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Monval et Sophie, ou le Nouveau Père de Famille

Monval et Sophie, ou le Nouveau Père de Famille, drame en trois actes et en vers, par M. Aude, 12 juin 1809.

Odéon. Théâtre de l’Impératrice.

Titre :

Monvcal et Sophie, ou le nouveau Père de famille

Genre

drame

Nombre d'actes :

5

Vers / prose

vers

Musique :

non

Date de création :

12 juin 1809

Théâtre :

Odéon. Théâtre de l’Impératrice

Auteur(s) des paroles :

M. Aude

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Martinet, 1809 :

Monval et Sophie, drame en trois actes et en vers, Représenté pour la première fois, à Paris, au Théâtre de l’Odéon, par les Comédiens de Sa Majesté l’Impératrice, le 12 juin 1809.

Mercure de France, littéraire et politique, tome trente-sixième (1809), n° CCCCXIII (samedi 17 juin 1809), p. 611 :

[Le Mercure de France n’aime pas le drame  genre inférieur, que les gens de goût rejettent absolument : n’en parlons pas. Le public aime le drame : il faut bien en parler. Mais très peu ! Il y a un peu de surprise dans les propos du critique : finalement, ce n’est pas une si mauvaise pièce, si on oublie, comme le font généralement les spectateurs, l’invraisemblance de l’intrigue]

CHRONIQUE DE PARIS.

Dirons-nous quelque chose d'un nouveau drame qui virent d'être représenté avec succès sur le théâtre de l'Impératrice (Odéon) ? En faire l'éloge serait contre nos principes ; le genre est proscrit par tous les amis de la bonne comédie, par tous les véritables hommes de lettres. Blâmer le public d'avoir pleuré, d'avoir applaudi, ce serait une injustice, et d'ailleurs ne croyons pas que nos droits, comme journalistes, s'étendent jusque-là.

Contentons-nous d'observer que M. Aude, auteur de Monval et Sophie, a eu l'art de faire oublier à de nombreux spectateurs toutes les invraisemblances sur lesquelles pose la fable de son drame ; qu'il y a souvent dans sa pièce de l'intérêt, de la chaleur ; qu'elle est écrite en vers, et plus correctement que ne le sont ordinairement les ouvrages de ce genre.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 14e année, 1809, tome III, p. 381 :

[Comment rendre compte d’une pièce qui a eu beaucoup de succès, mais que le critique juge de façon plus sévère que n’a fait le public ? Visiblement, le rédacteur de l’article aime peu le drame, dont il souligne le caractère artificiel et les moyens faciles grâce auxquels il obtient un succès larmoyant.]

ODÉON. THÉATRE DE L’lMPÉRATRICE.

Monval et Sophie, ou le nouveau Père de famille, drame en trois actes et en vers, joué le 12 juin 1809.

Je parlais, à propos de la Ferme du Mont Cenis, des succès du Drame, et de la facilité avec laquelle on réussit quand on intéresse. La nouvelle pièce vient encore prouver combien il est plus facile de toucher les cœurs par des incidens extraordinaires et des situations exagérées, que de plaire par la peinture fidèle des mœurs et des caractères. Le nouveau Père de famille a fait verser des torrens de larmes. La salle de l'Odéon n'avoit point retenti d'autant de sanglots depuis Misanthropie et Repentir.

Deux jeunes amans, secrètement mariés, se font passer pour frère et sœur ; ils reviennent s'établir chez leurs parens, et se disposent à faire l'aveu de leur faute. Mais le père de Sophie est un homme inexorable. D'un autre côté, un ami de la maison demande la main de cette jeune personne : la situation devient embarrassante, il n'y a plus à reculer ; c'est
lui-même que l'on prend pour confident ; il s'attendrit, plaide avec chaleur la cause des époux imprudens, et obtient leur pardon.

La chaleur avec laquelle cet ouvrage a été joué, des vers heureux, des situations attendrissantes, lui ont fait obtenir un plein succès.

Firmin, Perroud, Dugrand, Leborne, mademoiselle Delille, ont joué avec beaucoup de talent et un ensemble parfait. L'auteur est M. Aude.

L’Esprit des journaux français et étrangers, année 1809, tome VIII (août 1809), p. 279-283 :

[Rendre compte d’un drame est bien difficile pour un critique de théâtre digne de ce nom. La pièce a eu du succès, et elle ne manque pas de qualités que le critique ne refuse pas de reconnaître : «  sa conception est assez forte, la situation ne peut qu'être neuve : l'intérêt, qui est au drame ce que le péril est à la tragédie, va bien en croissant ; le troisième acte est bien fait ; on y trouve de bonnes scènes, des traits de sensibilité vraie, des mouvemens qui sont dans la nature ; la versification ne manque pas d'une certaine élégance ». Mais c’est un drame, c’est-à-dire un représentant d’un genre secondaire, et le critique fait bien comprendre le risque qu’une telle forme dramatique fait courir au monde des lettres : l’image du chemin difficile des genres nobles, opposée à celle des charmes faciles du chemin du drame fait bien saisir les dangers qui menacent tragédie et comédie (pourquoi courir le risque d’un échec sur une route escarpée, quand existe une route si carrossable ?). Ce qui est dit de l’écriture vaut aussi pour la représentation : «  en général des acteurs d'un ordre inférieur jouent toujours mieux le drame que la comédie, tant il est vrai qu'il est plus aisé d'exagérer que d'être naturel ». Mais, finalement, si on accepte de ne pas se focaliser sur l’invraisemblance de l’intrigue, le drame d’Aude est une bonne pièce (mais peut-on accepter une telle invraisemblance ?) Le critique paraît en douter !)]

