Mercure à Paris, arlequinade en un acte d'Aude neveu et Décour [Eugène-Hyacinthe Laffillard], 22 octobre 1808.
Théâtre du Vaudeville.
-
Titre :
|
Mercure à Paris
|
Genre
|
arlequinade
|
Nombre d'actes :
|
1
|
Vers ou prose ,
|
en prose, avec des couplets en vers
|
Musique :
|
vaudevilles
|
Date de création :
|
22 octobre 1808
|
Théâtre :
|
Théâtre du Vaudeville
|
Auteur(s) des paroles :
|
Aude neveu et Décour [Eugène-Hyacinthe Laffillard]
|
Almanach des Muses 1809.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Hénée et Martinet, 1808 :
Mercure à Paris, arlequinade en un acte, Par MM. Aude neveu et Décour. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 22 octobre 1808.
Et je m'en vais au ciel, avec de l'ambroisie,
M'en débarbouiller tout-à-fait.
Molière, Amphitryon.
Journal de Paris, n° 296, du lundi 24 octobre 1808, p. 2138-2138 :
[Compte rendu sévère, dont on retient que la mode des arlequinades est passée, mais cela n’a pas empêché celle-ci d’avoir du succès. L’analyse de la pièce en souligne le peu d’originalité (le début est « une contre épreuve très affaiblie de quelques scènes d'Arlequin à Alger », et la suite est encore moins bonne). On a nommé les auteurs, mais le critique incrimine « les amis des auteurs qui ont fait durer quelques jours de plus « la moins intelligible, mais surtout [...] la plus triste des bouffonneries ». Seul point en faveur de la pièce, la présence de Laporte dans le rôle d’Arlequin : il ferait réussir n’importe quelle pièce !]
Théâtre du Vaudeville.
On dit souvent que le goût des arlequinades est passé : mais est-ce la bonne volonté qui manque au public, ou seulement le talent des auteurs ? Ce genre de pièces veut, par dessus tout, de l'esprit, de la finesse, de la gaieté ; et ce sont toujours d'insipides et tristes mélodrames qu'on présente depuis quelques temps, sous le faux titre d'Arlequinades ; cette incohérence est choquante, et pourtant le parterre s'en accommode sans trop de façons. Nous croyons que l'argument conclut en faveur du public ; et s'il étoit besoin d'ajouter une preuve, on pourroit en fournir une sans réplique, le succès même de Mercure à Paris.
Qu'est-ce que Mercure à Paris ? La première partie de cette pièce est une contre épreuve très affaiblie de quelques scènes d'Arlequin à Alger, production agréable, mais qui déjà s'éloigne du genre, et dont le réchauffé ne vaut rien. Pour le surplus, ce Mercure, sorcier de nouvelle espèce, n'imagine rien de plus ingénieux pour séduire colombine, que de se présenter sous les habits, et avec l'air et le langage de Gilles ! le Dieu de l'éloquence, un Gilles ! Aussi, comme il n'a rien à dire par lui-même, il fait parler les murs et les statues; merveilleuse sorcellerie dont l'objet est d'amener quelques couplets, auxquels Colombine déclare qu'elle n'entend rien, et que le public ne comprend pas beaucoup mieux ; ce bon public tout bénévole bailloit patiemment avec Arlequin, auquel le divin Gilles avoit donné je ne sais quel breuvages narcotique, lorsqu'un narcotique plus efficace ayant assoupi la critique ; et facilité aux applaudisseurs encore éveillés le moyen de soutenir la pièce jusqu'à la fin ; le nom des auteurs a été demandé ; on a nommé MM. Aude jeune et Decourt ; et, par ce manège banal, les amis des auteurs ont assuré quelques jours d'existence à la moins intelligible, mais surtout à la plus triste des bouffonneries.
Une seule chose peut expliquer l'extrême indulgence des auditeurs. C'est le charme presque irrésistible, du talent d'Arlequin Laporte. Dans quelque pièce que paroisse cet acteur, on le voit toujours avec plaisir, et pour que les ouvrages où il joue ne se ressentissent pas jusqu’à la la fin de cette influence tutélaire, il faudroit qu'ils fussent véritablement au-dessous des productions les plus ineptes. B. N.
