Monsieur Musard, ou Comme le temps passe

Monsieur Musard, ou comme le temps passe, comédie en un acte et en prose, de Picard, 1er frimaire an 12 [23 novembre 1803].

Théâtre Louvois

Titre :

Monsieur Musard, ou Comme le temps passe

Genre

comédie

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose ,

en prose

Musique :

non

Date de création :

1er frimaire an 12 [23 novembre 1803]

Théâtre :

Théâtre Louvois

Auteur(s) des paroles :

Picard

Almanach des Muses 1805

M. Musard est venu à Paris avec sa femme et son fils pour des affaires importantes ; mais, au lieu d'y donner ses soins, il s'amuse de tout ce qui frappe ses yeux, s'arrête à chaque pas, manque ses rendez-vous, et tire sa montre de quart d'heure en quart d'heure, pour s'écrier : comme le temps passe ! M. Lerond, son ancien ami, profite de sa musarderie, et obtient à ses dépens tout ce qui peut être favorable à son avancement et à sa fortune ; cependant M. Musard, par sa négligence, a dérangé ses affaires, M. Lerond vient à son secours, et acquitte ses dettes. Il fait plus, il donne sa fille à Eugène, fils de M. Musard, à condition pourtant que celui-ci lui abandonnera le soin de ses intérêts.

De l'originalité, du comique, les caractères de Musard et de Lerond très-bien indiqués. Beaucoup de succès.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Martinet, 1807 :

M. Musard, ou comme le temps passe, comédie en un acte et en prose, Par L. B. Picard ; Représentée pour la première fois, sur le Théâtre Louvois, le 23 novembre 1803 (1er frimaire an 12).

Et, depuis que je l'ai vu, trois quarts d'heure durant,
      cracher dans un puits pour faire des ronds,....

Molière, Misanthrope, acte 5, scène 4.

Courrier des spectacles, n° 2454 du 2 frimaire an 12 [24 novembre 1803], p. 2 :

[Avant l’analyse de la pièce, promise pour un numéro ultérieur, le critique se limite à dire qu’il n’est pas si facile aujourd’hui de trouver un « caractère à peindre », et que les auteurs sont maintenant réduit à « des miniatures ». C’est le cas de ce Monsieur Musard; fort agréable, mais aussi fort utile : il ne fera rougir personne devant sa peinture, et permettra à quelques-uns de se corriger (le théâtre, castigat ridendo mores, n’oublions pas !). Sinon, succès, auteur venu sur la scène « s’offrir aux félicitations de l’assemblée ». En attendant l’analyse de la pièce,une remarque de langue : Picard remet en usage des mots désuets, et le critique l’en félicite. Il aurait tout aussi bien pu l’en blâmer.]

Théâtre Louvois.

Première représentation de M. Musard.

Il y a long-tems que les auteurs se plaignent de n’avoir plus de caractères à peindre. Il est certain que bien peu sont échappés aux pinceaux de nos grands maîtres. Peut-être même que tous les grands sujets ont été traités, et qu’il ne reste plus à faire que des miniatures. M. Musard en offre une fort agréable. Ce caractère étoit d’autant plus utile à mettre en scene, que sa peinture réunit l’utile à l agréable. Personne ne peut rougir en se reconnoissant dans M Musard, et il est possible que plusieurs se corrigent en voyant les dangers auxquels ce personnage s’est exposé par sa négligence et son penchant à la musardie.

Cette petite comédie, fort gaie, a fait rire et a été applaudie depuis le commencement jusqu’à la fin.

L’auteur a été appelé, M. Vigny est venu nommer son camarade Picard, qui a été obligé de s’offrir aux félicitations de l’assemblée la plus nombreuse que cette salle puisse contenir.

Nous donnerons l’analyse de cette pièce. Nous nous bornerons à dire aujourd’hui que le terme de musard et de muser ne sont gueres en usage, quoique très-expressifs, et qu’on aura obligation à M. Picard, de les avoir rendus à notre langue.

Courrier des spectacles, n° 2456 du 4 frimaire an 12 [26 novembre 1803], p. 2 :

[Compte rendu un peu déroutant. Visiblement le critique se résout à faire ce qu’il a promis, donner une analyse dont il souligne la difficulté, et qu’il ne fait que pour de bien mauvaises raisons. Le résumé de l’intrigue est rapide et purement factuel. Une simple énumération de situations où le personnage muse. Cela ne fait bien sûr pas une action. L’action n’est évoquée que dans un deuxième temps, par l’introduction d’un second personnage, qui sert à introduire l’habituelle intrigue matrimoniale (pas de comédie sans mariage) et la nécessaire correction du défaut dont le personnage est accablé. On ne sait pas si Musard va cesser de muser, mais du moins l’a-t-il promis. Les seuls qu’on félicite ensuite sont les interprètes. L’auteur n’est même pas évoqué (mais il a été cité dans le premier article, dont le ton était tout de même assez différent  !).]

Théâtre Louvois.

