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Le Mont Alphéa, ou le Jatabite
Le Mont Alphéa, ou le Jatabite, opéra en trois actes, en prose, paroles de Lebrun-Tossa, musique de Foignet, 6 décembre 1792.
Théâtre Montansier.
Titre assez incertain: la brochure intitule la pièce le Mont Alphéa, ou le Jatabite, l'article de l'Esprit des journaux parle du Mont Alphéa, ou le père Jatabile, et la base César propose comme titre le Mont Alphéa, ou le Français Jatabite.
Le compte rendu de la pièce dans le Journal encyclopédique ci-dessous donne une assez bonne idée de ce qu'est la loi de Jatab, et des plaisanteries qu'elle a pu suggérer à Voltaire.
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Titre :
Le Mont Alphéa, ou le pere Jatabite
Genre
opéra
Nombre d'actes :
3
Vers / prose ?
en prose
Musique :
oui
Date de création :
6 décembre 1792
Théâtre :
Théâtre Montansier
Auteur(s) des paroles :
Lebrun-Tossa
Compositeur(s) :
Foignet
L’Esprit des journaux français et étrangers semble dire que ce Mont Alphéa a été joué au Théâtre de la rue de Feydeau, mais c’est sans doute une erreur.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez la citoyenne Toubon, 1796 :
Le Mont-Alphéa, opéra en trois actes. Paroles de Lebrun-Tossa. Musique de Foignet. Représenté sur le Théâtre de Montansier, le 6 Décembre 1792 (vieux style), l’an 1er de la République Française.
Le texte de la pièce est précédé de ce texte :
UN MOT.
Le succès du Mont- Alphéa tient, principalement, au rôle de Sigonia ; mais , pour qu'il soit bien rempli, il ne faut point qu'elle soit trop jeune ou cherche à se rajeunir, quand c'est le contraste de son impatience et de sa vétusté, qui doit produire un effet dramatique. J'avoue, de bien bon cœur, toute l'obligation que j'ai aux citoyennes Berger et Barroyer, qui ont, les premières joué ce personnage : le Public chérit ces deux actrices et les classe, avec raison, dans le petit nombre de celles qui sont comme Contat, Gonthier, Schreuser et Carline, formées à l'école d'un grand maître, la Nature. Quelques personnes reprochent au Mont-Alphéa d'être trop graveleux, je ne crois pas que le sujet le soit beaucoup plus que le Droit du Seigneur, le Mariage de Figaro et une foule d'autres pièces qui se jouent tous les jours, reste à examiner si ma manière de l'exécuter outrage, en effet, la décence ; or, je défie qu'on me cite une scène, une situation dont la pudeur ait lieu de s'allarmer. Quant au dialogue, il peut bien lui arriver de subir des variantes dans la bouche des acteurs, ou par défaut de mémoire, ou par excès de gaîté ; aussi je ne réponds que des paroles que je fais imprimer. Qu'il me soit permis, maintenant, de terminer par une réflexion générale mais vraie ; c'est qu'il en est de l'hypocrite de mœurs, comme de l'hypocrite de religion ; ils crient l'un et l'autre au scandale, au cynisme, là où l'homme décent et vertueux se permet de sourire. Ce n'est que le suffrage de celui-ci, que doit ambitionner l'écrivain philosophe, et se consoler, s'il l'obtient, de. l'injustice des Tartuffes et des Midas, très-nombreux à la vérité ; car ils forment, à eux tous, plus des trois quarts du genre humain. Ce qui m'a toujours fait penser, en dépit de l'adage contraire,-que les gens d'esprit sont, ici bas, pour les plaisirs des sots.
