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Le Nécessaire et le Superflu

Le Nécessaire et le Superflu, comédie-vaudeville en un acte, de Du Mersan et Dartois, 10 juillet 1813.

Théâtre du Vaudeville.

Titre :

Nécessaire et le superflu (le)

Genre

comédie-vaudeville

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, avec couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

10 juillet 1813

Théâtre :

Théâtre du Vaudevlle

Auteur(s) des paroles :

Dumersan et Dartois

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Mme. Masson, 1813 :

Le Nécessaire et le superflu, comédie-vaudeville en un acte ; Par MM. Dumersan et Dartois. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le 10 Juillet 1813.

Mercure de France, journal littéraire et politique, tome cinquante-sixième (1813), n° DCXXVI (Samedi 17 Juillet 1813), p. 126-128 :

[Le compte rendu s’ouvre par des considérations vite jugées trop sérieuse sur le nécessaire et le superflu. Il passe ensuite à un long résumé de la pièce, une longue série de demandes d’Arlequin que le calife qu’il a sauvé lui accorde en récompense, jusqu’à ce que le calife décide d emettre fin à sa générosité : son dernier vœu non réalisé « lui rappellera sans cesse l'état obscur dont les bontés de son maître l'ont tiré ». Cette morale, un peu austère pour le théâtre du Vaudeville, paraît très louable au critique : comment ne pas encourager qu’on montre au théâtre des « ouvrages qui se recommandent par une intention aussi morale ». Deux acteurs sont mis en valeur, en particulier Laporte, l’Arlequin régulier du Vaudeville.]

Théâtre du Vaudeville.—Première représentation du Nécessaire et du Superflu, vaudeville en un acte, de MM. Dumersan et Dartois.

Les hommes ne se sont jamais entendus sur la valeur de ces deux mots, le nécessaire et le superflu : ce qui serait le superflu pour l'un, n'est même pas le nécessaire pour l'autre : j'ai entendu dire à une courtisanne célèbre qu'elle ne pouvait pas vivre avec 500 fr, par jour, et je pensais en même tems que chacun des individus qui composent l'immense majorité de la société ne dépense pas par an plus que cette femme en vingt-quatre heures ; mais ces réflexions sont trop sérieuses, elles nous méneraient trop loin, hâtons-nous de revenir au vaudeville nouveau.

Arlequin est le plus pauvre habitant de Bagdad, il a cependant sauvé la vie au calife Araoun ; mais par un caprice qu'on ne peut expliquer d'après le caractère connu de ce souverain, ce service est resté long tems sans récompense. Cependant un soir le calife s'introduit dans la cabane qu'habite son malheureux libérateur : il est accompagné de son fidèle Giafar ; ils entendent les plaintes du pauvre Arlequin qui, dans son infortune, ne forme pas de vœux indiscrets, il ne demande que le nécessaire ; Arlequin ne possède même pas de quoi se procurer de la lumière. Profitant de l'obscurité, Araoun adresse la parole au malheureux, qui le prenant d'abord pour un voleur, lui atteste qu'il est tellement pauvre qu'il ne peut avoir l'honneur d'être volé par sa seigneurie. Tu te trompes, lui répond le calife, je suis ton bon génie, et me voilà prêt à exaucer tes souhaits ; que désires-tu ? Arlequin demande le nécessaire, une dragme par jour. Le prétendu génie lui remet une bourse pleine d'or. Arlequin, tout en remerciant le génie, lui fait observer que sa maison est prête à tomber de vétusté, et qu'il ne possède pas un seul meuble, et le génie complaisant lui promet de lui en donner une toute neuve et parfaitement meublée. Arlequin s'aperçoit enfin qu'en demandant le nécessaire, il a oublié l'indispensable. En effet, il n'a pas de femme, et le bon génie lui en promet une charmante : il sort pour effectuer sa promesse. Bientôt après, un certain Corsaire, voisin d'Arlequin, vient lui proposer d'acheter quelques esclaves ; ce Corsaire est Giafard lui-même, le visir d'Araoun. Arlequin choisit Azélie, la plus jolie des esclaves ; mais celle-ci peu contente d'appartenir à un homme qui ne possède que le nécessaire, se plaint de son triste sort. Arlequin qui ne peut supporter ses reproches, s'adresse à son bon génie, et lui prouve que le superflu lui devient nécessaire, et comme il est dans la nature de l'homme de n'être jamais content, et de désirer plus à mesure qu'il obtient davantage, plus le calife le comble de bien, et plus il en désire. Un palais, de vastes domaines ne lui suffisent plus, il veut encore acquérir une petite chaumière qui gâte la vue de ses jardins, et celui qui quelques heures auparavant ne possédait rien, ne peut souffrir cette légère contrariété. Alors le calife se fait connaître ; Arlequin gardera tout ce que le génie lui a donné ; mais pour sa punition, la chaumière qui ne sera pas abattue, lui rappellera sans cesse l'état obscur dont les bontés de son maître l'ont tiré.

