Marius à Minthurnes, Tragédie en 3 actes. Par le c. Arnault, 19 Mai, 1791. Paris, Maradan.
Théâtre de l’Égalité, ci-devant théâtre de la Nation, Faubourg Germain
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Titre :
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Marius à Minthurnes
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Genre
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tragédie
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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19 mai 1791
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Théâtre :
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Théâtre de la Nation
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Auteur(s) des paroles :
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Arnault
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Almanach des Muses 1795.
Essai d'un jeune-homme, dans la manière de Corneille.
Belle imitation du soldat Cimbre, prêt à frapper Marius dans sa prison, et s'écriant à plusieurs reprises :
Je ne pourrai jamais égorger Marius.
Le tableau du jeune Drouais auquel les articles de critique font allusion est un tableau du musée du Louvre, œuvre de Germain Georges Drouais (1763-1788), Marius prisonnier à Minturnes : on y voit le soldat cimbre se voilant le visage au moment où il entre dans la cellule où est enfermé Marius, qu'il est chargé d'exécuter, et qui, le bras tendu vers lui le désarme par sa seule autorité.
Mercure de France, tome CXXXIX, n° 22 du samedi 28 mai 1791, p. 144-146 :
[La tragédie d’Arnault a connu le succès : c’est ainsi que le compte rendu s’ouvre, avant de rapprocher l’intrigue du récent tableau de Drouais sur le même sujet. Idées et sentiments sont également bien exprimés dans les deux œuvres de ces deux jeunes gens. La suite de l’article fait l’analyse de l’intrigue, qui a une fin heureuse. Bilan de la première représentation ? « Cette Piece a produit un grand effet par les beaux détails & les vers énergiques dont elle est remplie », et le critique nous en signale quelques beaux morceaux. L’auteur y montre un talent prometteur. Les interprètes ont été applaudis, et l’un deux a su jouer remarquablement le rôle modeste du soldat cimbre, « par la pantomime la plus expressive ».]
THÉATRE DE LA NATION.
Ce Théatre a donné, le 19 de ce mois, avec le plus brillant succès, la premiere représentation de Marius à Minturne, Tragédie en trois Actes, par M. Arnaud.
Un Tableau du jeune Drouais, envoyé de Rome il y a quelques années, excita l'admiration de tout Paris pour son talent, & bientôt après des regrets universels sur sa mort. Le sujet de la Tragédie nouvelle n'est pas la seule chose que l'Auteur ait tiré de ce Tableau sublime, il semble y avoir puisé le talent qui l'avait inspiré. Toutes les idées, tous les sentimens dont la toile nous présentait l'expression dans les traits de Marius, ont passé avec la même vigueur sur la Scène dans le développement de ce grand caractere ; & M. Arnaud, du même âge qu'avait alors l'Artiste son émule, nous paraît destiné à réparer, par la Poésie, la perte cruelle que les Beaux-Arts déploraient dans la Peinture.
Proscrit par le Sénat, à l'instigation de Sylla, Marius se réfugie à Minturne. Geminius, qui commande dans cette place, se dispose à le faire périr. Marius échappe à sa fureur en se jetant dans une barque ; mais bientôt les Matelots, abusant de la confiance de son sommeil, le ramenent sur le rivage ; il s'y réveille au bruit d'une tempête. Errant à la lueur des éclairs, il est rencontré & reconnu par un de ses anciens Soldats, qui lui offre d'abord une retraire dans sa cabane, & qui l'engage ensuite à se cacher dans un marais voisin où il sera plus en sûreté. Geminius, instruit de son retour, envoie des Satellites sur ses traces. Ils ne tardent pas à le découvrir dans l'épaisseur des roseaux , & le traînent en prison. Animé du ressentiment des affronts que sa Nation a reçus de Marius, un Soldat Cimbre est choisi pour l'immoler. Il entre dans le cachot. Déjà le poignard est levé sur le sein de Marius endormi. Marius se réveille, & un seul de ses regards terrasse son assassin. Au même instant arrive son fils avec une troupe de Romains & d'Habitans de Minturne, qu'il a su mettre dans ses intérêts ; le Cimbre se réunit avec eux ; Marius est délivré, & les partisans de Sylla mis en fuite.
Cette Piece a produit un grand effet par les beaux détails & les vers énergiques dont elle est remplie. Un monologue de Marius, sa Scène avec le Vétéran dans le second Acte, & avec le Soldat Cimbre dans le troisieme, annoncent dans le jeune Auteur un talent d'une grande espérance. MM. Vanhove, St-Prix, Saint-Phal & Florence ont reçu les plus justes applaudissemens. On sait gré sur-tout à M. Saint-Prix de s'être chargé du rôle peu important du Soldat Cimbre, qu'il a su relever par la pantomime la plus expressive.