Monval et Sophie.

Un drame nouveau vient d'obtenir à ce théâtre un succès complet, brillant, bruyant, unanime ; enfin tout le succès que peut avoir un drame quand le sujet en est bien romanesque, que le dialogue est bien sentimental, et que les acteurs ne laissent rien à désirer pour que l'exagération de leur jeu réponde à celle des situations; des larmes ont coulé en abondance ; des applaudissemens à faire trembler la salle ont même troublé le repos des entr'actes ; enfin l'auteur et les acteurs, confondus dans les acclamations du parterre, se sont embrassés sur la scène ; ce qui a mis le comble à la sensibilité du public, et terminé la représentation d'une manière tout-à-fait dramatique.

Il faut être juste cependant, et ne pas calomnier à plaisir, ou censurer sans mesure le goût d'un spectateur qui se laisse surprendre par d'assez vives émotions, sans se mettre l'esprit à la torture pour que sa raison le tienne en garde contr'elles, qui s'attendrit sur des malheurs impossibles, et pleure avec une famille telle qu'on n'en a jamais vu. L'ami de la comédie s'avoue désarmé quand il a ri ; quand il est ému, l'ami du drame confesse à l'auteur qu'il n'a rien à lui objecter ; et s'il a pleuré, il n'a plus que des remercîmens à lui faire.

Assurément mon intention n'est pas de troubler ici la satisfaction très-vive qu'a dû éprouver l'auteur : son ouvrage a du mérite, sauf l'idée principale sur la vraisemblance de laquelle il ne faut pas s'arrêter trop long-temps : sa conception est assez forte, la situation ne peut qu'être neuve : l'intérêt, qui est au drame ce que le péril est à la tragédie, va bien en croissant ; le troisième acte est bien fait ; on y trouve de bonnes scènes, des traits de sensibilité vraie, des mouvemens qui sont dans la nature ; la versification ne manque pas d'une certaine élégance ; elle est en vers libres qui ont de la facilité et une correction assez soutenue ; voilà certainement des qualités qui ne sont point à dédaigner : il n'est pas un auteur qui ne desirât les avoir réunies dans son ouvrage, et qui, par elles, n'obtint des applaudissements ; mais la facilité et l'éclat d'un succès dans ce genre n'est-il pas de nature à éteindre l'émulation parmi les bons auteurs ? Quel courage ne faut-il avoir désormais pour rester invariablement dans la bonne route, c’est-à-dire dans celle qui est escarpée, difficile, peu fréquentée, semée d’écueils et de précipices, tandis que sur d’autres chemins on ne trouve qu’une pente facile et des fleurs sous ses pas ? Quel amour de l'art et de la vérité, quel sentiment juste de la comédie, et du but moral du théâtre ne faut-il pas avoir pour s'obstiner à observer attentivement les hommes, à les peindre fidèlement, pour qu'ils repoussent le tableau, et refusent de se reconnaître, tandis qu'ils aiment tous les portraits d'imagination que leur présente un miroir factice.

Le sujet du drame nouveau est très-romanesque : s'il l'était moins, il n'eût peut-être pas autant réussi ; en voici une idée.

Monval, fils d'un négociant nantais, a enlevé de l'Amérique la fille d'un ami de son père, dont il est éperduement amoureux. Entraîné par ce crime dans une longue suite de fautes, il s'est vu obligé de présenter sa Sophie à son père comme la fille de ce dernier et comme sa propre sœur. Il vit ainsi dans la maison paternelle, donnant le nom de sœur à celle qu'il désire nommer son épouse.

Cependant son père destine à Germeuil son associé, homme très-estimable, la main de la jeune personne qu'il croit sa fille : ce péril nouveau met Monval dans une situation désespérante et le livre à tous les tourmens de la jalousie ; dans une explication avec Germeuil, il confie heureusement son secret à ce rival, dont la générosité vient à son secours. Il plaide la cause de son jeune ami devant son père, devant celui même de Sophie, qui arrive d'Amérique pour poursuivre son ravisseur dont il ignore le-nom. Monval obtient sa grace, et reçoit la main de sa maîtresse.

Certes, la situation de Sophie est d'une invraisemblance trop choquante ; la conduite de Monval contrefaisant l'écriture de sa mère, pour abuser son père sur la ruse qu'il a employée, passe aussi les bornes, et l'art que l'auteur a mis dans la conduite de son action ne peut dissimuler ce défaut ; mais l'action marche bien ; elle est vive, rapide, intéressante même ; le dialogue est un peu déclamateur et sentencieux; mais il offre des mouvemens passionnés et des traits heureux qui, à la représentation, ne peuvent manquer leur effet.

La pièce est jouée avec beaucoup d'ensemble et de talent : en général des acteurs d'un ordre inférieur jouent toujours mieux le drame que la comédie, tant il est vrai qu'il est plus aisé d'exagérer que d'être naturel, et tant ce genre qu'on donne pour l'imitation vraie de la nature, en est en effet éloigné.

L'auteur de l'ouvrage est M. Aude ; connu au théâtre pour le père d'une famille d'originaux assez ignobles, mais qui ont eu une très-grande vogue. Il a donné des ouvrages plus estimables, et celui-ci paraît être mis parmi ces derniers au premier rang.

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