La morale de cet ouvrage pourra paraître un peu sévère pour le théâtre de Vaudeville ; mais les jolis couplets dont il est semé le rendent tout-à-fait propre à la scène où il a été représenté. Je pense qu'on ne saurait trop encourager les ouvrages qui se recommandent par une intention aussi morale, et où les auteurs ont su, comme dans celui-ci, cacher la leçon sous des fleurs.

Il est inutile de dire que le rôle d'Arlequin , le plus important de l'ouvrage, est rendu avec talent ; il suffit de dire qu'il est joué par Laporte. Isambert est bien placé dans celui du calife.                    B.

Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, 18e année, 1813, tome IV, p. 193-194 :

[Après un résumé rapide, qui s’achève par la leçon donnée par le calife à un Arlequin trop gourmand, le critique suggère que la pièce est meilleure au début, pleine d’esprit dans sa « première moitié », moins drôle ensuite. Interprétation jugée favorablement, avec d’intéressantes nances entre les acteurs.]

Le Nécessaire et le Superflu.

Arlequin a sauvé la vie au sultan Aroun-al-Raschid, qu'il ne connoît pas. Le prince se glisse dans la chaumière du pauvre diable, et entend les vœux qu'il fait pour que le ciel lui accorde le simple nécessaire. Aroun réveille Arlequin qui se dorlotte à jeun sur sa natte, lui fait accroire qu'il est son bon génie, et lui demande en quoi il fait consister le nécessaire. Arlequin se borne d'abord à une dragme par jour ; bientôt il lui faut des meubles, puis une autre maison, une jolie esclave qui coûte quatre mille sequins , d'autres esclaves pour la servir, un palais, des eunuques..... Le trésor du Sultan ne pourrait plus suffire au nécessaire de M. Arlequin, Enfin, i1 veut faire abattre une chaumière, qui gâte, dit-il, le plus beau point de vue de son parc. Le Calife borne là sa générosité ; et, comme il faut que l'homme désire quelque chose , il annonce à Arlequin qu'il n'aura jamais cette cabane. Arlequin veut la payer le double de sa valeur. Alors le Calife lui demande sa femme Azélie pour la mettre dans son sérail, et lui offre aussi de la payer le double de sa valeur. Arlequin comprend cette leçon, et finit pourtant la pièce, en disant : « Je vois bien que je n'aurai jamais le nécessaire ! »

La première moitié de cette pièce pétille d'esprit et de gaieté. Arlequin devient moins aimable, dès qu'il devient riche, motif de consolation pour ceux qui ne le sont pas.
Laporte joue le rôle d'Arlequin avec le plus aimable talent. Mademoiselle Betzy est jolie ; Isambert a très-bien chanté le rôle du Calife.

La pièce a complètement réussi. Elle est de MM. Du Mersan et d'Artois.

