 10 fois du 22 mars 1797 au 23 octobre 1799 au Théâtre du Vaudeville (3 fois en 1797, 7 fois en 1799).
Ajouter un commentaire