Les Méprises espagnoles

Les Méprises espagnoles, opéra en un acte, de Saint-Just [Godard], musique de Boyeldieu. 29 germinal an 7 [18 avril 1799].

Théâtre de la rue Feydeau

Almanach des Muses 1800

Dom Alvar est dans son château avec sa nièce Juliette. Il lui destine pour époux Dom Félix son fils, qui est sur le point d'arriver. Les plaisirs de Juliette se bornent à faire de la musique, à cultiver des fleurs, à élever des oiseaux, à s'entretenir avec une amie nommée Olivia, qui, depuis deux jours, est avec elle. Celle-ci aime le jeune Almedo et en est aimée. Elle a quitté la maison de Gusman, son tuteur, et est venue chercher un asyle dans le château de Dom Alvar, qui ne la connaît pas. Almedo, obligé de fuir à la suite d'un duel, est venu se réfugier aussi dans ce château. La suivante de Juliette l'a reconnu ; la présence subite de Dom Alvar l'engage à le cacher dans la volière, d'où les oiseaux de Juliette se sont échappés. Juliette approche de cette volière, elle y voit un jeune homme endormi, elle le prend pour Dom Félix. Almedo s’éveille, et la confirme dans sa méprise ; mais il lui avoue bientôt qu'il en aime une autre. Il est près de la quitter lorsqu'Alvar les surprend. Alvar avait reçu une lettre de Gusman, qui le priait de s'assurer d'Olivia et de son ravisseur. Juliette est voilée, Alvar croit que c'est Olivia, il la fait renfermer, ainsi qu'Almedo, dans deux appartemens séparés. Olivia, qui ne sait rien de ce qui s'est passé, a chargé Juliette de parler à son oncle pour qu'il obtienne son pardon de Gusman son tuteur. Juliette, qui est bien persuadée que Dom Alvar l'a reconnue, vient lui demander grace pour elle, et non pour Olivia. De-là un qui-proquo qui se termine par l'élargissement d'Almedo. Olivia le reconnaît. La lettre de Gusman qui engageait Alvar à s'assurer des amans fugitifs, contenait aussi la permission de les unir, et Almedo reçoit la main d'OLivia.

Des invraisemblances, action un peu compliquée. Des scènes agréables et de jolis détails.

Musique qui annonce trop de prétention ; plus de bruit que de chant, et cependant des morceaux qui ont excité de vifs applaudissemens.

 

Le livret manuscrit de cet opéra est disponible sur le site dezede.org.

 

Courrier des spectacles, n° 787 du 30 germinal an 7 [19 avril 1799], p. 2 :

[Nouveau succès pour les deux auteurs, nommés d’emblée. Pourtant, l’intrigue paraît peu claire au critique, qui entreprend de le montrer en donnant l’analyse du sujet. L’essentiel de l’article est consacré au résumé d’une intrigue touffue mettant en scène deux couples d’amoureux en proie aux volontés de leurs parents. Les quiproquos constituent une part importante du déroulement de l’action, jusqu’à la fin heureuse attendue : à l’opéra-comique, les jeunes filles épousent celui qu’elles aiment. Le succès de la pièce n’est pas sans ombre : après un début prometteur, la suite est moins convaincante, d’un « milieu […] languissant » à un « dénouement embarassé » : il faudrait retrancher les habituelles longueurs. C’est la musique qui vaut le plus : « vive et légère et parfaitement adaptée au sujet », le critique ne voit qu’un reproche à lui faire, d’être « quelquefois trop bruyante ». Ce qui n’a pas empêché que « Boieldieu [ait] paru au milieu des plus vifs applaudissemens ». L’interprétation est jugée positivement : « la cit. Scio a beaucoup contribué au succès de cette pièce », et les autres interprètes l’ont bien secondée.]

Théâtre Feydeau.