L’Esprit des journaux français et étrangers, tome IX, septembre 1813, p. 294-296 :

[C’est le titre de la pièce qui déclenche la réflexion du critique sur deux notions bien difficiles à définir. Après avoir donné le sens de la pièce (« les désirs s'augmentent avec la possibilité de les satisfaire ». Il montre ensuite comment les auteurs l’ont habilement illustrée, dans une histoire orientale à laquelle ils mêlent Arlequin. Celui-ci a sauvé le calife et il en reçoit toutes les récompenses qu’il désire, jusqu’à ce que le calife déguisé en bon génie estime que la coupe est pleine. Issue d’un conte moderne, la pièce regorge d’un esprit rebattu, mais auquel les auteurs ont su donner un tour neuf. Partie faible, le dénouement, qui, habile dans le conte, ne fonctionne pas au théâtre. La pièce a rencontré le succès, surtout par des couplets « fort bien tournés ».]

Le Nécessaire et le Superflu.

Voltaire avait raison : le superflu est une chose très-nécessaire. On aura beau faire des phrases sur la modération et la médiocrité, rien n'est plus doux que le superflu, et bien des gens diront de la fortune ce qu'on a dit de l'amour : Trop n'est pas même assez. A-t-on le nécessaire quand on n'a pas un peu de superflu ? D'ailleurs, rien n'est plus vague que ces deux mots. Le nécessaire varie selon les rangs, les âges et même les goûts de chacun. Le superflu de l'un est à peine le nécessaire de l'autre, et le pouvoir de désirer est le seul qui ne soit pas limité en nous.

Les auteurs de la nouvelle pièce ont voulu montrer que les désirs s'augmentent avec la possibilité de les satisfaire. Cette vérité est fort connue ; mais la manière dont on l'a présentée est gaie et piquante. L'éternel calife Aroun-Al-Raschild, si fameux dans les Contes orientaux par ses aventures nocturnes, est attaqué par des brigands. Arlequin, dont les exploits font, en générai, très-peu de bruit, et qui, jusqu'à ce jour, n'avait point encore brillé à Bagdad, se trouve là tout exprès pour secourir le calife, et fait sans doute des merveilles avec sa batte. Il ignore quel est celui auquel il a sauvé la vie. Le calife, qui veut s'amuser en récompensant son libérateur, pénètre dans la modeste demeure d'Arlequin, au moment où celui-ci rentre tristement avec un grand appétit. Une escabelle et une natte, voilà tout son mobilier. N'ayant rien à manger, il n'a pas besoin de table. Mais il faudrait pouvoir dormir, et malheureusement la natte est si dure, que le pauvre Arlequin a toutes les peines du monde à trouver le sommeil. Les lazzis, la gentillesse et la souplesse de Laporte rendent cette scène fort plaisante ; les plaintes d'Arlequin sont comiques. Il s'endort enfin en appellent à son secours des rêves agréables, nourriture un peu creuse pour un estomac affamé. Le calife s'avance ; Arlequin s'vecille, et prie celui qu'il prend pour un voleur d'épargner sa vie. « Ne crains rien ;je ne veux que ton bien. Hélas ! je n'ai pas de bien ». Le quiproquo s’éclaircit ; Arouan dit à Arlequin qu'il est son bon génie, et qu'il est prêt à lui accorder ce qu'il demandera, Arlequin, transporté de joie, jure qu'il ne veut que le nécessaire. A manger d'abord, et puis des meubles, rien n'est plus nécessaire. Cependant il réfléchit que des meubles neufs feront, avec sa vieille masure, le contraste le plus désagréable ; il faut donc une autre maison. Le bon génie la donne sans trop se faire prier. Arlequin croit n'avoir plus rien à désirer. Mais qu'est-ce qu'un bonheur dont on jouit seul ? Une aimable compagne donnerait plus de prix à sa nouvelle fortune. Pourquoi n'a-t-il pas demandé une femme ? Précisément un de ses voisins, qui est corsaire de son métier, a plusieurs esclaves à vendre. Le voisin n'est autre que le grand-visir Giafar, qui s'est déguisé par l'ordre de son maître. Un corsaire ne se pique pas d'une grande délicatesse en parlant des femmes. Celui-ci propose à Arlequin de l'accommoder d'une femme de hasard qui ne sera pas très-chère. Mais Arlequin, déjà ambitieux, veut du neuf. On lui montre plusieurs portraits ; il choisit la plus jolie figure, sans s'embarrasser du prix. Le génie est si bon, qu'Arlequin le fait aisément convenir que quand on est amoureux, rien n'est plus nécessaire que de posséder l’objet de son amour. Tout va bien jusque là ; en entrant dans la maison d’Arlequin, la belle Azélie s'indigne d'appartenir à un misérable qui ne lui donnera ni bijoux, ni étoffes précieuses. Elle n'écoute point les protestations d'amour de son nouveau maître. Quoi qu'il en soit, étoffes, bijoux, esclaves, palais magnifiques, jardins délicieux, Arlequin demande et obtient tout du génie. Qui le croirait ? Au milieu, de tant, de richesses, l'ingrat désire encore ! Une humble cabane qui gâte un des points de vue de ses jardins, suffit pour le troubler dans son bonheur. Il veut forcer le propriétaire à la lui céder, et ose même en appeller à l'autorité du calife. Mais le moment était arrivé où l'insatiable Arlequin allait trouver des bornes à ses indiscrètes demandes ; le calife se fait connaître, déclare qu'il cessera désormais de rien accorder aux désirs d'Arlequin, et que la cabane subsistera.