Nous avons promis de donner l’analyse de M. Musard. Quoiqu'il soit difficile de présenter l’historique d’une comédie de ce genre, nous allons essayer de le faire autant pour remplir notre promesse, que pour ne pas nous écarter du plan que nous avons adopté pour ce journal.

M. Musard, négociant de St.-Quentin, est venu à Paris avec sa femme et son fils pour suivre des affaires qui exigent sa présence. Il loge dans un hôtel garni, et au lieu de se hâter à sortir le matin, il s’amuse à regarder des poissons rouges dans un bocal, à deviner les charades insérées dans les journaux, à accompagner sur son violon une voix agréable qu’il entend dans un appartement voisin, et à écouter les chanteurs qui sont dans la rue. Comme le tems passe ! s’écrie-t-il, quand il regarde à sa montre. Un homme de ce caractère a nécessairement dû se voir souvent supplanter dans sa vie, commettre beaucoup d’erreurs et compromettre sa fortune.

M. Lerond , autre négociant de la ville, a profité de sa négligence. Devenu riche il ne pense plus qu’à venir au secours de son compatriote, et après avoir terminé ses procès, acquitté ses dettes, il donne Sophie, sa fille, à Eugène, fils de Musard, sous la condition que ce dernier lui abandonnera la conduite de ses affaires.

Chaque piece nouvelle ajoute à la réputation de M. Vigny et sert à prouver le zele de madame Molé , qui joue dans toutes avec beaucoup de talent.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, IXe année (an XI, 1803), tome quatrième, p. 136 :

[Un bref compte rendu d’une pièce qui a réussi. Bien que n’étant pas vraiment un caractère, le personnage est répandu dans Paris, et la pièce qui le met en scène est comique et a valu à l’auteur d’être amené sur la scène.]

THÉATRE LOUVOIS.

M. Musard, ou Comme le temps passe !

PICARD ne se lasse pas de nous donner des nouveautés. M. Musard a complettement réussi. Ce n'est qu'un demi caractère ; mais il y a tant de gens qui perdent leur temps et manquent leurs affaires par un esprit musard très-commun à Paris, qu'il n'étojt pas inutile de leur donner cette leçon.

La piece est très-comique ; et les incidens que font naître la lambinerie de M. Musard, ont beaucoup amusé. L'auteur-acteur a été demandé et amené sur la scène, par M. Vigny, son camarade, qui avoit très-bien joué le rôle de M. Musard.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome second, frimaire an XII [novembre 1803], p. 275-278 :

[Sans être un vrai caractère, perdre son temps à des futilités est un défaut très répandu, tout le monde identifiant dans son environnement des M. Musard. La pièce est construite sur « un fonds sérieux », elle est drôle, elle alterne « réflexion salutaire » et « rire le plus naturel » (castigat ridendo mores, une fois de plus. L’utilité de peindre au théâtre un tel personnage, toujours pris par des accessoires au détriment du principal, est évidente : cet homme néglige ses propres intérêts, mais aussi nuit à son entourage, représenté ici par sa famille et un homme « actif, intelligent, qui va droit au fait », et qui font naître le contraste que tout comédie doit montrer. Un seul petit reproche, la rapidité excessive d’une telle pièce (défaut de sa qualité, d’ailleurs). Sinon, la pièce porte la marque du talent de son auteur, félicité aussi comme acteur dans une pièce « jouée avec ensemble.]

Il est de certaines manies qui ne peuvent mériter le nom de caractères, mais qui, par la force de l'habitude, deviennent des défauts réels, dangereux même, et sont en même temps des ridicules dont il est bon que la scène présente l'image, et fasse justice.

De ce nombre est l'habitude de muser, c'est-à-dire de s'occuper à toute autre chose que celle que l'on doit faire. Ce défaut est extrêmement commun : l'homme qui en est le plus exempt, est celui qui s'y abandonne le moins souvent. Il n'y a peut-être pas une maison qui n'ait son musard, sans cesse gourmandé, et constamment incorrigible. Il est de la nature de ce ridicule de mettre le personnage qui n'en .est pas exempt dans une situation comique : il prêtait .donc singulièrement à la scène, ne pouvait échapper à Picard, et parce qu'il est neuf au. théâtre, et parce qu'il est très-commun dans le monde. Cet auteur a senti que si son M. Musard était peint de telle sorte que dans chaque loge on entendît dire, voilà bien monsieur tel, son succès était certain. C'est ce qui est arrivé.

Mais il y a plus : il a eu le bon esprit de disposer un fonds sérieux, et de le présenter environné des formes les plus comiques. Il a eu le talent de construire sa fable de manière qu'une réflexion salutaire succédât au rire le plus naturel ; c'est là sans doute le secret, l'art et le but de la comédie.

En effet, il ne peut être sans utilité de bien peindre au théâtre l'homme facile, bon, obligeant, zélé même ; mais sacrifiant presque toujours le principal à l'accessoire, et le fonds au détail, paresseux par tempérament, négligent par habitude, se pressant toujours, n'arrivant jamais ; s'occupant sans cesse et ne faisant rien ; qu'une misère occupe, qu'un rien attache, et qui, sans cesse les yeux sur sa montre, est toujours prêt à reprocher au temps sa vitesse, comme s'il connaissait le grand art de le bien employer.

