- Accueil
- Pièces, gens et lieux
- Les pièces : essai de catalogue
- m
- Mystère et Jalousie
Mystère et Jalousie
Mystère et Jalousie, comédie en un acte et en vers, de M. *** [Hippolyte], 23 mars 1815.
Théâtre de l'Odéon.
-
Titre :
Mystère et Jalousie
Genre
comédie
Nombre d'actes :
1
Vers / prose
en vers
Musique :
non
Date de création :
23 mars 1815
Théâtre :
Théâtre de l’Odéon
Auteur(s) des paroles :
M. Hippolyte
Almanach des Muses 1816.
Bluette bien jouée ; mais nul goût, nul esprit ; vers ridicules ; style obscur. Point de succès.
Journal de Paris, n° 83 du 24 mars 1815, p. 1 :
[Constat d'échec, mais formulé de manière gentille : la bronca n'a commencé qu'à la fin de la pièce, mais elle aurait pu s'engager bien plus tôt, vu « un assez grand nombre de vers ridicules ». L'auteur a fait preuve d'un grand courage, mais fort inutile. Et le nom que le journal livre ressemble beaucoup à un pseudonyme.]
La petite comédie en un acte et en vers, jouée hier au théâtre de l'Impératrice, sous le titre de Mystère et Jalousie, a été écoutée avec une indulgence qui ne s'est démentie qu'à la fin de la pièce, quoiqu'un assez grand nombre de vers ridicules eût autorisé une rigueur moins tardive. L'auteur qui se hasarde pour la première fois sur la mer orageuse du théâtre, a bravé la tempête avec un courage qui ferait honneur à un navigateur aguerri par plusieurs naufrages ; il a livré aux sifflets un nom inconnu..... Il s'appelle M. Hyppolite.
Journal de Paris, n° 84 du 25 mars 1815, p. 2-4 :
[Le critique a bien d'autre chose à faire que de parler de la pièce nouvelle (l'actualité lui offre bien d'autres sujets), et son feuilleton traite d'abord du sort du Théâtre de l'Odéon, redevenu Théâtre de l'Impératrice, de Théâtre Royal qu'il était : il avait perdu la présence de l'Opéra Italien, ce qui le condamnait à tenter de vivre des seules ressources de la « troupe française », manifestement insuffisantes. Mais les événements ont changé le sort du théâtre. Toutefois, la première annonce d'un spectacle nouveau ne satisfait pas le critique, qui, avant de dire ce qu'il pense de cette nouveauté, entreprend de dire tout le mal qu'il pense de la façon dont les jeunes gens conçoivent la création dramatique dans un couplet sur la décadence de l'art dramatique, il rappelle la noble conception de la comédie, reflet des mœurs d'une société et regard critique sur ses ridicules et ses travers, qu'il oppose à ce qu'en font « nos jeunes gens », qui « ne regardent plus une comédie que comme un jeu, une bagatelle » : « quelques lieux communs ramassés dans la poussière des théâtres », et il décrit d'avance les ressorts de la pièce nouvelle, erreur sur un portrait, une lettre, des moyens éculés, et que ne rachète même pas le style, puisque, vers ou prose, il s'agit d'« insipides rapsodies ». C'est seulement maintenant que le critique aborde le résumé de l'intrigue, dont il s'attache surtout à montrer le manque de nouveauté. Le jugement porté ensuite est clair il n'y a rien à sauver dans ce spectacle, « pas […] une seule idée neuve, pas la moindre entente dans la distribution des scènes, ni chaleur, ni facilité, ni correction dans le style, enfin pas la moindre lueur de talent. Et le public a fait preuve envers la pièce d'une indulgence coupable. Et « l'auteur n'a pas même la ressource de rejeter sur les acteurs une partie de sa mésaventure » : ils ont été aussi bons que le leur permettait leur rôle. Même la mauvaise prononciation de Chazel n'est pas de sa faute.]
ODÉON. – THÉÂTRE DE L'IMPÉRATRICE.
Première représentation de Mystère et Jalousie,
comédie en un acte et en vers.
Aucun théâtre, plus que l'Odéon, ne doit se louer de la miraculeuse révolution qui vient encore une fois de changer la face de la France. Il touchait à sa ruine ; la troupe italienne allait en être séparée : et comme c'est particulièrement à l'Opéra-Italien qu'est attachée la subvention pécuniaire que le gouvernement veut vient [sic] accorder à ce théâtre, en le perdant, il perdait tout. La troupe française, réduite à ses propres forces, obligée de se soutenir par ses seules recettes , eût péri de langueur dans son quartier infertile.