Le sujet de la pièce est tiré d'un très-joli conte de M. Adrien Sarrazin. Ce conté fait partie d'un recueil intitulé le Caravensèrail.

A travers un grand nombre de plaisanteries rebattues, auxquelles les auteurs ont pourtant su donner un tour assez neuf, malgré quelques termes impropres, que le piquant et la vivacité du dialogue n'empêchent pas de remarquer, on trouve dans cette pièce beaucoup d'esprit, et même de bon esprit. La partie faible de l'ouvrage est le dénouement : très-bien amené dans un conte, il arrive trop brusquement dans une petite pièce en un acte.

La pièce a été vivement applaudie. On a su gré aux auteurs, MM. Dartois et Dumersan, de la profusion avec laquelle ils ont semé les couplets. Comme ces couplets sont fort bien tournés, le public, loin de trouver du superflu dans cette espèce de prodigalité, n'a pas cru même avoir le nécessaire, car il en a fait répéter plusieurs.

Mémorial dramatique, ou Almanach théâtral pour l’an 1814 (huitième année), p. 138-139 :

LE NÉCESSAIRE ET LE SUPERFLU, vaudeville en 1 acte, par MM. Dartois et Dumersan. (10 juillet.)

Cette bluette n'est autre chose que le conte du Caravenserail, publié il y a deux ans par M. Adrien Sarazin ; les auteurs n'ont pas gâté le conte, et c'est un mérite que n'ont point aujourd'hui tous ceux qui empruntent leurs sujets.

Arlequin a sauvé la vie au sultan Aroun-al-Raschid, qu'il ne connaît pas. Le prince se glisse dans la chaumière du pauvre diable, et entend les vœux qu'il fait pour que le ciel lui accorde le simple nécessaire. Aroun réveille Arlequin, qui se dorlotte à jeun sur sa natte, lui fait accroire qu'il est son bon génie, et lui demande en quoi il fait consister le nécessaire. Arlequin se borne d'abord à une dragme par jour ; bientôt il lui faut des meubles, puis une autre maison, une jolie esclave qui coûte quatre mille sequins, d'autres esclaves pour la servir, un palais, des eunuques... le diable enfin. Le trésor du sultan ne pourrait plus suffire au nécessaire de M. Arlequin. Aroun donne une leçon à son insatiable libérateur qui est moins sensible à tous les biens qu'il possède, qu'au chagrin de ne pouvoir faire abattre une cabane qui gêne un point de vue. Cette pièce a complètement réussi.

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