Les citoyens St.-Just et Boyeldieu ont obtenu hier à ce théâtre un nouveau succès dans les Méprises Espagnoles, opéra en un acte. Cet ouvrage présente une intrigue très-compliquée, et peut-être même un peu obscure, sur-tout vers la fin. On pourra en juger par cette analyse.

Dom Alvar a emmené à son château sa niece Juliette, à qui il destine pour époux son fils dom Félix qui est sur le point d'arriver de ses voyages. Elle n’a dans sa retraite pour amusement que ses fleurs et sa musique, pour société que des oiseaux renfermés dans une voliere, et une amie nommée Olivia, qui depuis deux jours est auprès d’elle. Celle-ci, amante et aimée du jeune Alnaédo, vient de quitter la maison de son tuteur, Dom Gusman, et a cherché un asyle au château de dom Alvar qui ne la connoit pas. Almédo, qui après s’être battu en duel est obligé de s’enfuir, arrive au même château et est reconnu de Zerbine suivante de Juliette. L'arrivée subite de dom Alvar la force de cacher Almédo dans la voliere, dont les oiseaux sont envolés. Juliette, après avoir examiné ses fleurs, va à sa voliere : quelle est sa surprise ? Un jeune homme endormi : elle s’imagine que c’est dom Félix. Almédo se réveille, et par ses discours la confirme de plus en plus dans son opinion. Enfin il lui avoue qu’il en aime une autre, et il est sur le point de la quitter, lorsque dom Alvar les surprend. Une lettre de dom Gusman l’engage à arrêter Olivia avec son ravisseur, et ne reconnoissant pas sa fille qui se couvre de son voile, il la prend pour Olivia et le jeune homme pour son séducteur, et il les fait conduire tous deux prisonniers dans des appartemens séparés. Olivia, qui ignore l'arrivée d’Almédo dans le lieu qu’elle habite, et l’emprisonnement de Juliette, à engagé celle-ci à prier son oncle de s’intéresser auprès de dom Gusman pour obtenir son pardon. Juliette, de son côté, croit avoir été reconnue par dom Alvar, et vient demander grâce pour elle et non pour Olivia. De-là une scene de quiproquo qui se termine parla sortie de prison du jeune Almédo. Olivia le reconnoit au grand étonnement de dom Alvar et de sa niece. Mais la lettre qui le chargeoit d’arrêter les amans fugitifs, lui permettoit en même tems de les unir, et l’hymen d’Almédo et d’Olivia couronne cette journée.

Cet opéra a obtenu tous les suffrages dans les premières scenes, qui promettoient beaucoup ; le milieu a paru languissant et le dénouement embarassé, Il y a de jolis détails,mais aussi il y a des longueurs à retrancher. La musique a été très-goûtée, elle est vive et légère et parfaitement adaptée an sujet, peut-être pourroit-on lui reprocher d’être quelquefois trop bruyante. Les auteurs ont été demandés, et le cit. Boieldieu a paru an milieu des plus vifs applaudissemens.

La cit. Scio a beaucoup contribué au succès de cette piece par la légèreté et l’aisance qu'elle a mis dans le rôle d'Almédo ; elle a été bien secondée par le cit. Narbonne, et les citoyennes Quesney et Augustine Lesage.

La Décade philosophique, littéraire et politique, n° 22, an 7, 10 Floréal, p. 240-241 :

Théâtre Feydeau.

Les Méprises espagnoles.

Quand on voudra puiser dans le théâtre espagnol des sujets d'intrigue, on en trouvera sans doute une mine féconde : mais il faut peut-être plus d'art pour dégager ceux qu'on y puise de toute invraisemblance, qu'il n'en faudrait pour en créer une nouvelle : l'auteur des Méprises espagnoles paraît avoir été lui-même fort embarrassé de son imbroglio, et s'en est tiré comme il a pu, c'est-à-dire par quelques invraisemblances : mais au moins a-t-il voulu saisir le vrai genre qui convient à l'opéra-comique, et dont les pièces de Dhèle sont de si bons exemples. C'est un mérite dont on doit savoir gré à l'auteur des paroles, le C. St. Just.