L'administration de l'Odéon avait défendu ses droits avec une force que lui donnait le sentiment de la bonté de sa cause. Elle soutenait, avec une grande apparence de raison, qu'il était injuste de la dépouiller d'un privilège dont sur la foi de l'autorité, elle avait entrepris à grands frais l'exploitation, pour en gratifier une étrangère à qui son grand talent donnait des droits à l'admiration publique, mais non à la propriété particulière : elle représentait que le sort de cent familles françaises était attaché à l'existence de ce théâtre, et faisait d'ailleurs à la virtuose italienne des propositions si avantageuses et si brillantes qu'il semblait que la vanité la plus intraitable ou la plus insatiable cupidité pouvaient seules les refuser.
Le rédacteur, chargé dans cette feuille de l'article Spectacle , éleva souvent la voix en faveur de l'administration de l'Odéon. Mais que peuvent quelques phrases d'un journal contre le caprice des grands et l'indifférence du public ! On sentait généralement et l'on convenait même assez volontiers que la concession faite à Mme Catalani était une injustice ; mais, comme ce n'était qu'à ce prix qu'on pouvait espérer de la fixer en France, les amateurs sacrifiaient sans répugnance la rigueur d'un principe au charme d'un plaisir ; et, pour peu qu'on les eût pressés, ils auraient répondu : « qu'importe que cent familles pleurent, pourvu que Mme Catalani chante. »
L'Odéon, privé du titre de Théâtre Royal, se serait peut-être consolé d'avoir reçu des lettres de roture si l'on n'eut pas en même temps appauvri son budget ; enfin, l'administration en était réduite à une négociation difficile et presque humiliante, lorsque le cours en fut interrompu par des évènemens d'une telle importance, que leur influence sur le sort d'un théâtre ne sera remarquée que par ceux qui pourront y avoir un intérêt direct. S'il y a mille et mille exemples des grands effets produits par de petites causes , en voici un d'un petit effet produit par une grande cause.
L'affiche de l'Odéon, réanoblie par son ancien titre, ne s'est offerte aux regards publics que modestement parée d'une comédie en un acte : et quelle parure encore ! Quelquefois l'élégance et le goût suppléent heureusement à la magnificence ; mais cette fois , il faut le dire, le négligé était aussi par trop négligé.
Autrefois on avait la simplicité de croire qu'une pièce de théâtre qui prétendait au titre de comédie était un ouvrage qui demandait de l'application, du travail, une sorte de génie, et qui supposait que l'auteur avait étudié le cœur humain, ou du moins observé les mœurs, les ridicules et les travers de la société. Aujourd'hui on est bien désabusé de toutes ces idées-là. Ce qui était le plus difficile des arts est devenu le plus aisé des métiers. Nos jeunes gens, à peine sortis des écoles, si toutefois ils y ont été, ne regardent plus une comédie que comme un jeu, une bagatelle.
Dès que la fantaisie d'être auteurs leur passe par la tête, ils cousent ensemble quelques lieux communs ramassés dans la poussière des théâtres ; c'est un travestissement, un quiproquo produit par un portrait ou par une lettre, une erreur de nom et autres moyens aussi neufs que ceux-là ; ils n'ont ni le pouvoir ni même la pensée de racheter la trivialité du fond par l'agrément des détails, ou par le mérite du style ; les plus prétentieux mettent ce barbouillage en lignes rimées ; les plus pressés en prose aussi plate que leurs vers auraient pu l'être, et le lendemain ils disent avec confiance qu'ils ont une comédie toute prête. Ils trouvent quelquefois des acteurs assez complaisans pour apprendre et jouer leurs insipides rapsodies ; on les siffle ; ils appellent cela réussir, et la France compte quelques auteurs de plus .
J'ai fait, presque sans m'en douter, l'histoire de la petite nouveauté de l'Odéon ; Dieu me garde d'avoir tiré l'horoscope de l'auteur, il n'est pas assez avancé dans la carrière pour ne pouvoir plus reculer, et je m'estimerais trop heureux si je parvenais à lui rendre le service de le décourager au premier pas. Voici l'extrait de cette conception dramatique.
