Marie de Brabant, reine de France, tragédie en 5 actes et en vers, d'Imbert (9 septembre 1789).
Théâtre françois.
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Titre :
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Marie de Brabant, reine de France
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Genre
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tragédie
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Nombre d'actes :
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5
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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9 septembre 1789
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Théâtre :
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Théâtre français (Théâtre de la Nation)
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Auteur(s) des paroles :
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M. Imbert
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Almanach des Muses 1791
Pièce qui a fait grand honneur à feu M. Imbert qui ne s'étoit pas encore exercé dans ce genre.
Marie de Brabant, épouse de Philippe III, roi de France, est accusée par la Brosse, chambellan, d'avoir fait empoisonner le fils d'un premier lit. Belle situation traitée avec beaucoup d'intérêt. Scènes romanesques, et peu de vraisemblance dans les deux derniers actes.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, et se vend à Bruxelles, chez J. L. de Boubers, 1790 :
Marie de Brabant, reine de France ; tragédie en cinq actes et en vers. Par M. Imbert. Représentée, pour la première fois, par les Comédiens François ordinaires du Roi, le 9 Septembre 1789.
Mercure de France, tome CXXXVII, n° 38, du 17 septembre 1789, p. 69 :
[Dans ce qui est plus une annonce de compte rendu qu'un compte rendu, ce qui domine, c'est l'histoire, le fait historique, qui sera le point de vue adopté dans l'analyse de la pièce.]
COMÉDIE FRANÇOISE.
Le Mercredi, 9 Septembre, on a représenté pour la première fois Marie de Brabant, Tragédie en cinq Actes, par M. Imbert.
Cette Tragédie, dont le sujet est tiré de l'Histoire de France, a reçu du Public un accueil favorable, & qui le deviendra davantage, quand l'Auteur aura fait disparoître quelques détails qui ralentissent l’action. Dans le prochain Mercure nous en donnerons 1'analyse, en rapprochant le fait historique de la manière dont M. Imbert l'a distribué pour la Scène.
Mercure de France, tome CXXXVII, n° 40 du samedi 3 octobre 1789, p.18-20 :
[Compte rendu retardé par... le retard de la deuxième représentation. Il s’ouvre classiquement par la source de la pièce, un trait historique, qui semble indiquer que la pièce a un fonds conforme à l’histoire. Mais à peine terminé l’anecdote source, le critique montre tout ce que l’auteur s’est permis de modifier. Et c’est ce que tend à montrer l’analyse de l’intrigue, assez éloignée de la réalité historique (du moins telle que rapportée). Le dernier paragraphe de l’article souligne le succès croissant de la pièce. Le rôle du roi paraît particulièrement réussi. La pièce comportait des longueurs que l’auteur a su couper. Et le style est jugé « généralement noble , élégant & facile », à l'exception de quelques détails incompatibles avec « l’éloquence tragique », et qu’il sera facile de supprimer à l’impression.]
COMÉDIE FRANÇOISE.
Une indisposition de M. Saint-Fal ayant retardé la seconde représentation de Marie de Brabant, nous avons été forcés de retarder aussi le compte que nous avons promis de cette Tragédie. Voici le trait historique, d'après le Père Daniel.
La Brosse, le Chirurgien de Louis IX , étoit devenu Favori & Chambellan de Philippe III. Il s'étoit absolument emparé de l'esprit de son Maître, lorsque le Roi perdit Isabelle d'Aragon, sa première femme, épousa Marie de Brabant, & vit mourir Louis, son fils aîné du premier lit, que l'on soupçonna mort du poison. Le Favori, qui redoutoit dans la Reine, femme aimable & spirituelle, une rivale de la faveur, résolut de la perdre en la faisant accuser d'avoir attenté aux jours du jeune Prince, & en fortifiant l'accusation. Il y avoit dans ce temps-là à Nivelle une Beguine qui passoit pour illuminée. Philippe dépêcha auprès d'elle l'Abbé de Saint-Denis & l'Evéque de Bayeux. L'Evêque, qui étoit parent de La Brosse, prit les devants, & entendit la Beguine en confession, ce qui le réduisoit au silence. Quand l'Abbé arriva, elle ne lui voulut rien dire. Le Roi y renvoya l'Evêque de Dol, auquel elle répondit que le Roi ne devoit suspecter la fidélité de Marie pour lui ni pour les siens. Cette réponse ouvrit les yeux du Roi. A cette époque, Philippe fit la guerre au Roi de Castille, & l'on eut la preuve que les Castillans avoient des intelligences en France. Enfin, une boite interceptée, remplie de lettres chiffrées & scellées du cachet de La Brosse, découvrit le criminel, qui fut arrêté & mis en prison. Le Duc de Brabant, qui avoit craint d'attaquer le Chambellan pendant qu'il étoit en faveur, ne le vit pas plus tôt disgracié, qu'il vint en demander justice, & proposer l'épreuve du combat contre quiconque oseroit soutenir l'accusation. Personne ne se présenta ; la Reine fut justifiée, & La Brosse fut pendu.