L'Esprit des journaux français et étrangers, année 1808, tome XII (décembre 1808), p. 284-289 :
[Le compte rendu s’ouvre par une longue interrogation sur la présence de Mercure à Paris, qui ne semble pas poser de problème au parterre, alors que le critique souligne son incompréhension sur ce qui motive ce voyage. Les couplets cités montrent que tout l’Olympe est venu avec Mercure, mais on ne sait pas ce qu’il est venu faire ici. Mercure finit par dire que l’objet de sa visite, c’est de trouver une femme fidèle à son mari, pour gagner son pari contre l’Amour. Et il a choisi comme femme fidèle Colombine, la femme d’Arlequin. Et pour prouver la fidélité des femmes, il tente de les séduire : en cas de réussite de sa tentative, il sait qu’il n’a pas trouvé la perle rare. Pour faire le test avec Colombine, il prend l’apparence de Gilles, son ancien amoureux. Mercure tente sa chance au moment d’une querelle entre les époux. Le critique ne tente pas vraiment de débrouiller l’intrigue, il se contente de s’en moquer discrètement, le rôle de Mercure n’étant pas tout à fait digne d’un dieu. Il finit par réconcilier les époux, et il gagne son pari : Mercure peut regagner l’Olympe (le vrai). On a nommé les auteurs. Et le critique ne dit pas ce qu’il pense, sinon que comme le public, il a trouvé difficile de « savoir à quoi s'en tenir sur quelque chose »]
Le Mercure à Paris.
Il peut paraître intéressant de savoir ce que Mercure est venu faire à Paris ; mais cela n'est pas très-aisé à dire : ce dieu-là a toujours un peu de louche dans ses procédés, et avant-hier au soir il m'a paru tout-à-fait incompréhensible. Ce n'est pas qu'il ne chante qu'il est le dieu de l'éloquence, et que
. . . . L'éloquence est parmi nous
Le premier rayon du génie.
Cela ne m'a pas paru prouver grand'chose, et je n'en suis guères plus avancé. J'ai cru d'abord que Mercure avait été chassé du ciel par Jupiter, qui lui a reproché, dit-il, qu'il faisait mal son métier. Lequel ? car Mercure en fait plus d'un ; il est, comme il le dit lui-même, le dieu des arts et des voleurs. Quoi qu'il en soit, Mercure, de peur de s'ennuyer en route, a trouvé moyen de faire déloger tous les dieux.
J'ai placé le Parnasse aux cieux,
J'ai mis l'Olympe sur la terre.
Le parterre a applaudi, ce qui me prouve qu'il a entendu ce que cela voulait dire ; dans ce cas, j'aurais bien voulu être au parterre. Mais si le Parnasse est allé aux cieux, je ne sais comment, il s'y trouve tout seul ; car ses habitans ordinaires sont de la compagnie de Mercure ; ils sont venus chacun prendre un état à Paris.
Apollon est restaurateur.
C'est singulier, ce dieu n'avait jamais passé pour donner à dîner ;
Et les neuf Muses sont brodeuses.
A la bonne heure, pourvu que, faute d'ouvrage neuf, un mauvais plaisant n'aille pas les faire ravaudeuses.
Le noir Vulcain est fourbisseur.
Ce n'était guères la peine de le tirer de chez lui pour lui faire continuer son métier.
Minerve préside au sénat,
Et Mars conduit sa grande armée.
Pour ceux-là, passe ; ce couplet seul entre tous a été redemandé. Nous nous flattions un peu que, parmi ces dieux, ceux qui n'étaient pas occupés de soins si importans viendraient égayer la scène et nous donner un plat de leur nouveau métier ; mais ils ne sont là que pour la conversation, et ont déménagé du ciel uniquement pour fournir un couplet au vaudeville d'avant-hier. L'affaire qui, en définitif, paraît amener Mercure sur la terre, n'est pas d'une beaucoup plus grande importance ; il ne s'agit que de séduire Colombine, la femme d'Arlequin, c'est-à-dire de ne la pas séduire, car Mercure a parié avec l'Amour qu'il trouverait à Paris une femme fidelle à son mari ; l'Amour a parié que non, en trouvant plaisant sûrement que ce fût Mercure qui se fît l'avocat de la vertu des femmes. Mais le bon de la chose, c'est que, pour être plus sûr de trouver des femmes fidelles à leur devoir, c'est lui qui se charge de les y faire manquer. Il n'y a pas de fatuité à cela, mais tel est son malheur qu'avec la ferme volonté de trouver une femme qui lui résistât, il n'a pu y parvenir. Il faut que ce soit un inconvénient attaché à la divinité. Un simple mortel aurait trouvé, dix fois pour une, moyen de se faire chasser.
