Molière chez Ninon, ou la Lecture de Tartufe, comédie en un acte et en vers, de Chazet et Jean-Baptiste Dubois, 17 brumaire an 11 [8 novembre 1802].
Théâtre Louvois.
La pièce, publiée à Paris, chez J.-F. Girard, en 1802, ne semble pas figurer sur Internet.
Courrier des spectacles, n° 2073 du 18 brumaire an 11 [9 novembre 1802], p. 2 :
[La pièce met sur le théâtre un tableau de Monsiau sur cette supposée lecture du Tartuffe chez la fameuse Ninon de Lenclos. Le tableau a suscité l'écriture d'une pièce sur ce sujet incluant bien sûr Laforêt, servante de Molière qui aurait conseillé son maître. Le résumé de l'intrigue est fait sans jugement : il s'agit de savoir si la pièce de Molière pourra être jouée avec l'autorisation du roi, ou s'il faudra se contenter d'une lecture chez Ninon par Molière lui-même. Tout le suspens repose sur ce doute, qui disparaît à la fin quand l'autorisation royale est enfin confirmée, qui oblige l'ennemi de Molière à se retirer, et voit le triomphe supposé de Molière. Le critique n'est pas tendre pour la pièce, jugée froide, et plaisant au public parce qu'elle fait défiler tous les noms célèbres du règne de Louis XIV. Elle ne comporte qu'une « scène agréable », elle est écrite dans le goût du jour, et la facilité de l'écriture a aussi l'inconvénient de produite « trop de facilité dans la versification ». Le critique regrette l'abus de propos de louange des personnages les uns sur les autres, ce qui n'est pas conforme à la réalité (« ces hommes célèbres ne se louoient pas ainsi les uns les autres à perte de vue ». Mais il suggère que c'est peut-être un moyen de peindre, et de critiquer « les cotteries du jour ». Les auteurs sont nommés.]
Théâtre Louvois.
Première Représentation de Molière chez Ninon
ou la Lecture du Tartuffe.
Avant que le tableau de Guérin ne parût au sallon, avant qu’il ne fixât pour ainsi dire exclusivement l’attention d’une multitude de curieux celui sur lequel s’arrêtoient les yeux des amateurs et des gens de lettres, étoit le tableau de Monsiau, représentant Molière lisant Tartuffe chez Ninon. On admiroit l’art avec lequel le peintre avoit réuni dans un seul cadre tout ce que le siècle de Louis XIV avoit produit de plus grand, Condé, Corneille, Racine, Boileau, Lafontaine, Chapelle, etc. C’étoit une scène à imiter. Deux auteurs ont sur-le- champ imaginé un plan où ils pussent le placer avantageusement au théâtre, et ils l’ont traité avec succès. Ils n’ont pas oublié Laforêt, cette servante que Molière consultoit quelquefois avec fruit, et son rôle bien tracé, quoique mal amené n’est pas le plus faible de l’ouvrage.
Molière a reçu du roi la permission verbale de faire jouer Tartuffe ; mais le président du Parlement est parvenu à faire suspendre la représentation. St-Albans tout dévoué au président, et dont le caractère a fourni au poëte comique les traits les plus frappans de Tartuffe se trouve chez, Ninon au moment où Laforêt vient chez elle, et apprenant que la pièce si elle n’est pas jouée sera lue le soir en présence d’une nombreuse société, que Ninon doit convoquer; il forme le projet d’empêcher cette lecture. Cependant on voit arriver chez Ninon, Corneille et les grands hommes que nous avons cités plus haut, le vainqueur de Rocroi si [sic] rend également, mais Molière se fait attendre.
Laforêt vient avertir Ninon qu'elle craint que son maître ne vienne pas, de peur de déplaire au président qui a défendu cette lecture ; mais Molière lui-même apporte son manuscrit, et l’on se place de manière à imiter parfaitement le tableau de Monsiau. St-Albans se faufile doucement parmi les auditeurs et veut parler contre la pièce, lorsqu’un page arrive avec une lettre signée Louis, qui permet et ordonne même la représentation de Tartuffe. St-Albans déconcerté se retire, et Molière triomphant va faire jouer son chef-d’œuvre.
Cet ouvrage est froid, mais grace aux noms des personnages qui y figurent, il a été entendu avec plaisir. Il n’y a réellement qu’une scène agréable, c'est celle de Laforêt mystifant sans le savoir ce pauvre St-Albans. On y a remarqué du reste l’es prit du jour, des jeux de mots, quelques idées heureuses, des portraits agréablement esquissés, et en général de la facilité, trop de facilité dans la versification.
La louange de quelques personnages nous a paru emphatique, et nous n’approuvons pas les éloges ampoulée que les auteurs ont mis dans la bouche de plusieurs, et que ceux-ci semblent se renvoyer réciproquement. Ces hommes célèbres ne se louoient pas ainsi les uns les autres à perte de vue. Mais qui sait si en peignant Molière chez Ninon, on n’a pas eu intention de peindre les cotteries du jour ? On y obtient si facilement des brevets d’immortalité.
Les auteurs de cet ouvrage sont les cit. Chazet et Dubois.
F. G. B. P. G * * *.
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