M. Imbert a pris de cette Anecdote tout ce qu'il en pouvoit prendre. Aux motifs de la haine que La Brosse porte à la Reine, il en a ajouté un de vengeance. Un fils de La Brosse, coupable d'un crime capital, est mort sur un échafaud ; la Reine auroit pu le sauver, & elle ne l'a point fait. On suborne un témoin qui accuse la Reine, & qui meurt après sa déposition. Le Duc de Brabant veut justifier sa sœur, propose le combat que La Brosse a la témérité d'accepter, & où il a le bonheur de vaincre. Dans ces temps de superstition, la victoire étoit une preuve irréprochable pour l'accusateur ; tout se réunit donc contre l'infortunée Princesse, Cependant ce n'est pas pour lui seul que La Brosse a des vûes ambitieuses, il veut en faire partager le fruit à son neveu d'Armery ; en conséquence il l'interroge avec adresse, & la vertu du jeune homme est un arrêt de réprobation pour son oncle. D'Armery veut essayer de sauver la Reine ; il lui fait demander un entretien : le billet par lequel la Reine répond, est intercepté par La Brosse, qui se promet de s'en servir pour ajouter à ses précédentes accusations, celle de l'adultère. L'infame se trouve au rendez-vous, assassine son neveu : mais d'Armery ne reçoit qu'une blessure légère ; & quand on l'amène devant Philippe, il remet à ce Prince une lettre de l'Ambassadeur d'Angleterre, qui convainc La Brosse du crime de haute trahison. La Reine est justifiée, & le Chambellan est condamné au supplice.
La seconde représentation de cette Tragédie a eu un succès plus assuré que la première, & la troisième a été mieux accueillie encore que la seconde. La situation de Philippe auprès de la Reine qu'il aime & dont il est adoré, que la Politique semble accuser & que sa vertu justifie, est extrêmement touchante, & l'Auteur l'a traitée habilement. On avoit remarqué d'abord quelques développemens un peu longs ; l'Auteur les a fait disparoître ; il a même supprimé, à la 3e. représentation, les adieux de la Reine à ses enfans. Cette scène, dont les détails étoient trop étendus, retardoit la marche de l'Ouvrage. Le 5e. Acte, qui est plein d'action, réunit le double intérêt de parler à l'ame, & de tenir jusqu'à la fin la curiosité sus pendue. Il est évident que M. Imbert a beaucoup travaillé le rôle de La Brosse ; mais ce caractère a de la fierté, de la noblesse, du courage : une grande énergie, & son indomptable adresse en sauve toujours l'atrocité. Le style nous a paru généralement noble , élégant & facile. Nous croyons seulement que M. Imbert pourroit y revoir, pour l'impression, quelques détails que nous avons trouvés peu soignés, & où l'on trouve quelquefois de cet esprit qui ne convient point à l'éloquence tragique.
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1789, tome X (octobre 1789), p. 326-328 :
On a donné, le mercredi 7 septembre, la premiere représentation de Marie de Brabant, tragédie en cinq actes.
Le sujet de cette piece est tiré de l'histoire de France, sous le regne de Philippe-le-Hardi.
Un indigne favori, maître de la confiance de Philippe-le-Hardi, fils de St. Louis, lui fit éprouver tout ce qu'on doit craindre des ames basses & corrompues quand on leur donne le pouvoir de nuire. Cet homme, auparavant barbier ou chirurgien de Louis IX, se nommoit la Brosse. Né sans doute avec le talent de plaire & de tromper, il étoit devenu le confident, & comme le seul ministre du roi, sous le titre de grand-chambellan. Toute la France le courtisoit ; il ne craignoit que l'ascendant de la reine, Marie de Brabant, que Philippe avoit épousée en secondes noces : il résolut de perdre cette princesse, pour rassurer son propre crédit. Le fils aîné de Philippe reçut la mort presque subitement ; le bruit courut qu'il avoit été empoisonné ; les soupçons tomberent sur la reine ; on disoit que, voulant assurer le trésor à ses enfans, elle méditoit la mort de tous ceux du premier lit. La Brosse étoit l'auteur de cette calomnie. Le roi, frappé de l’intérêt que sa femme pouvoit avoir à cette ruine, partagé entre l'amour & la défiance, résolu d'éclaircir le mystere, eut recours à un moyen digne de la superstition la plus crédule.
