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Les Maris garçons
Les Maris garçons, comédie en un acte et en prose, mêlée d’ariettes, de Gaugiran-Nanteuil, musique de Henri-Montan Breton, 15 juillet 1806.
Théâtre de l'Opéra-comique.
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Titre :
Maris garçons (les)
Genre
opéra
Nombre d'actes :
1
Vers ou prose ,
en prose, avec des couplets en vers
Musique :
ariettes
Date de création :
15 juillet 1806
Théâtre :
Théâtre de l’Opéra-Comique
Auteur(s) des paroles :
Gaugiran-Nanteuil
Compositeur(s) :
Henri-Montan Berton
Almanach des Muses 1807.
Mistification un peu leste, et comme on en trouve plusieurs au théâtre. Dénoûment des Maris corrigés. Musique charmante, et qui a fait le succès de l'ouvrage.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1806 :
Les Maris Garçons, comédie en un acte et en prose, mêlée d'ariettes. Paroles de M. Gaugiran-Nanteuil, musique de M. H. Berton, Membre du Conservatoire de Musique. Représentée pour la première fois sur le Théâtre de l'Opéra-Comique, par les Comédiens ordinaires de l'Empereur, le 15 juillet, 1806 ; et à S. Cloud, devant leurs MM. II., le 24 du même mois.
Courrier des spectacles, n° 3447 du 16 juillet 1806, p. 2-3 :
[Aucun doute : la pièce est bien un opéra-comique, enjoué et gai, avec des situations piquantes et des détails gracieux, avec aussi une musique « vive, aminée », et « analogue au sujet ». Le résultat, c’est bien sûr « le succès le plus complet ». Le sujet est une fois de plus une variation sur le thème des « maris corrigés » : deux jeunes officiers « très-légers, très-étourdis », qui quittent leurs femmes à peine mariés et regagnent leur garnison. Leurs femmes se décident à voyager, et elles vont à Strasbourg, où leurs maris décident eux aussi de passer quelques jours. Et tous quatre se retrouvent dans une auberge complaisante dont les maîtres aiment rendre service en mettant en relation hommes et femmes. Les deux épouses décident, quand elles apprennent que leurs maris fréquentent assidûment l’auberge, de profiter de l’occasion pour se venger : elles tirent parti du fait que les deux officiers ne connaissent pas la femme de l’autre pour arranger des rencontres entre leur mari et la femme de l’autre, pour faire éclater la trahison dont elles sont victimes. Une fois ferrés, els deux garçons, convaincus d’avoir fait une conquête, sont mis devant le fait accompli : chacun reconnaît sa femme dans celle que son camarade croit avoir séduite. Intrigue légère et bien conduite, style agréable, le livret est l'œuvre d’un « homme d’esprit ». Même appréciation positive de la musique, avec des airs « d’un style neuf et plein de goût ». Les auteurs sont nommés. Même qualité encore dans les interprètes : les deux chanteurs vedettes du théâtre, Elleviou et Martin, ont tenu les principaux rôles des officiers, leurs femmes ainsi que les aubergistes ayant été joués eux aussi par des interprètes confirmés.]
Théâtre de l’Opéra-Comique.
Les Maris Garçons.
Les Maris Garçons sont vraiment un opéra-comique. Tout y respire l’enjouement et la gaîté ; les situations sont d’une combinaison piquante, les détails gracieux, la musique vive, animée, analogue au sujet ; la représentation a eu le succès le plus complet.
Deux jeunes Officiers très-légers, très étourdis, comme le sont ordinairement des officiers de hussards, se sont mariés ; mais le sacrement est une chose si triste, un homme marié a si mauvaise grâce en société, et ce nom d’époux est si propre à effaroucher les amans, qu’ils conviennent de passer à leur régiment pour garçons, et de voyager comme garçons, toujours prêts à profiter des aventures. Des militaires Français ne filent point le parfait amour ; le lendemain de leurs nôces, ils ont quitté leurs belles, et sont retournés à leur poste.