Une jeune veuve, nommée Sophie, est devenue amoureuse, à Rouen, d'un officier de dragons. Elle est résolue à l'épouser ; mais, comme elle ne serait sans doute pas fâchée d'être la femme d'un colonel, elle vient à Paris solliciter un régiment pour son futur époux qui, soit dit en passant, est bien le jaloux le plus maussade qu'on puisse imaginer. Sophie a un oncle auquel il faut supposer une grande influence au ministère de la guerre, quoiqu'on n'ait jugé à propos de nous apprendre ni son nom ni son état, puisqu'il peut à son gré donner ou refuser des régimens.
Cet oncle ne connaît que de nom et de réputation le protégé de sa nièce, et son caractère bizarre et jaloux a inspiré au bonhomme une prévention défavorable fortifiée par le souvenir de quelque démêlé de famille. M. de Saint-Albin ne tarde pas à justifier la mauvaise opinion qu'on a conçue de lui ; il a suivi Sophie et commence sa visite par lui faire une scène à propos d'un portrait qu'il voit entre ses mains et dont il veut connaître l'original. Sa folie va jusqu'à lui faire voir un rival dans l'oncle de Sophie, et une déclaration d'amour dans un billet insignifiant. Enfin, la sage résistance de l'oncle est vaincue par l'amoureuse opiniâtreté de la nièce. Le quinteux Saint-Albin apprend que son rival prétendu l'a fait nommer colonel, et qu'il est lui-même l'original du portrait qui a excité ses soupçons ; voilà le Mystère et la Jalousie.
Il n'y a pas dans cette pièce une seule idée neuve, pas la moindre entente dans la distribution des scènes, ni chaleur, ni facilité, ni correction dans le style, enfin pas la moindre lueur de talent. Je suis obligé d'être plus sévère que le parterre, qui a permis à la pièce toute blessée toute meurtrie, de se trainer jusque dans la coulisse ; elle devait mourir sur la place. Je copierais la moitié de cette prétendue comédie, si j'entreprenais de citer tous les vers ridicules.
Voici celui qui m'a paru le plus saillant : un jeune militaire, pour faire l'éloge de sa glorieuse profession, dit :
Quand on se fait tuer , on ne périt jamais.
L'auteur n'a pas même la ressource de rejeter sur les acteurs une partie de sa mésaventure. Mlle Délia a joué avec finesse et coquetterie le rôle de la jeune veuve, et Thénard celui du jaloux avec une chaleur qui a souvent paru ridicule ; mais, de bonne foi, ce n'était pas sa faute. Chazel n'a épargné ni peine ni sueur pour faire valoir le personnage de l'oncle ; je ne connais pas d'acteur qui se fatigue davantage ; ses membres et les muscles de sa physionomie sont dans une perpétuelle agitation ; il prend toutes les peines du monde, excepté celle de prononcer. Peut-être cette fois ne faut-il pas lui en faire un reproche.
A. M.
Journal des débats politiques et littéraires, 26 mars 1815, p. 1-2 :
[Voilà une pièce qui ne pouvait vraiment pas réussir : son sujet n’est pas un sujet de comédie, puisqu’il montre une passion et non un ridicule. La jalousie est du domaine exclusif de la tragédie, et les jaloux qu’on trouve dans les comédies (il y en a tout de même, en apparence) ne sont pas de vrais jaloux, juste des êtres soupçonneux et défiants. Autre défaut majeur : le choix d’une pièce en un acte : impossible de rassembler en aussi peu de temps tout ce qu’exige la peinture de la jalousie. Quant à l’intrigue, elle est plus qu’usée : « il n’y a pas là une seule situation que l'on ne retrouve répétée vingt fois sur tous les théâtres » ; et la façon de la traiter, ce que le critique désigne sous le terme imagé de « broderie », elle prête plutôt à rire. Le fait qu’on ait nommé l’auteur est ironiquement considéré comme le signe qu’il a « quelques ennemis dans la salle ». Et, pour couronner le tout, l’interprétation a été défectueuse, entre les acteurs qu’on entend mal et les actrices qui prononcent mal. Il y avait de quoi faire tomber les meilleures pièces... ]
THÉATRE DE L'IMPÉRATRICE.
Première représentation de Mystère et Jalousie, comédie en un acte et en vers, par M. Hppotyte.