L'Esprit des journaux, françois et étrangers, tome huitième, vingtième année, août 1791, p. 335-338 :
THÉÂTRE DE L A NATION.
Le jeudi 19 mai, on a donné, à ce théatre; la premiere représentation de Maríus à Mintumes, tragédie en trois actes, par M. Arnaud.
Voltaire, en 1743, & M. de la Harpe, 20 ans après, avoient déja fait voir sur la scene françoise, l'un dans la Mort de César, & l'autre dans Philoctete, une tragédie dans laquelle il n'entroit point de femmes, & chacune de ces deux pieces étoit en trois actes. M. Arnaud vient d'imiter ses deux devanciers dans Marius à Minturnes. D'après cette remarque préliminaire, nos lecteurs doivent s'attendre que le sujet de cette tragédie est un sujet austere. Plusieurs d'entre eux se rappellent peut-être un tableau du jeune Drouais, tableau envoyé de Rome à sa mere, & que l'on a vu exposé chez elle, à Paris, pendant près d'un mois. Ce tableau représentoit Marius, dont la tête avait été mise à prix, en imposant par son seul aspect au Cimbre qui vient pour l'assassiner, & lui faisant tomber l'arme de la main. Telle est la principale, ou pour mieux dire, la seule scene de Marius à Minturnes ; & il ne seroil pas étonnant que le tableau de Drouais eût donné à M. Arnaud l'idée de l'ouvrage.
Marius, proscrit à Rome par les intrigues de Scylla son rival, est poursuivi jusqu'à Minturnes ; il est près de s'échapper ; mais les matelots qui l'aidoient dans la fuite, profitent de son sommeil pour le remettre sur le rivage. L'émissaire de Scylla, qui le persécute, animé d'une haine particuliere, charge du soin de sa mort un jeune soldat, qui accepte avec joie cette horrible commission ; il va même jusqu'à promettre de joindre à cette victime le jeune Marius, dont la tête est également mise à prix. Ce soldat est le fìls de Marius lui-même, qui, à l'aide de ce déguisement, vit inconnu parmi les Romains. Son espoir est de retrouver son pere , de le défendre ou de le venger.
Cependant Marius,au milieu des marais, trouve un asyle dans la cabane d'un de ses anciens soldats, qui a eu à se plaindre de ses injustices, & qui ne lui en est pas moins resté attaché. Il est bientôt découvert dans sa retraite, & jetté dans une obscure prison. Son ennemi, soutenu par les habitans de Minturnes, veut qu'il perde la vie ce même jour. Mais quel bras osera le frapper ? On présente un soldat Cimbre, d'autant plus propre à cet affreux ministere, qu'en méritant les récompenses de Rome, il se vengera des maux que Marius a faits à son pays. On l'introduit dans sa prison pendant qu il dort. Le Cimbre est prêt à frapper, le héros se réveille, & le soldat, foudroyé par ses regards, s'écrie à plusieurs reprises :
.Je ne pourrai .jamais égorger Marius.
Son fils, qui arrive pour le défendre, se fait connoître à l'instant où le persécuteur de Marius rassemble ses soldats contre lui : il est secondé par les amis de ce héros, par les habitans de Minturnes, qui se repentent de leur lâcheté, par le soldat Cimbre lui-même, & son ennemi est -tué dans le combat.
On voit que ce sujet offre peu de situation & d'intérêt. On y désireroit plus d'adresse dans la contexture, plus de liaison dans les scenes, plus d'effet théatral ; mais l'auteur n'a que 21 ans, & cette excuse est d'autant plus valable que les légers défauts de l'ouvrage, & ce qui peut manquer encore à l'auteur du côté des connoissances dramatiques, est amplement racheté par de grandes beauté de détail. On trouve dans cette piece une foule de vers superbes, & en général un style plein d'idées & de vigueur. On voit que ce jeune éleve de Melpomene s'est sur-tout attaché à la maniere de Corneille, il en a le ton élevé, quelquefois un peu emphatique ; il en a jusqu'aux incorrections. Ces remarques ne doivent ni l'affliger ni le décourager. Nous insisterions moins sur quelques taches, si le talent de ce très-jeune auteur ne donnoit pas de si grandes espérances.
On l'a long-tems demandé à la fin de la piece qui a eu le plus brillant succès ; on l'a nommé : on a voulu voir sa personne, M. Arnaud a paru un moment dans la seule place où un homme-de-lettres puisse se montrer au public, dans sa loge, au milieu des autres spectateurs.