Après quelques mois d’absence, les belles s'ennuient du veuvage, et se mettent en tête de voyager ; les deux jeunes étourdis s’ennuient d’un service assidu, et conviennent d’aller passer quelques jours à Strasbourg. L’auberge la plus célèbre est tenue par M. et Madame Dugrand, personnages grotesques, mais bons et serviables. Mad. Dugrand aime à recevoir des hommes ; M. Dugrand aime à recevoir des femmes ; il en résulte quelques petites tracasseries, mais qui finissent toujours par se terminer à l’amiable. Les deux couples prennent si bien leurs mesures, sans s’être communiqué leurs plans, qu’ils arrivent tous les quatre, le même jour, chez Mad. Dugrand. Les deux dames descendent d’abord, et dans une première entrevue avec Mad. Dugrand, elles apprennent que leurs maris viennent de tems-en-tems à Strasbourg ; qu’ils y mènent une vie joyeuse et se donnent à tout le monde pour des garçons libres de tous soins et de tout lien.
Dès-lors elles méditent un plan de vengeance, et Madame Dugrand entre parfaitement dans leurs vues. Degmont et Florville, (ce sont les noms des deux Officiers), s’occupent si légèrement de tout ce qui se rapporte à leur mariage, que Degmout ne connoît pas la femme de Florville, et que Florville ne connoît pas la femme de son camarade. C’est sur ce point que les deux dames bâtissent tout leur plan. Les quêteurs d’aventures sont plus faciles à mystifier que d’autres, l’amour-propre et la vanité conduisent si facilement à la crédulité !
Mad. Dugrand ménage adroitement des entretiens à chacun de ces étourdis avec la femme qu’il ne connoît pas ; il en résulte des confidences, des déclarations, et enfin des projets de bal ; et quand tout est bien arrangé, que chacun croit être sûr de sa conquête, qu’il tient sa Dulcinée par la main, les masques tombent, et les deux époux restent pétrifiés en reconnaissant leurs femmes.
Cette intrigue est légère; mais elle est bien conduite, les effets en sont piquans, le style agréable ; on y reconnoît la main d’un homme d’esprit.
La musique a partagé avec le poème les applaudissemens du public. On y a sur-tout remarqué deux duo et un air chanté par Martin, qui sont d’un style neuf et plein de goût. L’auteur est M. Berton ; les paroles sont de M. N.anteuil.
La piece est jouée avec un art parfait par les premiers sujets du théâtre ; Elleviou et Martin remplissent les rôles des deux Officiers; Mad. St Aubin et Mad. Gavaudan sont leurs deux épouses ; Mad. Gonthier et Chenard tiennent l’auberge ; il étoit difficile de former une meilleure maison.
Gazette nationale ou le Moniteur universel, n° 202 du Lundi 21 Juillet 1806, p. 930 :
Parmi les pieces agréables qui, par leur genre, leur disposition, leur coupe, la distribution des rôles et le ton du dialogue, se rapprochent de celles que nous avons citées comme ayant servi de modeles à beaucoup d'autres, on applaudit surtout aujourd'hui un nouvel opéra de M. Nanteuil, intitulé les Maris-Garçons. Ce jeune auteur est déjà connu par plusieurs ouvrages qui prouvent de l'originalité, de la gaieté, de l'esprit ; mais il n'avait pas encore obtenu un succès décidé sans le partager avec un ami, qui, non moins doué d'esprit et d'originalité, paraît mieux entendre la scene, connaît mieux le théâtre, a la tête plus comique, selon l'expression usitée, le goût plus sûr et plus formé.
Cette fois M. Nanteuil semble ne devoir son succès qu'à lui-même, et il en a obtenu un très-flatteur. Mais ce succès eût été plus durable encore et plus complet, si les Maris-Garçons avaient un peu plus cette qualité précieuse et rare qui distingue les ouvrages de Duval, l'intérêt qui naît d'un sujet neuf, la curiosité qu'excite un dénouement qu'on ne peut prévoir. Dans les Maris Garçons, l'intrigue, ses moyens et son dénouement sont trop prévus, trop connus ; l'exposition est lente, chargée de détails inutiles ; l'action ne commence pas assez vite, et, une fois engagée, il y regne une sorte de symétrie dans les situations et de calcul dans les scènes, qui jette de la froideur sur l'ouvrage. Au total, la piece offre une idée heureuse, et il y a d'assez bonnes choses , soit en situation , soit dans le dialogue , pour qu'on regrette que le dénouement soit aussi nul, et qu'en général l'auteur n'ait pas plus travaillé son sujet.
