Les Mille et un Théâtres, opéra-comique, en un acte, en vaudevilles, de M. Desfontaines, 14 février 1792.
Théâtre du Vaudeville
-
Titre :
|
Mille et un Théâtres (les)
|
Genre
|
opéra-comique
|
Nombre d'actes :
|
1
|
Vers / prose
|
prose, avec des couplets en vers
|
Musique :
|
vaudevilles
|
Date de création :
|
14 février 1792
|
Théâtre :
|
Théâtre du Vaudeville
|
Auteur(s) des paroles :
|
M. Desfontaines
|
Almanach des Muses 1793
Thalie s'est brouillée avec Momus son époux, qui depuis le décret de la liberté des théâtres lui a fait une foule d'infidélités. Ses nombreux enfans se présentent sous différens costumes : c'est un mélange confus d'acteurs ridicules. Thalie prédit à ces diverses troupes le sort qui les attend :
Oui, tout d'abord,
sur votre sort
je tranche :
ouverts vendredi,
tombés samedi,
vous serez fermés dimanche.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, à la Salle du Théâtre du Vaudeville, rue de Chartres, Février 1792 :
Les Mille et un Théâtres, opéra comique En un Acte et en Vaudevilles ; Représenté sur le Théâtre du Vaudeville, le 14 Février 1792.
Chronique de Paris, n° 47 du jeudi 16 février 1792, p. 187 :
[la pièce nouvelle met en scène la prolifération des théâtres après le décret de 1791 sur la liberté des théâtres. Elle montre un Momus semant des « bâtards » au cours de « ses courses libertines », opposé à une Thalie qui proteste contre cette liberté donnée à tous de créer de nouvelles salles. Mais l'article signale qu'elle se contredit à la fin en expliquant « le véritable sens » du décret. Les deux adversaires finissent par se rapprocher. Présentée comme un moyen de « venge les théâtre ci-devant privilégiés », tout en utilisant les moyens du vaudeville, « de la gaîté et de jolis couplets ». Et l'article s'achève sur une prophétie : le nombre de théâtres, jugé effrayant, ne pourra que diminuer fortement.]
Théâtre du Vaudeville.
La multitude de théâtres qui s’élèvent aujourd’hui, est le sujet de la pièce donnée à celui ci sous le titre des Mille & un théâtres. Momus, infidèle à Thalie, a quitté le Parnasse, & de nombreux bâtards, fruits de ses courses libertines, attestent ses infidélités Il revient cependant à sa femme, qui le reçoit fort mal, & déclame contre le décret en faveur de la liberté des théâtres avec une humeur qui semble annoncer qu'elle ne goûte pas trop les autres. Les encans de son mari forcent l’entrée & paroissent devant elle. Ils gesticulent, crient & détonnent de la manière la plus ridicule. Thalie leur montre la couronne dans la main de la Renommée, fur le sommet du Parnasse. Pour mériter ses bontés, c’est à cette hauteur qu’il faut s’élever. Aucun ne peut y parvenir. Dans le moment qu’ils sont la plus découragés, & surtout brouillés avec le bailleur de fonds, survient l'A-propos, qui les console en leur indiquant les travers & les ridicules comme le véritable objet de leurs travaux. Thalie consent à leur laisser prendre quelques fleurs dans ses jardins, & la Muse qui d’abord paroissoit si fort irritée contre le décret, finit, par une inconséquence assez bizarre, par leur en expliquer le véritable sens.
Quoiqu’on ait cru entrevoir dans cette bagatelle le dessein bien marqué de venger les théâtres ci-devant privilégiés du décret, on ne peut nier qu’elle ne soit absolument du ressort du vaudeville. Il y a de la gaîté & de jolis couplets. On a demandé l’auteur qui a gardé l'anonyme. Il nous semble au reste que la liberté des théâtres pouvoit paroître à Thalie plutôt une faveur qu’une injustice, & que cette Muse avoit plus à se plaindre qu’à se louer du privilège exclusif, comme si le talent tenoit à telle ou telle association, à tel ou tel emplacement, comme si l'on ne se rappelloit pas qu’il y avoit deux théâtres Français du tems de Molière, enfin comme si ce nombre effrayant de théâtres ne devoit pas, très-incessamment, par la nature même des choses, éprouver une forte réduction.
Gazette nationale, ou le Moniteur universel, n° 59, mardi 28 février 1792, p. 4 :
[Le compte rendu est centré sur une question brûlante, la liberté au théâtre. Le décret sur la liberté des théâtres a fait naître beaucoup de spectacles nouveaux, et c’est ce dont se moque la pièce, au grand scandale du critique, soucieux de liberté d’expression, mais plus encore d’ordre public.]