A .quoi servent les leçons de l'expérience ? Vingt auteurs à la tête desquels paroît Molière, ont échoué dans le projet de faire de la jalousie le sujet d'une pièce comique, et voilà encore un jeune auteur qui débute, dit-on, dans la carrière, et qui, dès !e premier pas, se flatte d’exécuter ce qu'un si grand nombre de tentatives infructueuses auroit dû lui démontrer à peu près impossible.
La jalousie peut entrer comme accessoire dans une comédie, mais elle n’en sera jamais le principal ressort : c'est une passion violente et terrible ; ce n'est point un ridicule. On a voulu la séparer de l’amour ; mais alors ce n'est plus que l'irritation de la vanité et elle perd son véritable caractère : unie à un attachement vif et brûlant. elle porte à des excès, à des fureurs, à des crimes. Il n'y a pas là le moindre côté plaisant, ni le plus petit mot pour rire. Je ne parle pas de ces Géronte, de ces Cassandre, de ces Bartholo, qui sont soupçonneux et défians, et dont les honteuses alarmes ne sont pas plus de la jalousie que leur extravagante passion n'est de l’amour. Le raisonnement est donc ici d'accord avec l’expérience, pour prouver que jamais un amant jaloux ne sera justiciable de Thalie ; la. jalousie est du domaine de Melpomène : Mithridate, Néron. Hérode Rhadamiste, Orosmane, voilà les seuls jaloux qui doivent figurer sur le théâtre.
Aux difficultés radicales de son sujet, l’auteur a eu l’imprudence d’en ajouter une qu’il s’est volontairement imposée, celle de le resserrer dans un cadre beaucoup trop étroit. Comment, en effet, dans une comédie en un acte, motiver, amener, développer tous les mouvemens de la jalousie ? C'est une fièvre dont la marche est nécessairement progressive ; il faut lui donner le temps de naître ; une circonstance imprévue la fortifie ; un incident en apparence décisif la fait éclater ; un éclaicissement l’humilie, la confond et la corrige. Il est~peu vraisemblable que tant de choses, dans l'espace d'une demi-heure, se trouvent rapprochées et réunies par des moyens naturels ; et en admettant la supposition la plus favorable; il sera toujours évident que, dans des dimensions aussi exiguës, au lieu d’un tableau, on n'aura qu'une esquisse .où seront omis les traits les plus caractéristiques.
Quel est donc ce grand mystère qui excite la jalousie de Saint-Albin' ? Sophie, dont la main lui est promise, travaille en secret au portrait de son amant. Celui-ci, instruit des occupations habituelles de Sophie, soupçonne qu’il a un rival, et se liyre .à tous les emportemens de son humeur ombrageuse. Sophie a un oncle qu'elle chérit tendrement ; Saint-Albin surprend sa maitresse adressant à cet oncle de ces mots à double entente, qui sont aussi bien l'expression de la piété filiale que celle de l'amour ; enfin, pour l'achever il surprend un billet de cet oncle qui autorise l'union de sa nièce avec Saint-Albin, et ce billet, non moins ingénieusement équivoque que celui de Zaïre, lui paroît une déclaration. Sa fureur n'a plus de bornes ; on lui explique le billet ; on lui montre son propre portrait dans cette peinture qui l’avoit si vivement alarmé ; honteux de sa méprise, il se jette aux genoux de Sophie, obtient son pardon, obtient son pardon, celui de l’oncle, et promet d'abjurer à jamais la fatale passion qui l’a égaré.
Tel est le canevas de cette prétendue comédie : on voit que l’imagination de l’auteur ne s’est pas mise en dépense : il n’y a pas là une seule situation que l'on ne retrouve répétée vingt fois sur tous les théâtres. La broderie n'étoit pas capable de couvrir la stérilité du fonds : plusieurs vers ont excité cette espèce de rire qui n'entre point dans les espérances et dans les calculs d'un auteur comique. Les sifflets et les murmures se sont mis ensuite de la partie, et cependant on a nommé l’auteur. Il falloit qu’il eût quelques ennemis dans la salle.
J'avoue que si le public a été sévère, la manière dont la pièce a été jouée n'étoit pas propre à le rappeler à l’indulgence ; on eût dit, de la part des comédiens, un défi à qui se feroit le moins entendre. Chazet, qui a de la rondeur et du naturel, a pris depuis quelque temps l’habitude de ne jouer que pour le souffleur et pour lui. La voix de Pélicier est foible, celle de Thénard embarrassée. Mlle Délia et Mlle Delattre mangent presque toutes leurs finales. Cette impardonnable négligence eût fait tomber la Gageure imprévue [la Gageure imprévue est une comédie de Sedaine, 1768], ou Crispin rival de son Maître [pièce de Lesage, 1707].