Ce sujet appartient à ce genre de comique qui nait de l'imitation des mœurs de garnison, comique qui n'est pas toujours le même, qui varie avec les époques, et qui, aujourd'hui par exemple, n'a rien de commun avec celui de Dancourt. Cet auteur ingénieux et fécond, qui joignait tant de facilité à tant d'esprit, de naturel et de vérité, peignait apparemment les plumets de son tems tels qu'étaient ces messieurs, et franchement l'espece telle qu'il la présente en était assez méprisable : font-ils une conquéte, c'est toujours une vieille femme qu'ils volent : chez eux la galanterie est toujours une affaire, l'amour un calcul, ce sont de véritables aigrefins déguisés en militaires : et s'ils sont chevaliers, ce n'est que d'industrie. Notre comique en ce genre a dû changer avec les tems, les lieux et les mœurs : si un auteur s'avisait de revêtir un militaire de ce tems des traits du Chevalier à la mode, ou de celui de Turcaret, le mépris ferait justice de cette insulte grossiere à la vérité.
Mais sans blesser la vérité, et au contraire pour lui rendre hommage, un auteur peut, en peignant nos jeunes militaires, offrir tout ce que le caractere français a d'heureux, tout ce que sa gaîté a d'aimable, tout ce que sa légereté a de brillant, tout ce qui appartient à la dissipation, à l'étourderie, et même à un certain relâchement dans les idées morales sur le mariage, l'amour et la fidélité, pourvu que rien ne blesse les regles de l'honneur, du courage et du devoir.
C'est ce qu'a fait M. Nanteuil. Son Florville capitaine de hussards est très-brillant, très-aimable, très-sensible et très-étourdi. L'ami de ce capitaine offre une nuance de caractere un peu différente : il aime les arts, donne dans le sentiment, et au besoin fait une folie comme un autre. Ces messieurs sont mariés. La femme de l'un est à Nantes, celle de l'autre à Lisieux ; et au lieu d'aller tous les hivers consoler leurs veuves solitaires et allarmées, ils prétextent des ordres séveres, s'établissent à Strasbourg, s'y font passer pour garçons, courent les bals masqués et les bonnes fortunes du carnaval.
Les Andromaques de nos héros se lassent cependant de voir tant de campagnes sans quartier d'hiver : elles soupçonnent quelque fraude, se concertent, partent ensemble, arrivent à Strasbourg, s'informent, et découvrent le mystere. Etablies dans le même hotel que leurs maris garçons, dont aucun ne connait la femme de son ami, leur plan est bientôt disposé : la femme de Florville tournera la tête à Valmont, celle de Valmont séduira Florville : tous deux seront allarmés par d'ingénieux moyens sur la fidélité de leurs épouses : on piquera à-la-fois leur jalousie et leur amour-propre, leur honneur et leur coquetterie : on se laissera même conduire au bal ; là, nos étourdis voudront taire les garçons, et la chute de deux masques leur rappellera qu'ils sont mariés.
C'est l'exécution de ce plan qui forme l'action du nouvel opéra. L'idée principale pouvait être mieux saisie, mieux développée, mieux mise en accord ; le style, où il règne de l'esprit, pouvait offrir plus de goût et de délicatesse : l'auteur pouvait ouvrir la scene avec une action déjà préparée ; il s'évitait la lenteur et le froid de son exposition, se ménageait des moyens de filer de jolies scenes, de rendre son ouvrage plus court et plus plein.
On a beaucoup applaudi la musique de cet opéra ; , elle est de M. Berton, l'un de nos compositeurs les plus distingués, harmoniste très-habile que l'on ne surprend jamais à perdre de vue la scene, la situation, et cette vente d'expression sans laquelle il n'y a point de musique dramatique. Cet ouvrage est très-agréable, mais son auteur a fait beaucoup mieux, dans des sujets qui à la vérité prêtaient davantage. Le Delire, Montano , Aline offraient à ce compositeur de bien autres ressources que le sujet qu'il vient de traiter : aussi dans ces ouvrages y a-t-il un cachet particulier, une couleur appropriée au sujet, quelquefois du génie, et toujours du talent : il y a un style élégant et pur, un faire excellent, mais peu d'idées : des accompagnemens très bien faits, mais un chant vague, et quelquefois décousu, défaut qui pourrait bien être raisonnablement attribué à la nature des paroles froides et insignifiantes sur lesquelles on force aujourd'hui un musicien à composer.
