Monsieur Têtu, ou la Crânomanie, comédie en un acte, de Jean-Baptiste Dubois, 23 février 1808.
Théâtre de l'Impératrice.
Le nom de l'auteur pose problème : qui se cache derrière ce M. Delabosse auquel la brochure attribue la pièce ?... Jean Babault, dans ses Annales dramatiques, tome 6 [Paris, 1810], p. 353,attribue la pièce à M. Duval (sans précision du prénom). Paul Porel et Georges Monval, L'Odéon: histoire administrative, anecdotique et littéraire du second théâtre français, p. 231-232, l'attribuent pour leur part à Alexandre Duval.
Le catalogue général de la BNF fait parfois de Dubois de Jancigny, Jean-Baptiste (1752-1808), l'auteur de Monsieur Têtu ou la Crânomanie, comédie folie en un acte en prose, créé sur le Théâtre de l’Impératrice le 23 février 1808. Il semble audacieux de le suivre.
Et nous resterons prudemment fidèles à l'attribution de la pièce à Jean-Baptiste Dubois.
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Titre :
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Monsieur Têtu, ou la Crânomanie
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Genre
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comédie
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Nombre d'actes :
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1
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Vers ou prose ,
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en prose
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Musique :
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non
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Date de création :
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23 février 1803
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Théâtre :
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Théâtre de l’Impératrice
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Auteur(s) des paroles :
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M. Delabosse (mais c’est une blague... : Jean-Baptiste Dubois.)
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Almanach des Muses 1809.
Petite malice dirigée contre un célebre anatomiste. L'effet n'a point répondu à l'intention.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Barba, 1808 :
M. Têtu, ou la Craniomanie, Comédie-folie en un acte, en prose, Par M. Delabosse ; Représentée pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de l'Impératrice, le 23 février 1808.
[ Le texte de la pièce est précédée d'une courte préface, placée après la liste des personnages. Elle s'adresse aux disciples de Gall, accusés de n'avoir pas compris que la pièce ne visait pas Gall lui-même, mais ses mauvais imitateurs : il ne s'agissait pas de caricaturer la doctrine de Gall, mais l'usage que certains en font... La préface confirme bien l'échec de la pièce.]
PRÉFACE.
AUX CRANIOMANES.
Infidèles Gallistes, qu'avez-vous fait ? Cruels anatomistes, barbares chirurgiens, encore un ami victime de votre imprévoyance. Ne deviez-vous pas penser, en voyant afficher la Crânomanie, que c'était un laurier de plus attaché sur les protubérances de votre maître. Que parodie-t-on ? un bon ouvrage. De même une science recommandable par son utilité, pouvait bien étre parodiée. Mais loin de deviner mes bonnes intentions, vous vous réunissez, vous vous cotisez, et ajoutant l'arme déchirante du sifflet à tous les outils meurtriers de votre trousseau, vous accourez en masse, et vous poussez, dans l'enceinte des plaisirs, des cris semblables à ceux que vous arrachez chaque jour à vos malades. Eh ! pourquoi donc, étourdis que vous étes ? Que dira votre maître, quand il saura que c'était un faux Gall que j'offrais, et qu'au mot de charlatan, croyant qu'on le nommait, vous avez sifflé..... qu'à chaque balourdise que j'avais mise exprès dans la bouche de son ridicule imitateur, croyant toujours entendre votre maître, vous avez sifflé, qu'enfin au dénouement, où l'imposteur est baffoué et renvoyé, vous avez encore plus sifflé, comme si c'était le sort réservé à votre maître. Est-ce ainsi que l'on sert ceux qu'on admire ? Je n'ai rien dit que d'honnéte au docteur, et vous seuls l'avez outragé par de fausses applications. Pauvres écoliers, si vous avez la bosse boréenne, vous n'avez pas la protubérance de la perspicacité.
L'Esprit des journaux français et étrangers, mai 1808, tome V, p. 255-259 :
[Si le système de Gall n’a pas fait naître de batailles, la pièce qui s’en moque a failli en provoquer. Le compte rendu s’ouvre par le récit d’une représentation très houleuse, dans un théâtre qui n’est pas habitué à ce genre de manifestation d’humeur. Personne n’a entendu la pièce, et ce qu’en dit le critique est rempli d’incertitude. La pièce met en scène un homme obsédé de « crânologie », et qui veut donner sa fille à un expert en cette science, plutôt qu’au cousin qu’elle aime. La pièce ridiculise la science nouvelle (le fils du « crânologue » vient espionner son beau-père potentiel pour permettre à son père de deviner de façon sûre), on se déguise beaucoup. Bien sûr, la pièce finit comme on s’y attendait. Elle n’a pas fait longtemps illusion : quelques plaisanteries ont d’abord plu au parterre, avant que les sifflets ne prennent le dessus. Cabale ou pas, la pièce ne pouvait que tomber. Elle ne pouvait de toute façon blesser personne, puisque les moqueries ne portent sur rien.]