Le Nain jaune, ou journal des arts, des sciences et de la littérature, cinquième année, n° 357, 25 mars 1815, p. 483 :
Théâtre de l'Impératrice. Mystère et Jalousie.
Le public a écouté jusqu'à la fin et avec une admirable patience cette insignifiante production. C'est une petite intrigue de roman, bien usée, bien embrouillée, bien sentimentale. La partie désintéressée du parterre a voulu faire justice de cette prétendue comédie en un acte et en vers ; mais de nombreux amis ont demandé l'auteur, et celui-ci, pour les satisfaire sans trop se compromettre, n'a livré aux sifflets que son prénom.
Nous avons retenu les deux vers suivans qui obtiendront, sans doute les honneurs du proverbe:
En se faisant tuer on ne périt jamais.
. . . . . . . . . . . .
Il est plus qu'un parent , il est au moins un père.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, année 1815, tome II (mars 1815), p. 192-193 :
Mystère et Jalousie, comédie en un acte, jouée le 23 Mars 1815.
Une jeune veuve, nommée Sophie, est devenue amoureuse, à Rouen, d'un officier de dragons. Elle est résolue à l'épouser ; mais, comme elle ne serait sans doute pas fâchée d'être la femme d'un colonel, elle vient à Paris solliciter un régiment pour son futur époux qui est le jaloux le plus maussade qu'on puisse imaginer. Sophie a un oncle auquel il faut supposer une grande influence au ministère de la guerre, puisqu'il peut à son gré donner ou refuser des régimens.
Cet oncle ne connoît que de nom et de réputation le protégé de sa nièce, et son caractère bizarre et jaloux a inspiré au bonhomme une prévention défavorable, fortifiée par le souvenir de quelque démêlé de famille. M. de Saint-Albin ne tarde pas à justifier la mauvaise opinion qu'on a conçue de lui ; il a suivi Sophie, et commence sa visite par lui faire une scène à propos d'un portrait qu'il voit entre ses mains, et dont il veut connoître l'original. Sa folie va jusqu'à lui faire voir un rival dans l'oncle de Sophie, et une déclaration d'amour dans un billet insignifiant. Enfin, la sage résistance de l'oncle est vaincue par l'amoureuse opiniâtreté de la nièce. Saint-Albin apprend que son rival prétendu l'a fait nommer colonel, et qu'il est lui-même l'original du portrait qui a excité ses soupçons ; voilà le Mystère et la Jalousie.
Il n'y a pas dans cette pièce une seule idée neuve, pas la moindre entente dans la distribution des scènes, point de correction dans le style, enfin pas la moindre lueur de talent. Cependant la pièce s'est traînée jusqu'à la fin.
L'auteur s'est fait nommer M. Hippolyte.
Mercure de France, volume soixante-troisième (1815), n° DCLXXVII (samedi 1er avril 1815), p. 299-300 :
Théâtre De L'impératrice. — Première représentation de Mystère et Jalousie, comédie en un acte et en vers de M. Hippolyte.
Sophie fait un portrait, et reçoit de son tuteur une lettre équivoque, comme on en trouve dans quelques pièces de Voltaire : tels sont les motifs de la jalousie de Saint-Albain, son amant ; mais ce portrait, qu'il croit être celui d'un rival, est le sien même, et une explication lui démontre aussi son erreur au sujet de la lettre ; l'amour lui fait obtenir son pardon.
Il y a peu d'intrigue et de comique dans cette pièce, dont le sujet n'est pas très-heureux. La peinture de la jalousie convient beaucoup mieux à Melpomène qu'à Thalie ; elle peut produire quelques scènes plaisantes, mais non une comédie entière. On connaît la tentative malheureuse de Molière dans Don Garcie on le Prince de Navarre ; le Jaloux , de Rochon de Chabannes ;-et le Jaloux sans amour, d'Imbert, n'ont dû leur frêle existence qu'an jeu des acteurs.
Quelques expressions triviales ont excité des murmures; on a distingué toutefois des vers assez bien tournés. La pièce a été écoutée avec froideur, et cependant avec indulgence : elle ne peut aller loin.
Ajouter un commentaire