Le Médecin turc

Le Médecin turc, opéra-bouffon en un acte, d'Armand Gouffé et Villiers, musique de Nicolo Isouard , 27 brumaire an 12 [19 novembre 1803].

Théâtre Feydeau.

Titre :

Médecin turc (le)

Genre

opéra-bouffon

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

oui

Date de création :

27 brumaire an 12 (19 novembre 1803)

Théâtre :

Théâtre Feydeau

Auteur(s) des paroles :

Villiers et Armand-Gouffé

Compositeur(s) :

Nicolo Isouard

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mad. Cavanagh, an 12 [1803] :

Le Médecin turc, opéra-bouffon en un acte, Paroles de MM. Armand-Gouffé et Viliers, Musique de M. Nicolò Isouard, Représenté pour la prmeière fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Opéra-Comique, le 27 Brumaire an 12.

La liste des personnages et le lieu de l'action :

PERSONNAGES.

ACTEURS.

KALIL, Médecin turc.

M. Solié.

FORLIS, Français, esclave du Grand Visir.

M. Elleviou.

ADELE, sa femme, esclave de Kalil.

Mlle. Pingenet aînée.

BOUZOULA, femme de Kalil.

Mad. Dugazon.

Chef des Gardes.

M. Prévot.

Plusieurs esclaves.

Plusieurs Odalisques.

La scène est à Constantinople, dans les jardins
de Kalil.

Le décor :

Le Théâtre représente l'intérieur de la maison de Kalil ; à droite la porte qui conduit au Harem ; à gauche, la porte d'entrée ; une autre dans le fond, qui laisse voir les jardins.

Le tableau initial :

Au lever du rideau, quatre Odalisques sont assises sur des carreaux, sur le devant de la scène ; elles jouent de divers instrumens. Adèle est un peu en avant tenant une lyre.

La pièce s'achève par un tableau de la guérison de la folie de Firlis, et un « chœur général » :

FINAL.

(Au commencement du final, Bouzoula fait approcher les gardes, qui, pendant la scène étoient restés dans le fond du théâtre ; Kalil prend les mains à Forlis, et lui fait plusieurs attouchemens ; Bouzoula lui apporte un vase ; en le lui présentant elle lui fait voir qu'il n'y a rien dedans. Forlis le prend, fait semblant de boire, et le remet à Bouzoula. Les gardes sont très-attentifs à l'opération.

Chacun constate la guérison miraculeuse de Forlis, avant de chanter en chœur :

                 Honneur, honneur
                 Au savant docteur,
                 Par qui la folie
                 Est ainsi guérie.
Honneur, honneur, cent fois honneur
Au talent de ce grand docteur.

Courrier des spectacles, n° 2450 du 28 brumaire an 12 [20 novembre 1803], p. 2-3 :

[La pièce s’inscrit dans la longue tradition du dénigrement des médecins dans les comédies (et de celui du monde ottoman). Cette fois, il s’agit de se moquer d’un médecin turc, dont le critique reconnaît ne pas savoir si les médecins de ce pays méritent les sarcasmes dont il est accablé ici à l’instar des médecins français. La pièce a connu le succès malgré la faiblesse du fonds, compensée par « une intrigue simple, mais jolie, des scènes bien amenées », mais pas très neuves et surtout par la musique « aussi fraîche que légère », à laquelle le critique ne craint pas d’attribuer le succès de la pièce. La pièce raconte le défi auquel est confronté un médecin qui s’est vanté de avoir guérir toutes les maladies. Il doit soigner un esclave français, « attaqué de folie ». Mais cette folie n’est qu’une ruse employée par le jeune homme pour rester chez le médecin, qui a son épouse parmi ses esclaves. Sans grande surprise, le fou supposé guérit bien vite, et le médecin feint de le croire, parce qu’il en tire profit (il sera médecin du Grand Visir). Comme le Visir accorde la liberté au malade s’il guérit, il cesse de simuler, et le médecin obtient même que sa femme le suivra dans son retour en France. Le jugement porté sur la pièce concerne surtout l’interprétation, que le critique valorise beaucoup (pour l’ensemble, mais aussi pour la performance individuelle des quatre interprètes : c’est surtout le cas d’une jeune actrice, sur laquelle il ne tarit pas d’éloges) ; il concerne aussi la musique, nouvelle œuvre de Nicolo Isouard, présenté comme un des piliers du théâtre lyrique.]