Théâtre de l'Impératrice.
M. Têtu , ou la Crânomanie.
On ne s'est point encore battu pour le système du docteur Gall, on a presque pensé se battre, à la première représentation, pour la parodie. Louvois n'est pas accoutumé à pareille fête ; la destinée de ses pièces est ordinairement moins bruyante, et les bons habitués de ce théâtre, étonnés de se voir troublés dans la possession de leurs plaisirs paisibles et accoutumés, ont vainement essayé de rétablir la tranquillité par des moyens qui n'ont fait qu'augmenter le bruit : des sifflets en bas, en haut, à droite, à gauche, des bravos, des cris, à la porte ! qui tâchaient d'imposer silence aux siffleurs ; voilà à peu près tout ce qu'on a pu entendre de la pièce, qui a pourtant été jouée toute entière, à l'exception d'un couplet de la fin que le public n'a pas voulu entendre, de peur apparemment qu'il ne sollicitât une indulgence qu'on n'était pas disposé à accorder. Ce qu'il a été possible de saisir au milieu du brouhaha, c'est que M. Dujour, bourgeois de Paris, qui fait enrager sa servante pour qu'elle lui fasse la cuisine sur des fourneaux économiques, et tourmente inutilement sa femme pour qu'elle apprenne à faire des garçons d'esprit ; entêté de toutes les découvertes nouvelles, attend avec impatience M. Têtu, savant crânologue, qui doit arriver accompagné de son fils, auquel M. Dujour veut donner sa fille Victorine en mariage, au lieu de la donner à son cousin qu'elle aime et à qui elle était promise. Mais la servante a reçu une lettre, on ne dit pas d'où ni de qui, par laquelle on lui apprend que le véritable M. Têtu est retardé dans son voyage par une indisposition, et que celui qui doit s'introduire sous son nom chez M. Dujour, est un intrigant sans science, qui prétend profiter de la manie de celui-ci pour enrichir son fils en lui faisant épouser Victorine. Le fils qui arrive est une espèce de nigaud sentimental, que le père envoie en avant pour sonder le terrain, afin , dit-il , que son papa puisse deviner quand il aura des renseignemens certains. La servante se présente à lui sous le nom de Victorine, et lui fait les déclarations d'amour les plus vives. Les autres personnages arrivent tous également déguisés, la fille en vieille, le jeune cousin en vieillard, la femme en servante, pendant qu'on a enfermé, je ne sais pourquoi, M. Dujour dans son cabinet, car il n'y avait pas d'inconvénient de le rendre témoin de tout cela, la pièce en aurait été plutôt finie. Le prétendu Têtu arrive, tâte tous les crânes, et donne à chacun des réponses conformes au personnage qu'il représente. M. Dujour,à qui on a rendu la liberté, vient comme les autres ; on persuade au docteur que c'est l'intendant de la maison; en sorte qu'il lui trouvé la bosse de la friponnerie, ce qui, comme on le pense bien, dégoûte M. Dujour de la crânologie et du crânologue. Une promesse de mariage signée par Têtu le fils [sic] à la servante Marie, qu'il prend pour Victorine, ne m'a pas paru rien ajouter à la pièce, si ce n'est cette spirituelle bêtise du nigaud, qui lui demande si Marie est un nom de terre. Il y en a beaucoup de cette force. Cependant à la première scène, un certain nombre de quolibets sur les maris, les femmes, etc., avaient assez gaîment disposé le parterre ; mais des intentions hostiles se manifestaient déjà ; les sifflets paraissaient pressés de commencer, et la pièce a si bien justifié leur empressement, que, s'il y a eu quelque cabale, comme on serait tenté de le croire à l'éclat des instrumens qui se sont fait entendre, et qu'on n'avait sûrement pas apporté par mégarde, en vérité, elle n'a pas eu de mérite à faire tomber la pièce. Des plaisanteries sans équivoque sur les vices dont M. Têtu croit découvrir l'indication dans le crâne de la mère, déguisée en servante, et sur les vertus que Marie, qu'il prend pour Victorine, est toute étonnée qu'on lui découvre ; de la farce et point de gaîté ; des scènes, et puis des scènes qui ne mènent à rien ; voilà ce qu'il était tout simple de siffler, et ceux qui s'y étaient peut-être disposés d'avance ont dû regretter la peine qu'ils avaient prise. L'auteur, dans un couplet d'annonce, chose assez rare à Louvois, avait déclaré qu'il ne voulait blesser personne ; ce n'était probablement pas le compte de ceux qui étaient venus en assez grand nombre, car la salle était pleine, pour entendre parler, de manière ou d'autre, d'un système qui occupe la curiosité publique. Ce n'est point du système qu'on leur a parlé, puisque M. Têtu n'est qu'un intrigant qui ne le connaît pas. Ainsi, il n'y a eu en effet personne de blessé, car les plaisanteries n'ont porté sur rien; on ne s'est moqué de personne; c'est ce qui fait qu'on s'est moqué de la pièce.
P.
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