Trois imposteurs jouissoient alors d'une réputation de sainteté & de prophétie, C'étoient un vidame de l'église de Laon, un moine vagabond, & une béguine ou religieuse de Nivelle en Flandre, tous trois amis, & couvrant leur artifice de cet air d austérité qui en impose toujours à la multitude. La béguine prophétisoit apparemment avec plus d'éclat que les autres ; le roi voulut apprendre d'elle si la reine étoit coupable ou innocente. Il lui envoya l'abbé de St. Denis, auquel la Brosse fit joindre l'évêque de Bayeux, son beau-frere : celui-ci prend les devants, & pour se rendre en quelque façon maître de l'oracle, il engage la dévote à lui dire en confection ce que le ciel lui révéloit. L'abbé arrive ensuite, interroge à son tour la béguine : elle lui répond que l'évêque est instruit de tout, & qu'elle n'a plus rien à déclarer. Philippe attendoit leur retour avec impatience ; sa surprise fut extrême, lorsque l'évêque de Bayeux refusa de rendre compte de son message, sous prétexte que c'étoit un secret de confession. Je ne vous ai point envoyé à la béguine pour la confesser, dit le roi en colere, & je saurai punir ceux qui me trompent Il dépêcha d'autres personnes, qui rapporterent une réponſe à la décharge de la reine Quelque tems après, la Brosse fut convaincu de trahison ; on le fit pendre, & son frere s'enfuit à Rome.
Il est inutile de dire que ce sujet a subi quelques changemens pour être adapté au théatre ; on sait bien qu'on ne doit point voir le moine vagabond, ni la béguine de Nivelle. L'auteur a
fait intervenir un ambassadeur d'Angleterre, qui, au moyen d'une lettre écrite par la Brosse, dénoue la piece, & de la maniere la plus heureuse. Le frere de Marie de Brabant, pour venger sa sœur & démontrer son innocence , propose, selon l'uſage d'alors, le combat à la Brosse, que celui-ci accepte; ce qui n'est pas dans l'histoire.
Il en eſt de même de l'épisode que l'auteur a fait entrer dans sa piece : à ces changemens près, toute l'action est conforme au récit des historiens ; & c'est ce qu'on peut appeller une tragédie nationale. Elle a été vivement applaudie pendant les trois premiers actes ; le quatrieme a paru singuliérement compliqué, & il a excité quelques murmures. La moitié du cinquieme n'a guere été mieux accueilli ; mais le dénouement a ranimé tout, & il a eu du succès.
Du reste, ce nouvel ouvrage, si différent de ceux par lesquels le talent de M. Imbert a déjà brillé plusieurs fois à ce théatre, est rempli de mérite ; & les spectateurs y ont applaudi avec transport, une foule de beaux vers, tels que celui-ci, qu'il met dans la bouche de la vertueuse Marie, quand on lui parle des témoins qui déposent contre elle :
Ma vie est un témoin qu'on doit entendre aussi.
(Mercure de France ; Journal de Paris ; Journal général de France ; Affiches, annonces & avis divers.)
L’Esprit des journaux français et étrangers, 1790, tome IV (avril 1790), p. 317-318 :
[Une simple note pour indiquer de façon très diplomatique que l’auteur a tenté de revenir sur la scène dans de meilleures conditions que lors des premières représentations. Mais le succès n’a pas été à la hauteur des espérances : la pièce n’a été jouée que deux fois en mars 1790...]
Depuis le mois de septembre dernier, des ouvrages du moment ayant engagé M. Imbert à suspendre les représentations de sa tragédie de Marie de Brabant, reine de France, il a profité de cet intervalle pour faire quelques changemens à son quatrieme acte, qu'on avoit trouvé un peu languissant. Cet auteur estimable, jaloux de satisfaire les gens de goût, a pris soin d'y ajouter plusieurs scenes, dont le but est de forcer Philippe à accélérer le supplice de l'infortunée Marie ; ce qui rend cet acte beaucoup plus intéressant. Il se soutient mieux actuellement à côté des autres, qui, comme on doit se le rappeller, renferment une foule de beaux vers, & offrent des situations aussi neuves qu'attachantes.
D'après la base César, la pièce a été représentée 10 fois au Théâtre de la Nation entre le 7 septembre 1789 et le 7 mars 1790.
Pour André Tissier, Les Spectacles à Paris pendant la Révolution, volume 1, p. 54, la première a eu lieu le 9 septembre 1789, et la pièce a eu 8 représentations (6 en 1789 et 2 en 1790). Même résultat avec la base La Grange de la Comédie Française.
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