Théâtre Feydeau.

Première Représentation du Médecin Turc.

Depuis Molière jusqu’à nos jours, la comédie a trouvé une mine féconde à exploiter en mettant sur la scene les médecins, et sur-tout les médecins charlatans. Costume imposant, ordonnances délicates, grave ministère, vous fûtes impitoyablement immolés par les traits du ridicule ; mais si l’on rioit d’eux au théâtre, les médecins se consoloient par le nombre de leurs dupes journalières. Ils se consolaient, encore en se flattant que la matière des plaisanteries sur leur compte seroit bientôt épuisée. Vain espoir ! Le théàtre semble avoir déclaré aux médecins une guerre éternelle, et voilà que les sarcasmes pleuvent de nouveau sur ces pauvres successeurs d’Hyppocrate et de Galien.

Ce n’est plus en France, ce n’est plus chez nos voisins que la satyre cherche ses victimes ; elle les poursuit jusques dans l’empire soumis à la loi du Prophète. Je ne sais pas jusqu’à quel point la médecine turque est ridicule, je ne sais pas même si elle l’est ; mais enfin il y a des médecins eu Turquie, et par tout où il y en a, le théâtre s’est approprié le droit de les faire comparoître et de les exposer au rire de la multitude. Les auteurs du nouvel opéra ont cru qu’un médecin étoit en Turquie comme chez nous, une espece de charlatan ; ils ont jugé, le personnage de bonne prise, et le tribunal du public a jugé comme eux. Leur piece a réussi et elle méritoit ce succès à plusieurs titres. Quoi que le fonds en soit foible, ils ont sçu y adapter une intrigue simple, mais jolie, des scènes bien amenées, quoiqu’elles eussent pu être plus neuves, et sur-tout une musique aussi fraîche que légère, dont le mérite a décidé la réussite de l’ouvrage.

Un Médecin Turc nommé Kalib s’est vanté de posséder à fond l’art d’opérer toutes sortes de guérisons. Le Grand-Visir pour le mettre à l’épreuve, lui propose une cure qui, si elle réussit lui vaudra l’emploi de premier médecin de sa hautesse, et la bastonnade, s’il y échoue. C’est de guérir Dorlis, son jardinier, jeune esclave Français, qui est attaqué de folie. Il faut cependant ici prévenir le lecteur que cette maladie n’est que feinte par Dorlis , afin de se procurer une entrée chez le médecin qui a chez lui une jeune esclave nommée Adèle, épouse de Dorlis, et dont celui-ci pleure chaque jour la perte.

Kalib est bien embarrassé. Par quel moyen, ignorant comme il l’est, parviendra-t-il a rendre la raison à Dorlis ? Sa femme qui a entendu le jeune français regretter son épouse, lui conseille d’essayer une entrevue entre Adèle et le Fou ; le Médecin qui craint qu'elle n’ait des suites fâcheuses pour ses intérêts, n’y consent qu’avec répugnance ; mais enfin, il veut tenter ce moyen, Adèle en revoyant son époux le croit insensé, mais il lui fait entendre adroitement que ce n’est qu’une feinte et qu’il saura briser ses fers.

Kalib satisfait de son épreuve, veut éloigner Adèle, Dorlis reprend un air égaré, le Médecin se désespere de l’inutilité de ses efforts lorsqu’on vient annoncer que le Visir desire savoir s’il a réussi, et que dans ce cas, le malade sera libre de retourner dans sa patrie. Dorlis saute de joie, déclare son stratagème, et force Kalib tant par la crainte de passer pour un charlatan, que par l’espoir d’être premier médecin du Sultan, à consentir à la liberté d'Adèle.

Ce petit opéra a le mérite d’être joué avec beaucoup d’ensemble ; il n’y a que quatre acteurs, et tous les quatre sont aimés du public. Elleviou dans le rôle du fou a déployé cette finessse de jeu et cette aisance qui lui méritent chaque jour de nouveaux applandissemens. Mlle Pingenet aînée trouve dans le tôle d’Adele une occasion bien flatteuse pour une actrice jeune et jolie de faire briller des talens qu’on ne lui connoissoit pas encore.