Mercure universel, tome 22, n° 642 du dimanche 9 décembre 1792, p. 143-144 :
[Le critique commence en soulignant le succès d'une pièce qui reprend un sujet déjà illustré par Dumaniant, et inspiré d'un conte de Voltaire. Il éclaircit ce qu'est la mystérieuse loi de Jatab, un droit du seigneur exercé par es prêtres exotiques (mais où est le Mont-Alphéa ? Le critique ne le dit pas). L'intrigue qu'il résume ensuite consiste en une très classique intrigue montrant comment un valet fidèle sauve son maître « par une ruse assez plaisante et neuve au théâtre » que le critique ne révèle pas pour maintenir le secret et l'intérêt des spectateurs et lui permet de retrouver sa maîtresse. La pièce s'achève par un couplet insistant sur la galanterie des Français, mais aussi leur attachement pour la liberté. La pièce « est fort agréable, malgré « quelques longueurs » faciles à supprimer, tout comme les « expressions plus voisines de l’indécence que de la gaieté ». Il ne s'agit pas là d'un « reproche bien grave » fait à l'auteur du livret, dont le nom est donné. Même indulgence envers l'auteur de la musique, dont plusieurs morceaux remarquables sont signalés. Deux acteurs sont mis en avant.
La Loi de Jatab, comédie en un acte et en vers, de Dumaniant, a été crée le 22 janvier 1787 sur le Théâtre des Variétés-Amusantes. La base César lui connaît, outre cette première représentation, une série de 13 représentations au Théâtre du Palais-Royal, du 5 juillet 1789 au 4 novembre 1790 (8 en 1789, 5 en 1790).]
Le Mont Alphéa, ou le Français Jatabite, opéra en 3 actes, donné mercredi pour la première fois, avec beaucoup de succès, est tiré du même sujet que la loi de Jatab, comédie en un acte et en vers, que Dumaniant fit jouer il y a près de 3 ans au théâtre, alors du Palais Royal. Les deux ouvrages ont leur source dans un conte de Voltaire.
Cette loi de Jatab n’est autre chose que le droit du seigneur que se sont arrogés des prêtres appellés Molaques. Un jeune officier Français, pour ne point leur sacrifier sa maîtresse, prend le parti d’entrer dans leur ordre, comme novice, parce que le dernier venu est fonctionnaire auprès de la première jeune fille qui se présente. Ses vœux sont trompés. Par la fraude des Molaques, il lui tombe en partage une vieille, nommée Sigonia, qui, le connaissant, menace de le trahir, et de découvrir qu'il est officier à bord d’un vaisseau en rade, s’il ne consent à la conduire au Mont Alphéa ; le novice, cédant à l'empire de la nécessité, invoque le Dieu des prodiges. Mais c’est en vain qu’il espère se cacher plus long temps ; un homme de l’équipage vient demander son officier, il est reconnu ; et comme les prêtres ne pardonnent jamais, on l'enferme en attendant qu’il subisse la mort. Son valet fidèle, instruit de son danger, parvient par une ruse assez plaisante et neuve au théâtre, (ruse que nous tairons à dessein pour piquer la curiosité du public) à le délivrer et à s’emparer de ces prêtres gangrenés de vices, pour les chasser avec ignominie. Le Français recouvre sa maîtresse et chante un couplet qui a été fort applaudi, et dont voici la fin :
« C’est un peu trop user d'adresse,
» Quand il s'agit de la beauté,
» Un Français défend sa maîtresse
» Comme il défend la liberté ».
Cet opéra est fort agréable, à quelques longueurs près : l'auteur pourroient [sic] les faire disparoitre, ainsi que des expressions plus voisines de l’indécence que de la gaieté. Quelqu’assimilations [sic] avec la dot dans le rôle de Sigonia n’est pas un reproche bien grave à faire à Lebrun, auteur du poëme. La musique, qui est de Foignet, a souvent de la grâce et de pression. Nous distinguerons un quatuor au premier acte, un duo au 2e. et un air de caricature, chanté par Sigonia. Ces morceaux sont bien écrits.
Lebrun et Micalef ont chanté de manière à mériter les applaudissemeus du public.
Journal encyclopédique, tome LXXV, Janvier-juin 1793 (Slatkine Reprints, 1967), p. 70, Journal encyclopédique ou universel, année 1793, tome I, N°. II, vingt janvier, p. 251-252 :
[Le critique a sa liste de reproches réservés au livret : « des défauts de plans, des ressemblances, surtout une scene un peu graveleuse » (la scène graveleuse étant le reproche le plus fort). Mais il est obligé de reconnaître le succès sans l’expliquer. C’est la musique qui constitue la meilleure part de l’ouvrage, et il ne ménage pas les compliments pour Foignet. Egalement valorisés, les interprètes.]