Eh ! mais oui da,
I' n'faut pas être un grand sorcier pour ça.
Le plus sot de tous les amoureux serait assurément celui qui ne saurait pas se faire donner son congé. Quoi qu'il en soit de ce dieu si malencontreux, il va partout séduisant des femmes et se désespérant de n'en pas trouver une cruelle. Il ne lui reste plus d'espoir que dans Colombine ; il va tenter fortune auprès d'elle, et se flatte bien de manquer son coup, Pour en être plus sûr, il prend la figure de Gilles, ancien amoureux de Colombine. Il n'a plus d'ailleurs que deux heures pour ses épreuves, après quoi elles seront finies. Il se décide à employer ces deux heures en dieu d'honneur, et à tâcher d'engager Colombine à divorcer pour épouser Gilles. Il choisit un moment où il y a querelle dans le ménage. Les querelles de ménage composent le fond de ce vaudeville ; mais elles ne sont pas longues, et les raccommodemens amènent de si jolies choses !
Quand je te rendis les armes,
Je voyais en toi mon vainqueur,
dit Colombine à Arlequin. S'il a de la peine à croire cela, il faut assurément qu'il soit de mauvaise humeur. Mais, pour lui, quand il est fâché, il s'exprime d'une toute autre manière. Hélas ! dit-il, en tirant les lettres de Colombine d'une petite armoire, placée au pied d'une statue de l'Amour : En les remettant aux pieds de l'Amour, je croyais les remettre au berceau. Vous entendez bien. Il dit ensuite que, lorsque Colombine les avait écrites, il avait cru que c'était de la main du cœur, et qu'il ne se doutait guères alors que la femme écrivît de la main droite. Ceci devient encore plus clair. C'est vraiment prodigieux tout ce qu'il se consomme d'esprit dans un vaudeville, et Mercure à qui on débite toutes ces jolies choses, n'en paraît pas étonné le moins du monde. Ces dieux ne s'étonnent de rien. Il devrait être un peu surpris cependant de la peine qu'on lui a donnée de descendre du ciel pour faire un personnage qui serait tout aussi bien rempli par le premier Gilles du coin, et sur-tout du rôle de nigaud qu'on lui fait jouer dans toute la pièce : enchanté on ne sait pourquoi, lorsqu'une nouvelle querelle lui donne l'espérance de réussir auprès de Colombine ; désolé quand cette espérance paraît se confirmer, on ne sait à qui il en veut. Il endort le mari pour avoir un tête-à-tête avec la femme, et passe ce temps-là à faire chanter des statues, ce qui étonne beaucoup Colombine, à qui il persuade qu'il est sorcier, sans que l'on imagine à quoi cela peut lui servir. Il a soin d'amener un raccommodement entre les deux époux, pour qu'une scène de bon ménage amène une querelle, mais celle-là ne lui profite pas plus que les autres ; Colombine, après une légère velléité de divorce, déclare qu'elle n'aime qu'Arlequin ; les deux heures sont absolument finies et le pari gagné. L'habit de Gilles tombe ; Mercure reprend son bonnet qu'il avait caché derrière une chaise. Il se fait reconnaître aux deux époux, en disant qu'il s'en retourne au ciel, où apparemment il n'est plus si brouillé avec Jupiter, qu'il nous l'avait voulu faire croire d'abord. Ce qu'il y a de clair dans tout cela, c'est que le vaudeville est de MM. Aude neveu et Decour. Le public s'en est informé apparemment pour savoir à quoi s'en tenir sur quelque chose.
P.
Ajouter un commentaire