L'auteur de la musique est le C. Boyeldieu. On lui reproche, avec assez de fondement, un peu trop de recherche dans sa composition- L'envie de paraître savant ne réussit qu'auprès des connaisseurs : ils sont rares en musique comme en tout le reste ; le chant est à la portée de tout le monde. Le C. Boyeldieu doit s'en être convaincu par le succès du petit air de la Soubrette. Chantez, pour Dieu ! chantez. Monsigny, Grétry, Dalayrac, etc., ont chanté, et on les chante encore tous les jours.

L. G.          

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 5. année (an 7 – 1799), tome premier, p. 123-125 :

[Des invraisemblances, « une espèce d'imbroglio, à la manière italienne ». Après ce qui sont bien des réticences, le critique résume l'intrigue, avant de conclure « que la pièce est peu de chose ». En particulier « le dénouement est manqué ». La pièce est bien jouée, les auteurs ont été nommés, et la musique a droit à un jugement positif : l'habituel et plutôt vague « la musique a fait plaisir », et deux morceaux mis en avant pour justifier cette appréciation.]

Les Méprises espagnoles.

C'est le titre d'un opéra en un acte, joué au théâtre Feydeau , pour la première fois, le 29 germinal.

Ces méprises ne sont pas toujours vraisemblables, et cette pièce est une espèce d'imbroglio, à la manière italienne. Une jeune femme, lasse d'être persécutée par un tuteur vieux et jaloux, s'échappe de chez lui, et se retire chez un de ses parens, commandant d'une ville, et tuteur d'une de ses amies ; le parent est absent lorsqu'elle y arrive. Son amant, qui a eu le malheur de blesser dans un duel le tuteur jaloux, vient par hasard dans le même endroit, et est caché, par la soubrette qui le reconnoît, dans une volière dont les oiseaux s'étoient échappés. La jeune pupille du commandant veut arroser ses fleurs et donner à manger à ses oiseaux ; mais quelle est sa surprise, lorsqu'elle ouvre sa volière, d'y trouver un jeune officier endormi ! elle le prend pour son cousin qui devoit arriver le même jour pour l'épouser. Pendant cette scène qui est une des meilleurs, le commandant qui a reçu l'ordre d'arrêter le jeune officier et son amante, arrive avec sa troupe : la jeune personne, craignant que son tuteur ne la gronde en la surprenant avec un jeune homme, met son voile ; et le commandant, la prenant pour l'amante de l'officier, les fait enfermer séparément. Cependant on ne sait pas trop comment il se fait que la jeune pupille sort de l'endroit où on l'avoit enfermée, elle vient demander grâce à son tuteur pour son amie, et pour l'amant de celle-ci; le tuteur apprenant qu'ils s'aiment, leur pardonne leur imprudente démarche, et les unit. On voit par cette analyse, que la pièce est peu de chose ; le dénouement est manqué, quoique l'auteur l'ait retouché, et qu'il ait tâché d'éclaircir un peu l'intrigue. La pièce a été très-bien jouée par les C.nes Quesnai, Rosette, et par la C.ne Lesage ; on a vivement applaudi la C.ne Scio, chargée du rôle de l'of6cier.

Les auteurs sont le C. Saint-Just, et le C. Boyeldieu, dont la musique a fait plaisir. On a surtout applaudi la petite ariette sur la différence des secrets, chantée par la C.ne Rosette, et le duo de la C.ne Scio avec la C.ne Lesage.

D'après la base César, l'auteur est Claude Godard d'Aucourt de Saint-Just, et le compositeur François-Adrien Boïeldieu ; la pièce a été jouée 6 fois au Théâtre Feydeau, du 18 au 29 avril, et le 20 septembre 1799.

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