Nous avons retenu les vers suivans :
. . . . .Oui tout, jusqu'à la haine,
Doit devenir vertu dans une ame romaine.
. . . . . . . . .
L'or n'a-t-il de valeur que lorsqu'il paie un crime ?
. . . . . . . . .
C'est chez l'infortuné que la pitié se trouve;
Sans peine on compatit au malheur qu'on éprouve.
. . . . . . . . .
Le peuple de tout tems fut l'ami du grand homme.
. . . . . . . . .
Et seul je semble errer sur les débris du monde.
. . . . . . . . .
Renoncer á mon nom seroit m'en croire indigne.
. . . . . . . . .
Songer que je me venge est encore un bonheur.
Cette piece a été mise avec soin. M. Vanhove a fait briller une étude profonde dans le rôle de Marius, dont le caractere est très-bíen tracé. Mrs. St.-Phal, Naudet, & Dupont ont joué les autres rôles principaux, & M. St.-Prix, qui s'est chargé du rôle du soldat Cimbre, y-a mis des attitudes antiques & une expression si belle, que le spectateur, se rappellant le superbe tableau du jeune Drouais, a applaudi cette scene jusqu'à l'enthousiasme.
Les spectacles de Paris, ou calendrier historique & chronologique, Quarante & unieme partie pour l'Année 1792,, p. 240 :
Marius à Minthurnes, Tragédie en 5 actes en vers, de M. Arnaud, le 19 mai. Cette Tragédie annonce que nous avons un auteur tragique de plus, & cet auteur est très jeune. Sa verve est ardente & vigoureuse, & sa composition sévere. Le rôle du Soldat Cimbre atteste qu'il a étudié les grands principes de l'Art, & qu'il est destiné à y obtenir de grands succès.
Annales dramatiques, ou dictionnaire général des théâtres, tome sixième, p. 128-129 :
MARIUS A MINTHURNES, tragédie en trois actes, par M. Arnault, aux Français , 1791.
Marius proscrit à Rome par les intrigues de Sylla, som rival, est poursuivi jusqu'à Minthurnes, d'où il est près de s'échapper; mais les matelots, qui l'aidaient dans sa fuite, profitent de son sommeil pour le remettre sur le rivage. L'émissaire de Sylla, animé contre lui d'une haine particulière, charge du soin de sa vengeance un jeune soldat, qui accepte avec joie cette commission, et qui promet même de lui rapporter la tête du fils de Marius, également mise à prix ; mais ce soldat est le fils de Marius lui-même, qui, à l'aide de ce déguisement, vit inconnu parmi les Romains. Ainsi, l'espoir de ce jeune proscrit est de retrouver son père, de le défendre ou de le venger. Cependant Marius a trouvé un asyle au milieu des marais, dans la cabane d'un de ses anciens soldats qui a eu à se plaindre de lui, mais qui ne lui en est pas moins resté fidèle. Inutile précaution ! il est découvert et ramené dans les fers. Son ennemi craint de différer sa vengeance ; et, soutenu des habitans de Minthurnes, il ordonne sa mort pour le jour même. Qui osera la lui donner ? Qui osera frapper Marius ? On en charge un soldat Cimbre, qui s'introduit dans sa prison pendant son sommeil ; déjà son bras est levé; il est prêt à frapper, quand le héros se réveille. Ebranlé par la noblesse et le feu des regards du héros, ce soldat s'écrie à plusieurs reprises :
Je ne pourrai jamais égorger Marius.
Enfin, le fils de Marius se fait connaître à l'instant où l'ennemi de son père et le sien rassemble ses soldats contre lui. Honteux de leur lâcheté, les habitans de Minthurnes et le soldat Cimbre lui-même se rangent du parti de Marius, et l'ennemi de ce grand homme est tué dans le combat.
Tel est le sujet.de cette tragédie. Si la contexture du plan, si la marche de l'action sont répréhensibles, le style est correct, plein de noblesse et de vigueur. On y trouve des pensées neuves et hardies, des traits nerveux et un grand nombre de beaux vers, qui firent concevoir la plus haute idée du talent de M. Arnault, alors fort jeune.
D'après la base César, la pièce a eu 22 représentation au Théâtre de la Nation (du 19 mai 1791 au 4 juin 1793), et 16 représentations au Théâtre français de la rue de Richelieu (du 1er juin 1795 au 31 août 1799).
D’après la base La Grange de la Comédie française, elle y a été jouée 48 fois de 1791 à 1829.
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