Dans un trio charmant entr’elle, mad. Dugazon et M. Solié, elle exécute avec autant de grâce que de légèreté divers pas en s’accompagnant sur le tambour de basque ; on cessera de s’en étonner lorsqu’on saura qu’elle a reçu des leçons de Therpsicore elle-même. Si mad. Gardel étoit à cette représentation, elle a pu sans vanité s’approprier quelques uns des éloges donnés à son aimable élève.

Les auteurs ont été demandés unanimement: ce sont pour les paroles MM. Villiers et Armand-Gouffé, et pour la musique M. Nicolo-Isoard. Ce dernier a été appelé, et est venu recevoir le tribut de la satisfaction générale. Depuis deux ans, ce compositeur est celui qui a le plus travaillé pour notre théâtre lyrique, et presque tous les jours on joue une de ses productions. Le Médecin Turc n’est pas celle qui lui fera le moins d’honneur.

Parmi les morceaux qui la distinguent, on doit citer le beau trio dont nous avons parlé précédemment, l’ouverture pleine d’originalité, et sur-tout un air charmant et varié, chanté par Elleviou, et où l’auteur a sçu avec beau coup d’art

Passer du grave au doux, du plaisant au sévère.

F. J. B. V. G ***.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 9e année, 1803, tome IV, p. 136-137 :

THÉATRE FEYDEAU.

Le Médecin Turc.

Intrigue invraisemblable, mais de la gaîté et de l’esprit : on ne doit pas s’étonner du succès.

Un vieux médecin turc, épris des charmes d'une esclave qu'il a nouvellement achetée , ne veut pas la céder au pacha qui la désire, et qui lui en offre même un bon prix. Le pacha, pour se venger du médecin, lui envoie un malade regardé comme incurable, et lui impose la condition de le guérir ou de recevoir la bastonnade. Le prétendu malade est un fou supposé, qui n'est autre que le mari de l'esclave, et qui promet au médecin de proclamer partout sa guérison , et de lui éviter ainsi la bastonnade s'il veut lui rendre son épouse. Le médecin est forcé de consentir à tout, et le pacha est encore plus dupe que lui.

Les paroles sont de MM. Villiers et Armand Gouffé. La musique de M. Nicolo pourroit avoir plus de caractère : on l'a trouvée en général peu chantante.

Geoffroy, Cours de littérature dramatique, seconde édition, tome cinquième (Paris, 1825), p. 417-421 :

[Geoffroy, en bon ancien professeur, ne manque jamais d'instruire ses lecteurs, et il commence son feuilleton sur le Médecin turc par une introduction à la médecine en pays musulman, pays où les médecins ont peu de place. La pièce est ensuite présentée avec un brin de condescendance : on ne peut guère croire à cette histoire fort peu vraisemblable aux yeux du critique d'un couple français « esclaves à Constantinople ». Celui-ci spécule sur la valeur élevée d'une esclave française, jolie de surcroît, comparée à celle d'« une beauté stupide et inanimée de la Géorgie ou de la Circassie. Esclave chez un médecin, elle suscite la convoitise du grand vizir, mais le prix qui en est demandé est trop élevé, et le vizir décide de se venger de ce médecin qui ose lui refuser ce qu'il demande. Il impose un médecin un défi : s'il guérit le mari français de l'esclave qui joue au fou, le vizir le fera médecin de la cour, mais s'il échoue, il sera bastonné. On amène donc le mari chez le médecin, et Geoffroy en profite pour exprimer son indignation : cette femme se montre, pour lui, bien peu sensible à l'amour de son mari. Elle propose pourtant le bon remède pour « guérir » son mari, l'amour : elle doit charmer le faux fou, ce qui ne devrait pas être bien difficile. Le grand vizir veut savoir ce qu'il en est de cette guérison (il a très envie de faire bastonner le médecin), mais le fou présumé explique la situation au médecin  il est l'époux de l'esclave, et n'est pas fou du tout. Le médecin n'a pas de mal à inventer un faux remède pour guérir son faux malade. La pièce est fort gaie, mais elle manque pour le critique de raison, et la musique ne lui apporte pas grand chose : elle est d'un style « mesquin et de mauvais goût ». Seul Elleviou, parmi les interprètes a droit à des compliments ambigus.]

NICOLO-ISOUARD.

LE MÉDECIN TURC.

