Monsieur Crédule, ou Il faut se méfier du vendredi, vaudeville en un acte, de M. Martainville, 22 avril 1812.
Théâtre des Variétés.
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Titre :
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Monsieur Crédule, ou Il faut se méfier du vendredi
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Genre
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vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose ?
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en prose, avec des couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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22 avril 1812
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Théâtre :
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Théâtre des Variétés
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Auteur(s) des paroles :
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Martainville
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Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Barba, 1812 :
Monsieur Crédule, ou Il faut se méfier du vendredi, Comédie en un Acte et en prose, mêlée de Couplets, de M. Martainville ; Représentée, pour la première fois, sur le Théâtre des Variétés, le 22 avril 1812.
Journal de Paris, n° 124 du 23 avril 1812, p. 2-3 :
[Avant de parler de la pièce, le critique croit indispensable de parler longuement de la crédulité, « maladie de l'esprit humain » abondamment exploitée par « des imposteurs », et dont il ne croit pas qu'on puisse guérir la quasi totalité des hommes. Heureusement, la minorité des « clairvoyans » suffit à assurer à tous une vie heureuse. Il faut éliminer « les « erreurs nuisibles » et rire des erreurs « comiques ». C'est ce à quoi s'attache l'auteur de la pièce. Reste à résumer uen pièce qui montre les méfaits d'une absurde crédibilité chez un honorable bourgeois qui nuit à sa propre prospérité par superstition et gâche la vie de sa famille en tentant d'imposer à sa fille un mari qui ne lui convient pas. Mais l'amant de celle-ci réussit à démasquer le faux « faiseur d'almanach » que M. Crédule voulait comme mari pour sa fille : c'est lui qui l'épouse, comme c'est la règle dans un vaudeville. Et « Crédule promet de faire mentir son nom » (mais tiendra-t-il sa promesse ?). La pièce est une farce, et c'est sur son dialogue qu'il faut la juger, et non sur son contenu/ Tous les traits d'humour ne sont pas de bon goût, mais ils sont gais. Sans être « portée aux nues », la pièce a réussi, et certains couplets « ont été vivement applaudis », et la salle a bien ri. Elle gagnerait pourtant à subir quelques coupures. Deux noms à retenir, celui de Tiercelin, excellent dans le rôle de M. Crédule dans lequel il a su mettre du « comique vrai », et l'auteur, Martainville.]
THÉATRE DES VARIÉTÉS.
Première représentation de Monsieur Crédule , ou Il faut se méfier du Vendredi.
Depuis le commencement des siècles, la crédulité est une des plus graves, des plus tenaces ou des plus plaisantes maladies de l’esprit humains ; des imposteurs en abusèrent trop souvent pour dénaturer les résultats utiles : certaines erreurs et certains préjugés accrédités par eux sont devenus mes fondemens de bien des institutions dont la société a retiré de grands avantages.
Comme la lumière est le seul remède qu'on puisse administrer contre la crédulité, il est probable que cette maladie restera toujours incurable pour les neuf dixièmes et demi des hommes, et certes, ils n'auront pas lieu de s'en plaindre tant que le petit nombre des clairvoyans saura les diriger et travailler à leur bonheur. Il est fort commode et fort doux pour nous que l'on daigne nous gouverner, car nous faisons triste figure quand nous voulons nous gouverner nous-mêmes. Nous sommes souvent, il est vrai, les jouets d'une foule d'erreurs nuisibles ; voilà celles que l'on doit s'attacher à déraciner. D'autres sont comiques : eh bien ! il faut en rire.
C’est ce qu’a fait l’auteur de la pièce nouvelle; il a essayé de peindre d'une manière gaie cette faiblesse qui porte certains esprits à croire les choses les plus ridicules, les plus bizarres, les plus absurdes ; à faire dépendre leur destinée de tous les petits événemens dont ils sont témoins et a empoisonner sans cesse le moment présent par la crainte du moment qui doit le suivre.