THÉATRE DE LA CITOYENNE MONTANSIER,
LE MONT ALPHÉA, ou le JATABITE, opéra en trois actes.
La loi de Jatab est connue de tout le monde : on sait que c'étoit une espece de loi du seigneur, que les Molacques, prêtres Indiens, s'arrogeoient sur les jeunes personnes qu'ils faisoient passer sur le mont Alphéa pendant 7 à 8 jours, sous prétexte de les purifier. Voltaire s'est souvent égayé sur cette loi aussi ridicule qu'odieuse. La loi de Jatab a déjà été traitée, il y a quelques années, au théâtre nommé VARIÉTÉS. C'est encore ce même sujet qui sert de fond au Mont Alphéa ou le Jatabite, opéra en trois actes, donné avec succès sur ce théâtre-ci.
On pourroit bien reprocher à l'auteur du poëme des défauts de plans, des ressemblances, surtout une scene un peu graveleuse. Mais le public a ri, le public a beaucoup applaudi l'ouvrage, & il a demandé les auteurs ; Lebrun est venu dire que le poëme étoit de Lebrun Tossa, & la musique de Foignet. Ce compositeur ajoute tous les jours à sa réputation. Il y a des morceaux très bien faits dans sa musique du Mont Alphéa ; & l'on s'appercoit que la scene lui devient de jour en jour plus familiere Les principaux rôles de cet ouvrage sont très bien joués , & surtout chantés par Lebrun, Micalef, Amiel, &c., par Madame Sara. Le public a fait répéter plusieurs couplets du Vaudeville, entr'autres celui-ci qui par sa vérité a excité un enthousiasme général.
Qu'un Molac désire qu'on l'aime,
Puisqu'il est homme, j'y consens ;
Mais qu'il veuille au nom du ciel même,
Se rendre heureux à nos dépens ;
C'est un peu trop user d'adresse !....
Quand il s'agit de la beauté,
Le François défend sa maîtresse
Comme il défend sa Liberté.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1793, volume 4 (avril 1793), p. 350-352 :
[Le compte rendu insiste sur les faiblesses de la pièce : l’intrigue est invraisemblable, elle repose sur quelques effets qui ne suffisent pas à faire une bonne pièce, la musique est certes agréable, mais elle est riche de réminiscence. Juste un mot sur l’interprétation : « La piece est jouée avec ensemble ». In fine, le critique ajoute qu’elle n’est pas originale : après avoir cité les prédécesseurs de l’auteur, il ajoute que « ces différentes productions n'ont pas été inutiles à l'auteur ».
Le Mont Alphéa, ou le pere Jatabite, opéra en trois actes, en prose, joué pour la premiere fois le 6 décembre.
Valcour, officier françois, est arrivé, avec son équipage, dans une ville de Perse. La fille d'un persan, nommée Dhéli, éprouve pour cet étranger un sentiment d'amour que celui-ci partage. Mais l'ancien esprit françois fait commettre une imprudence à ce jeune officier. Il se moque de la religion du pays, & le persan Dhéli ne voit plus en lui qu'un blasphémateur. Valcour veut réparer une faute qui ne lui permet plus de voir la jeune persanne ; & la voyant arriver avec son pere, il se prosterne devant le temple des Molacques, & adresse au grand prophète une priere de repentir. Le bon homme Dhéli, tout étonné, en verse des pleurs de joie, car il s'intéresse à Valcour. Celui-ci, qui ne doute plus du succès de sa ruse, a l'air d'être surpris d'avoir eu Dhéli & sa fille pour témoins. Dhéli l'embrasse, le félicite, & Valcour lui fait part du projet qu'il a d'adopter la loi de Jatab, & de se faire Molacque. Cette idée lui vient de l'intention où est la jeune persanne de faire le voyage du Mont Alphéa. Ce voyage est une coutume mystérieuse, que les prêtres du pays ont grand soin d'accréditer, car elle leur est agréable. Ce voyage dure ordinairement six jours ; & lorsque les jeunes persannes sont jolies, les prêtres le prolongent. En sa qualité de novice, Valcour aura le droit d'accompagner la fille