Les médecins, en Turquie, se concilient difficilement avec le système philosophique et religieux de cet empire. La pharmacie est directement opposée à l'Alcoran. Un musulman malade qui fait des remèdes, est un hérétique qui attaque le dogme de la fatalité. Si son heure est venue, tous les médecins du monde ne peuvent rien changer aux arrêts du destin ; si l'ange de la mort ne plane point sur son lit, il recouvrera la santé sans le secours de ceux que nous appelons ses officiers, et qui souvent sont ses ennemis. Un pays où les sages précautions de la quarantaine sont regardées comme une insulte à la Providence ; un pays qui nourrit soigneusement dans son sein le fléau de la peste, qui laisse tranquillement dévorer tous les étés une partie considérable de sa population pour conserver la foi de la fatalité ; un tel pays n'a pas, ce me semble, grand besoin de médecins ; ils y doivent être en contradiction avec l'esprit national et la croyance publique.

Il faut cependant bien passer ce médecin turc en faveur du couple français qui fait les honneurs de la pièce ; il faut admettre aussi, quelque répugnance qu'on puisse avoir, qu'un Français et sa femme, pris par un corsaire, ont été vendus comme esclaves à Constantinople. Cet incident est bien romanesque ; c'est peut-être ce qu'il y a de moins vraisemblable dans cette pièce, où l'on trouve très-peu de vraisemblance. Quoi qu'il en soit, Forlis, jeune Français, est jardinier du grand visir; et sa femme, Adèle, sert dans le harem du docteur Kalib, qui probablement fait très-bien ses affaires, en dépit de la fatalité et de la résignation absolue, puisqu'il est assez riche pour acheter de jolies esclaves, denrée fort chère dans les marchés de Constantinople, où toutes les autres sont à vil prix. J'imagine même qu'une Française, en raison de ses agrémens particuliers et de la réputation de son pays, a dû coûter beaucoup plus qu'une beauté stupide et inanimée de la Géorgie ou de la Circassie. Une Française était un morceau de sultan ou de grand-visir tout au moins. L'apothicairerie d'un médecin turc n'était pas faite pour posséder cette précieuse panacée(1) des chagrins et de l'ennui.

On ne sait trop comment le grand-visir a découvert que la maison du docteur recélait un pareil trésor ; mais il l'a fait marchander, et le docteur Kalib, qui sent tout le prix des Françaises, s'est débarrassé des importunités du visir, en exigeant une somme exorbitante. Le premier ministre de l'empire ottoman, piqué de se voir ainsi joué par un petit charlatan, a recours à une vengeance d'autant meilleure, qu'elle est colorée par le zèle du bien public : la maladie de son jardinier Forlis lui en fournit l'occasion. Ce jeune Français est devenu fou ; belle matière à faire briller les talens du docteur, qui se flatte de guérir tous les maux. Si Kalib réussit, il devient médecin de la cour, et le mérite est récompensé ; s'il échoue, il reçoit la bastonnade, et l'imposture est punie : tel est le marché que le grand-visir conclut avec le médecin, lequel a refusé d'en conclure avec lui un autre plus agréable. Je me garderai bien de plaisanter sur la prétendue maladie de Forlis ; je sais qu'en général la douleur des maris qui regrettent leurs femmes intéresse peu sur la scène. Le stratagême de cet époux français qui fait semblant d'être fou, dans l'espérance de se réunir avec sa chère moitié, peut paraître extravagant et froid ; mais son amour pour sa femme n'est point une feinte, et c'est un sentiment très-respectable ; et quand le chagrin d'une séparation cruelle aurait véritablement égaré son esprit, je tiendrais la cause de sa folie pour très-légitime : plus cet héroïsme conjugal est rare, moins il faut se permettre de le railler.

Ce qui me scandalise, ce n'est pas l'extravagance du mari, c'est l'insensibilité de la femme qui semble avoir totalement oublié un époux si tendre, et qui passe le temps chez le médecin plus gaîment que M. Musard, à chanter, à danser et à rire. Dans le moment même qu'on amène Forlis chez le docteur chargé de le guérir de sa mélancolie maritale, Adèle se réjouit presque autant qu'une véritable veuve. L'actrice chargée de ce rôle a même pris des leçons de danse de madame Gardel, pour mieux jouer son personnage de femme séparée d'avec son mari. Cependant le docteur, placé entre une brillante fortune et cent coups de bâton, n'hésite pas sur le choix ; mais il est très-embarrassé sur les moyens d'acquérir l'une en évitant les autres. Sa femme, plus experte que lui sur les maladies amoureuses, lui conseille d'essayer, sur ce fou par amour, la vue d'une jolie femme ; Adèle lui paraît être pour le jeune Français un excellent spécifique : le jaloux docteur ne goûte pas beaucoup une telle recette ; mais l'espoir du poste éminent, la crainte de la bastonnade, le ramènent à l'avis de sa femme. Adèle reçoit ordre de se préparer à charmer, par ses grâces folâtres, la noire manie d'un jeune Français ; mais, au nom du malade, elle s'évanouit; ce qui rétablit un peu l'honneur de sa sensibilité.