M. Crédule veut renvoyer son jardinier, parce qu'étant roux il doit être méchant, attendu que le proverbe dit : Méchant comme un âne rouge. Cependant il finit par consentir à garder ce pauvre diable, à condition qu’il prendra une perruque brune et qu’il fera peindre ses sourcils en noir. M. Crédule rêve beaucoup, et c’est un de ses plus grands plaisirs : mais il ne conte pas ses rêves avant le déjeûner, crainte d’en faire manquer l’effet II se fait aussi dire sa bonne aventure, et passe une partie de sa vie à tires les cartes ; il en a toujours un jeu dans sa poche ; ce jeu est, à son avis le livre le plus amusant, et le plus instructif ; les cartes, en un mot, ne 1'ont jamais trompé. Enfin, pour tout l'or du monde, il ne sortirait ni ne concluerait [sic] une affaire le vendredi, parce qu’il s’est aussi laissé dire que, Qui entreprend le vendredi apprête à rire à son ennemi. Il a même une telle aversion pour ce jour-là qu’il voudrait qu’on la supprimât de la semaine. Or, il résulte d’une aversion si prononcée que M. Crédule refuse de se rendre à une adjudication relative à un bien qui est à sa convenance, parce qu’on a choisi le vendredi pour la faire ; il perdrait ainsi une belle occasion d’arrondir ses propriétés si, à son insu, un de ses amis ne se rendait pour lui adjudicataire de ce bien.
Mme Crédule et. Agathe sa fille sont fort raisonnables, et font de vains efforts pour le corriger de ses rêveries superstitieuses ; mais raisonner avez lui c’est parler à un sourd. Duzodiaque, prétendu faiseur d’almanachs, s’est emparé de son esprit et entretient la faiblesse du bonhomme par mille contes ridicules. Crédule veut en faire l’époux d’Agathe. Le choix ne convient ni à la mère ni à la fille. L’aimable Eugène est bien mieux leur fait. Cet Eugène est fort amoureux ; pour faire éconduire son rival, il imagine de se déguiser en magicien, de se présenter à Crédule, et de lui dire sa bonne aventure. Il lui persuade qu’il enta lui seul Nicolas Flamel, Nostradamus et Cagliostro ; Crédule crie au prodige en entendant tout ce que le facétieux sorcier lui débite, surtout quand il raconte qu’il a marché la tête en bas aux antipodes, qu’il a voyagé douze mille lieues plus loin que le bout du monde, et quand il fait apparaître à ses yeux Parapharagaramus, géant monstrueux, marchant avec trois jambes. Après toutes ces belles choses Eugène démasque Duzodiaque, obtient la main d’Agathe ; Crédule promet de faire mentir son nom , et la farce est jouée.
C'est moins sur le fonds que l'on doit juger cette folie que sur le dialogue ; il fourmille de traits dont le goût n'adopte pas toujours le choix, mais qui sont toujours gais, et souvent naturels.
La pièce n'a pas été portée aux nues, mais elle a réussi. Plusieurs couplets piquans ont été vivement applaudis, et l'on a ri de bon cœur.
L'ouvrage gagnerait si l'on faisait quelques petites coupures çà et là.
Tiercelin a contribué à ce succès par le comique vrai qu'il a mis en représentant M. Crédule. On a demandé l'auteur, et on est venu nommer M. Martainville.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 17e année, 1812, tome II, p. 429 :
[La pièce est présentée comme peignant un caractère, mais il semble se réduire à « une foule d'observations comiques ». L’intrigue est nulle, mais la pièce a réussi grâce à des « détails piquans » (les fameuse observations ») : situation souvent décrite dans les critiques.]
M. Crédule, ou il faut se méfier du vendredi, vaudeville en un acte, joué le 22 avril.
Ce caractère donne lieu à une foule d'observations comiques qui ont été saisies avec esprit par l'auteur de la pièce, M. Martainville. L'intrigue est presque nulle; des détails piquans ont fait réussir l'ouvrage.
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