de Dhéli au Mont Alphéa. Mais un Molacque, alors fonctionnaire, veut se réserver les douceurs de ce pèlerinage ; il fait substituer à la jeune personne la vieille Sidonia. Valcour, déjà reçu parmi les Molacques, s'indigne de la superchérie : mais Sidonta, qui comptoit sur ce beau compagnon de voyage, le reconnoît pour Valcour, & menace de le dénoncer. Un autre novice, sous le nom duquel Valcour a été reçu, se présente aux Molacques. Valcour le fait passer hardiment pour un imposteur, mais il est lui-même découvert, & les Molacques l'enferment dans un cachot. Son valet qui sait son sort, veut le sauver, aidé des soldats qu'il commande. Au moment où les Molacques cherchent sur la tour Valcour qui veut se sauver, son valet, près du fossé, jette les cris d'un homme qui s'est précipité. Les Molacques le prennent pour Valcour, descendent, & le cherchent pour l'empaler. Alors les soldats françois avertis, se présentent, investissent les prêtres, & vont délivrer Valcour. Dhéli & sa fille arrivent. Valcour la demande à son pere qui la lui accorde. Les Molacques sont confondus, & par dédain Valcour leur fait grace.
Cet ouvrage, comme on l'a vu par l'analyse, est plein d'invraisemblance ; mais il a plu. L'auteur paroît connoître l'art de produire quelques effets ; mais ce talent n'est qu'une partie de l'art dramatique, & il ne peut pas suffire. La musique est très-agréable : elle offre beaucoup de réminiscence. Les paroles sont de Lebrun-Tossa ; la musique est de Foignet. La piece est jouée avec ensemble; & malgré nos critiques, nous croyons qu'elle mérite son succès.
Ce sujet avoit déjà été traité, il y a quelques années, aux Variétés. Voltaire s'est souvent égayé sur la loi de Jatab, & ces différentes productions n'ont pas été inutiles à l'auteur du Mont Alphéa.
César : titre donné à la pièce : le Mont Alphéa, ou le Français Jatabile ; première le 6 décembre 1792. 7 représentations en 1792, 32 en 1793, 1 en 1794 : 40 représentation, dans deux théâtres (Montansier, de la Montagne). Reprise le 13 juin 1796 : 22 représentations en 1796, 18 en 1797, 5 en 1798.
Dans les Mémoires de la Société d'agriculture, sciences, belles-lettres et art d'Orléans, tome 3, 1903, Abel Huard a publié une longue étude sur le Théâtre orléanais à travers les âges jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Page 238, il reproduit un fragment d'un article d'un dénommé Nemorin sur le Théâtre d'Orléans sous la Terreur publié le 8 mai 1903 dans le Journal du Loiret. Il y est bien sûr question du Mont Alphéa ou le français Jatabite : il relate la représentation du 28 brumaire an 2 [18 novembre 1793, pendant laquelle ont été donnés la Mort d'Abel de Legouvé et le Mont Alphéa ou le Français Jatabite, opéra en trois actes, paroles de Lebrun-Tossa, musique de Foignet.
« Quant à l'opéra, qu'est-ce qu'il pouvait bien être ? Ce titre : le mont Alphéa ou le français Jatabite est plein d'énigmes. Le Dictionnaire des opéras de Clément, l'enregistre sous ce titre un peu différent : le mont Alphéa où le Père Jatabite ; ce n'est pas beaucoup plus clair ; mais il ajoute que, écrit vers 1792, il ne fut pas représenté. Notre affiche donc se trompe, en lui donnant 85 représentations à Paris ; ou bien il faut penser que celle d'Orléans eut lieu un an plus tard, en 1794, par exemple.
[...]
« Quant aux auteurs, Legove (sic), Lebrun-Tossa, Foignet, qui donc s'en souvient ? et que penser de cet oubli profond qui atteint des œuvres importantes, cent ans après leur apparition ? Bizet, Massenet, Saint-Saëns, seront-ils donc aussi ignorés en Tan 2000 ? Soyez donc célèbre ! Cela n'en vaut vraiment pas la peine.
« Nemorin. »
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