Pendant qu'Adèle représente si bien la femme désolée, Forlis contrefait le fou à merveille : il prend le docteur pour Mahomet, et sa femme pour Vénus ; mais la reconnaissance des époux met bientôt fin à toutes ces bouffonneries. Quoique gênés par la présence du docteur et de sa femme, Adèle et Forlis s'expriment assez clairement pour que chacun puisse conjecturer, sans être un grand docteur, qu'ils se connaissent depuis long-temps, et que la cure est opérée.

Le grand-visir, impatient de faire bâtonner le médecin, envoie savoir des nouvelles du malade, et l'amoureux Kalib ne sait encore que penser de cette familiarité du jeune Français avec l'esclave Adèle. Enfin, Forlis le détermine par des argumens sans réplique : « Je ne suis pas fou, lui dit-il, et je suis l'époux d'Adèle ; rendez-moi ma femme, et acceptez les honneurs que le visir vous destine ; sinon je suis toujours fou : préparez-vous à la bastonnade. » Alors, pour sauver l'honneur de la médecine aux yeux du vulgaire, le docteur présente à Forlis une potion; et le malade, après l'avoir bue, devient le plus raisonnable et le plus heureux des hommes.

Cette petite facétie a fort bien réussi ; la gaîté couvre les folies. On donne trop légèrement aux pièces de ce théâtre une dispense de raison ; c'est ce qui fait qu'il dégénère du côté de la littérature, sans qu'il s'ennoblisse beaucoup du côté de la musique. Celle du Médecin Turc est peu naturelle, assez brillante, pauvre de mélodie, riche d'effets d'orchestre ; elle éblouit par le papillotage; mais le style en est mesquin et de mauvais goût. Elleviou, qui joue fort bien le niais, n'est pas moins habile à faire le fou : c'est dommage qu'il ait une si grande prédilection pour la bouffonnerie et la farce. Il est injuste envers son talent, de même qu'envers sa voix, très-capable de chanter le bon genre, et qui n'a pas besoin, pour briller, des singularités et des caricatures. (5 brumaire an 12.)

(1) Panacée signifie remède universel.

[La chronique de Geoffroy a été publiée dans le Journal des débats et des décrets le 3 frimaire an 12, soit le 25 novembre 1803 (la date donnée en brumaire se situe avant la première représentation !).]

Le Médecin turc a été repris en 1812, « avec un rondeau nouveau ». La brochure publiée à cette occasion figure dans la Collection Marandet mise en ligne par l'Université de Warwick :

LE MÉDECIN TURC, OPÉRA-BOUFFON EN UN ACTE,

Paroles de MM. Armand-Gouffé ET Villers [sic],

Musique de M. Nicolo Isoard [sic];

Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Opéra-Comique, le 27 Brumaire an 12, et repris, en 1812, avec un Rondeau nouveau

SECONDE ÉDITION.

Le rondeau nouveau se trouve p. 5-6, et est accompagné d'une note :

      RONDEAU. (1)

Je suis jeune et française,
Et, sans vouloir aimer,
On est toujours bien aise
De plaire et de charmer!
Sans art et sans adresse,
On peut, je le sais bien,
D'allumer la tendresse
Trouver l'heureux moyen,
Tout plaît, dans la jeunesse,
Air gauche et froid maintien...
Mais un peu de finesse
Ne gâte jamais rien !

Je suis jeune et française ; etc,

Une belle figure
Est, sans doute, un trésor,
Mais, grâce à la parure,
Elle est plus belle encor !
Une danse agaçante
Et quelques jolis pas,
D'une taille élégante
Relèvent les appas!...
Suivant la circonstance,
Je sais prendre le ton
De la tendre romance,
De la folle chanson!...

Je suis jeune et française, etc.

(1) Ce Rondeau a été ajouté pour les débuts de Madame Boulanger

 

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