La leçon sur-tout devient plus forte, si cet homme qu'occupait sérieusement une charade, le son d'un instrument, une affiche, un poisson rouge..... oublie, dans son active oisiveté, les intérêts les plus chers, l'établissement de son fils, ses relations commerciales, l'ordre de sa correspondance, l'acquit de ses engagemens.

Près d'un tel homme, il est naturel de placer une femme et un fils sans cesse impatientés et souvent grondeurs ; mais il est sur-tout très-adroit de lui opposer un homme actif, intelligent, qui va droit au fait, marche rapidement au but, à qui toutes les heures sont bonnes ; qui n'a jamais manqué un rendez-vous, et va toujours le demander lui-même, qui veille sur les intérêts de son ami, répare ses omissions, remédie à ses négligences, et prévient ses malheurs ; c'est ce qu'a fait Picard dans sa nouvelle pièce, intitulée : M. Musard ou comme le temps passe.

Ce petit ouvrage, fruit d'une conception vive, d'un aperçu rapide, se ressent un peu, dans son exécution, de cette même rapidité ; mais on y trouve, soit au fonds, soit dans les détails, une preuve nouvelle que son auteur ne donne rien au théâtre qui ne porte le cachet d'un talent vraiment comique, c'est-à-dire d'un talent qui puise sa force principale, sa force presqu'unique dans l'observation, sa fécondité dans la multiplicité des modèles, son utilité dans la fidélité des portraits.

La pièce est jouée avec ensemble. Picard est très-bien placé dans le rôle de M. le Rond : quant à Vigny, il muse à impatienter : on voit qu'il a saisi le véritable esprit du rôle.

Ce titre Musard est une expression qui avait un peu vieilli ; maïs le succès de la pièce paraît devoir rajeunir cette expression. Heureuse la comédie dont le titre devient proverbe !

Annales dramatiques: ou, Dictionnaire général des théâtres..., tome sixième (Paris, 1810), p. 430-432 :

[Attaque violente contre le caractère de M. Musard, qui ; d'après le rédacteur des Annales dramatiques, n'est ni dans la nature, ni dans la société :]

M. MUSARD, ou Comme le tems passe, comédie en un acte, en prose, par M. Picard, au théâtre Louvois, 1803.

M. Musard est un négociant qui néglige ses affaires les plus importantes, pour se livrer entièrement à son goût pour les bagatelles. S'il sort, au lieu de se rendre où son intérêt l'appelle, il s'amuse à examiner les bijoux, les gravures, les tableaux et les livres exposés sur le devant des boutiques : arrêté par sa curiosité, il arrive toujours trop tard, ne trouve plus les personnes auxquelles il devait s'adresser, et manque conséquemment l'objet de ses démarches ; s'il reste chez lui, c'est pour y lire des romans, considérer ses pendules, soigner ses animaux, au lieu de régler ses comptes, de s'occuper des moyens de remplir ses engagemens et de faire sa correspondance ; ainsi sa fortune se dérange, et sa ruine prochaine excite contre lui le zèle de sa femme et de son fils.

Cette pièce obtint un grand succès, et il est vrai de dire qu'elle doit être comptée au nombre des meilleurs ouvrages de l'auteur ; mais elle est, sans doute, loin de la perfection. Le titre en est trivial et même bas ; le mot Musard, depuis long-tems, proscrit de la langue par les gens de goût, ne devait pas être tiré de la fange des halles, pour reparaître sur un des premiers théâtres de la capitale ; mais, sans nous arrêter à cette considération, ne pourrait-on pas dire, avec justice , que le caractère de M. Musard, si toutefois M. Musard a un caractère, manque absolument de vraisemblance ? Qu'un étourdi, un homme du commun, un grossier provincial passe son tems à toutes ces niaiseries, dont s'occupe M. Musard, on peut le supposer, au moins pour quelques momens; mais qu'un négociant, père de famille, d'ailleurs homme de bon sens, qui paraît jouir d'une grande aisance, qui a de l'usage et de l'instruction, se ruine, pour suivre constamment un goût aussi ridicule, et qui ne peut être qu'éphémère ; qu'il nous soit permis de le dire, cela n'est ni vrai, ni vraisemblable.

Le marquis de Molière, qui s'amuse pendant trois quarts d'heures à cracher dans un puits pour faire des ronds, est un jeune fat, riche, qui n'a autre chose à faire qu'à tuer le tems, et encore Molière a-t-il prêté ce mot satirique à une femme coquette, qui se plaît à exagérer, aux yeux des autres, les défauts qu'elle flatte en secret.

Enfin, le caractère du Bourgeois Gentilhomme, qui se ruine pour imiter les grands seigneurs, et qui donne dans tous leurs travers, est dans la nature : chaque jour la société en fournit des exemples ; mais celui de M. Musard n'est ni dans la nature, ni dans la société.

Toutefois, la pièce de M. Picard offre, par-ci par-là, quelques traits comiques, qui probablement en ont fait le succès malgré les vices du fonds.

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