Elleviou et Martin jouent les deux rôles d'officiers : le musicien leur a ménagé une lutte qu'ils soutiennent d'une façon très-brillante. C'est de Mme Saint-Aubin et Gavaudan qu'ils reçoivent une leçon conduite ; c'est Chenard et l'excellent Mme Gonthier qui lient les ressorts de l'intrigue. On voit dès-lors que si l'ouvrage est agréable, si la musique est en général fort jolie, si deux virtuoses s'y disputent le prix du chant, la piece, en outre, est jouée par les premiers sujets et avec l'ensemble le plus satisfaisant. Elle prend donc naturellement son rang parmi celles qu'on distingue journellement dans le répertoire de l'Opéra-Comique.
La Revue philosophique, littéraire et politique, 1806, n° 21, 21 juillet, p. 185-186 :
[Article repris dans l’Esprit des journaux français et étrangers, tome VIII, août 1806, p. 279-280 :
La pièce est une mise au goût du jour des Maris corrigés (une pièce jouée en 1781, de La Chabeaussière, qui se trouve être celui qui signe cet article). Rajeunir, cela veut dire utiliser le couple de chanteurs à la mode dans un rôle d’officiers. Bien sûr le fonds de la pièce n’est pas neuf : deux officiers qui négligent de profiter de leur congé pour rejoindre leur épouse, et les épouses qui les rejoignent et les obligent à leur faire sous le masque une déclaration d’amour (en effet, ce n’est pas neuf). Mais « l’acte est conduit avec esprit et dialogué avec grâce », tandis que la musique est jugée « agréable et spirituelle », mise en scène et interprétation sont de qualité, et la pièce a réussi et mérite de rester au répertoire.]
Théâtre de l'Opéra-Comique, rue Faydeau.
Les Maris garçons , en un acte et en prose.
L'auteur de cet article pourrait bien, à la rigueur , revendiquer un léger droit de parenté sur le fond de cet ouvrage. Les Maris corrigés, en trois actes, en vers, offraient ainsi que la pièce nouvelle, deux maris légers, ramenés aux pieds de leurs épouses par une espièglerie de bal masqué : mais les Maris corrigés sont oubliés depuis vingt ans ; on ne les joue plus qu'en province, et l'auteur des Maris garçons en a rajeuni le fond et les situations. En faisant rentrer Elleviou dans un habit d'hussard français et dans son caractère d'aimable étourdi, en l'accollant avec Martin et en les faisant briller tous deux dans une sonate concertante de gosier, on a grossi le nombre de ces petits actes gais dont le succès est infaillible,
Deux officiers français mariés, l'un à Lizieux, l'autre à Rennes, au lieu de rejoindre leurs femmes pendant leur congé de sémestre, s'avisent de rester à Strasbourg et d'y mener en tout la vie de garçons. Leurs femmes descendent par hasard dans la même auberge, apprennent l'espièglerie ; et de concert avec l'hôtesse, s'amusent à les inquiéter tour à tour, puis à la faveur du masque surprennent chacune de leurs maris une déclaration d'amour. Le masque tombe, ils sont punis ; mais ils s'en tirent galamment par une promesse d'être plus circonspects à l'avenir.
Ce fond, comme l'on voit, n'est pas positivement neuf ; mais il est aussi bien rajeuni qu'il pouvait l'être. L'acte est en général conduit avec esprit et dialogué avec grâce. La musique est agréable et spirituelle. Deux duos ont obtenu le plus juste et le plus grand succès. L'ouvrage est mis avec soin, joué avec ensemble, amusant et court ; il est fait pour rester au répertoire. L'auteur des paroles est M. Nanteuil, celui de la musique M. Berton. Ils ont été demandés, et M. Berton a paru. L. C.
D’après Nicole Wild et David Charlton, Théâtre de l'Opéra-Comique Paris : répertoire 1762-1972, p. 324, la pièce qui est « comédie mêlée d’ariettes » sur le livret et « opéra-comique » sur la partition, livret de Gaugiran-Nanteuil, musique d’Henri Montan Berton, a été créée le 15 juillet 1806. Elle a été jouée jusqu’en 1828.
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