La piece des Mille et un Théâtres, donnée à celui du Vaudeville, tournait en ridicule la loi qui assure aux auteurs dramatiques la propriété de leurs ouvrages, et celle qui a supprimé les privileges exclusifs des spectacles. Il était assez singulier de voir un spectacle qui arrive après tant d'autres, se plaindre de la liberté, sans laquelle il n'existerait pas, et jouer les Mille et un Théâtres, quand il est à peu près le mille et unieme. Mais il ne s’agissait alors que d’un outrage fait à la loi ; personne n’a rien dit, tant nous sommes encore novices en liberté.
La représentation de l'Auteur d’un moment, dans laquelle on a cru voir l'intention de jouer un individu, est devenue une affaire de parti ; le vendredi 24, il y a eu à ce théâtre une rixe violente, et l'on prétend qu'un chasseur de la garde nationale y a été bleffé.
Le lendemain 25, le public a exigé, avant que l'on commençât, que le directeur parût sur la scene, et promît de ne plus faire jouer la piece qui avait excité la querelle de la veille. On demanda qu'elle fût brûlée ; un musicien de l’orchestre en livra un exemplaire qui fut lacéré et ensuite brûlé publiquement. Faut-il que la municipalité censure les pieces que l’on doit représenter ? Non. Mais en prenant les précautions de police qui sont en son pouvoir, elle doit solliciter une loi qui assure la paix des spectacles et qui les rende sans danger pour l'opinion comme pour la sureté publique. L’Assemblée nationale s’en occupe en ce moment, et d’après cet événement même qui lui a été dénoncé par un de ses membres, elle attend de son Comité d'instruction publique un rapport et un projet de loi sur cet important objet.
L'Esprit des journaux français et étrangers, vingt-unième année (1792), tome VI (juin 1792), p. 347-349 :
Les mille & un théatres, opéra - comique en un acte.
Le sujet de cette piece épisodique est assez bizarre ; mais il offre des couplets pleins d’esprit & de graces : on y désireroit aussi plus de clarté dans l'exposition. Thalie s'est brouillée avec Momus son époux, qui, depuis le décret de la liberté des théatres, lui a fait une foule d'infidélités, ce que Lucas exprime très-plaisamment à Momus dans ce couplet :
J'somm' instruits que'd'puis que'que tems
Votre moitié n'fait pu' d'enfans ;
Et c'est pour çà qu'à d'aut' mamans
Vous partagez vos amourettes :
Vous n'leux fait' pas beaucoup d'enfans,
Mais bien des marionettes.
Ses nombreux enfans se présentent en effet sous différens costumes : on remarque parmi eux un de ces applaudisseurs qui, semblable au connoisseur de la nouveauté, reçoit de chaque spectacle un billet pour applaudir, & un autre pour siffler : c'est ce qu'il fait connoître ainsi fur l'air de Calpigi :
L'applaudisseur devient-il rare ?
Par un geste je l'accapare,
Toujours de-là, prêt à marquer
Le sujet que l'on doit claquer.
Voilà mon travail ordinaire ;
Et l'on sent que pour le bien faire,
1l ne faut pas avoir la main
Dans la poche de son voisin.
Thalie considere ce mêlange confus d'acteurs ridicules, & dit, en parlant de Melpomene sa sœur :
Rendez-lui son Racine égorgé,
Rendez-lui son Voltaire :
Rendez-moi mon Regnard écorché,
Rendez-moi mon Moliere , &c. &c.
Elle prédit ainsi à , ces diverses troupes le sort qui les attend :
Oui tout d'abord,
Sur votre sort,
Je tranche :
Ouverts vendredi,
Tombés samedi,
Vous serez fermés dimanche.
Un bailleur de fonds vient , dans une scene plaisante, gémir sur sa crédulité. Tous les enfans de Momus veulent atteindre à la hauteur de la couronne du talent, qu'un génie leur présente ; aucun ne peut l'enlever ; & l'A-propos, personnage figuré par des souvenirs, des tablettes, des instrumens de musique, &c. vient mettre tout le monde d'accord.
Les applaudissemens, qu'on a donnés à cette piece, prouvent que la parodie réussira très-bien sur le théatre du Vaudeville. On a beaucoup goûté quelques couplets malins, tels que celui-ci, que chante Lucas, sur l'air du vaudeville des sabots :
Des banqu'routes dramatiques
Comme je vais me divertir !
Régimens tragi-comiques,
Oh ! comme à pied j'vous vois r'partir !
Déja sans arm' & bagage
L'avant-garde déménage,
Et jarnigoi que d'héros
Ne port'ront plus qu' des sabots !
Le public a demandé l'auteur, & un acteur est venu dire qu'il désiroit garder l'anonyme.
D'après la base César, la pièce est de Desfontaines. Elle a été donnée 20 fois au théâtre du Vaudeville, du 16 février au 28 décembre 1792.
Ajouter un commentaire