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Ninon chez Mme de Sévigné

Ninon chez Mme de Sévigné, comédie en un acte et en vers, mêlée de chants, paroles de Dupaty, musique de Henri-Montan Berton ; 27 septembre 1808.

Théâtre de l'Opéra-Comique.

Titre :

Ninon chez Mme de Sévigné

Genre

comédie mêlée de chants

Nombre d'actes :

1

Vers ou prose  ?

en vers

Musique :

oui

Date de création :

27 septembre 1808

Théâtre :

Théâtre de l’Opéra-Comique

Auteur(s) des paroles :

Dupaty

Compositeur(s) :

Henri-Montan Berton

Almanach des Muses 1809.

Mme de Sévigné a le dessein de marier son fils à une riche et jolie veuve de Bretagne ; mais le jeune marquis, amoureux de la belle Ninon, ne paraît pas disposé à seconder les vues que sa mere a sur lui. Ninon, instruite des dispositions de son amant, se présente chez Mme de Sévigné sous le nom de la veuve de Bretagne. Elle gagne tous les cœurs, convertit le marquis et le rend à ses devoirs. Mme de Sévigné, charmée de ce généreux procédé, se jette dans les bras de Ninon.

De l'esprit, de la grace et de la maniere ; tels sont les agréments et les défauts de cette petite comédie, qui, toutefois, a obtenu un succès assez éclatant, auquel la musique de M. Berton n'a pas peu contribué.

L'Esprit des journaux français et étrangers, 1808, tome X, octobre 1808 p. 266-270 :

[Encore une pièce sur une anecdote mettant en scène des gens plus ou moins illustres, et qui permet aux auteurs de construire des intrigues, généralement amoureuses. Ici, on met aux prises la marquise de Sévigné, son fils, qui est un garçon peu sérieux, et la belle Ninon de Lenclos. Tout le monde est censé connaître cette intrigue. La marquise veut marier son fils, et doit donc le libérer des liens sentimentaux qui l’unissent à Ninon. Ninon ne fait pas obstacle, mais c’est le jeune homme qu’il faut convaincre, et elle participe à cette opération d’une manière aussi romanesque qu’efficace, en se faisant passer pour celle qu’on veut faire épouser au jeune étourdi. La pièce a eu du succès, même si on peut en critiquer plus d’un aspect (et le critique prête à des gens délicats fictifs toute une série de griefs). C’est qu’elle est riche de « traits brillans », qu’elle est du « bon ton », d’un style élégant, bien versifié. Et cette « agrément de la versification » est présenté comme un mérite supérieur au « talent de nouer et de débrouiller une pénible intrigue ». La musique est jugée favorablement, et le critique insiste sur la qualité de l’interprétation des chanteuses. « Voilà donc bien des causes de succès pour cet ouvrage : un poëme spirituel, une musique agréable, les charmes de Mme. Belmont », sans oublier le charme qui est lié à tout ce qui touche « le siècle de Louis XIV ».]

Ninon chez Mme. de Sévigné, comédie en un acte et en vers, mêlée de chants, de M. Dupaty, musique de M. Berton.

L'intrigue de cette pièce est fort simple. Tout le monde sait que le jeune .marquis de Sévigné fut aimé de Ninon, et quitté par elle ; mais les détails de cette rupture ne sont pas connus. C'était une lacune à remplir dans les Mémoires historiques du grand siècle, et M. Dupaty s'en est acquitté avec beaucoup de succès. Il suppose que Mme. de Sévigné écrit à Ninon pour l'engager à lui rendre le fils qu'elle égare, et s'adresse à la Châtre pour faire parvenir la lettre à sa destination. Elle conjure l'ami de son fils de ne rien épargner pour le dégager des fers de Ninon; et la Châtre est assez généreux pour consentir à se mettre à la place.de l'esclave dont on veut obtenir la liberté. L'intention de Mme de Sévigné et de l'abbé de Coulanges son oncle, est de marier le jeune marquis à une riche veuve bretonne, et il n'y a pas de temps à perdre, car elle doit arriver incessamment à Paris.

Ninon est. instruite de tous ces projets, mais elle est loin de vouloir s'y opposer. La perte du marquis.de Sévigné ne peut l'affliger, car elle n'est ni constante, ni intéressée. Ce n'est donc que de la part de son amant que les obstacles pourraient naître; il est éperduement amoureux, reçoit fort mal ; les représentations de l'abbé de Coulanges, quoi«qu'accompagnées de la menace de le déshériter ; mais la généreuse Ninon se charge de rendre le marquis plus docile. Depuis long temps elle était curieuse de connaître Mme. de Sévigné, chez qui, comme on le pense bien, elle n'était pas reçue, et elle croit en avoir trouvé l'occasion. Elle se fait annoncer chez elle sous le nom de la veuve bretonne qu'on attend. Sa beauté, son esprit, l'élégance de ses manières, surprennent extrêmement l'oncle et la mère du marquis, et relèvent leurs espérances. Mme. de Sévigné imagine d'écrire à son fils et de lui faire remettre la lettre par la belle veuve ; elle passe avec l'abbé dans son cabinet, et Ninon reçoit bientôt dans le salon l'amant qu'elle veut congédier. On peut juger qu'il ne s'attendait nullement à une pareille rencontre ; mais son étonnement est bien plus grand encore, lorsque la morale de son oncle lui est de nouveau, prêchée par Ninon ; il se jette à ses pieds pour la fléchir, et il est surpris dans cette attitude par. l'abbé de Coulanges et Mme. de Sévigné. Comme Ninon passe toujours à leurs yeux pour la marquise d'Armentières, ils croient le jeune homme converti, et il en résulte un petit imbroglio, pendant lequel on prie la fausse veuve de chanter des couplets fort touchans sur l'amour maternel et sur les devoirs d'un bon fils envers sa mère. Le marquis ne comprend point ce que tout cela veut dire; mais enfin de questions en questions, Ninon est amenée à se faire connaître. En changéant de rôle vis-à-vis de l'oncle et de la mère, elle ne change point de langage avec le fils : Sévigné se rend ; l'heureux la Châtre obtient la place que sa soumission laisse vacante, et Ninon lui en assure même la possession par un billet.

Malgré le succès complet et mérité qu'a obtenu cet ouvrage, il pourra donner lieu à plus d'une obsevration. On dira peut-être, par exemple , que Ninon s'étant donné la peine de s'introduire sous un faux nom chez Mme. de Sévigné, on pourrait s'attendre à de plus grands résultats de cette démarche hardie, qui semblait devoir nouer l'intrigue un peu plus fortement. Les gens délicats sur la fidélité historique et sur les bienséances , pourront chicaner l'auteur sur cette démarche même, et malgré la légèreté bien connue de Ninon, ils penseront que ce n'était pas sous les yeux de Mme. de Sévigné qu'elle aurait signé à la Châtre le fameux billet. D'autres à la Châtre le fameux billet. D'autres s'étonneront que, dans une pièce où Mme. de Sévigné joue un si grand rôle, il ne soit pas question de Mme. de Grignan. Des gens plus difficiles encore, trouveront fort singulier que Ninon lise Platon et sur-tout Epicure, dont tous les ouvrages sont perdus. Mais les spectateurs, qui aiment mieux jouir que critiquer (et, Dieu merci, ils sont encore en assez grand nombre), trouveront comme nous , que le succès de cet ouvrage est plus que justifié par les traits brillans dont il étincelle, par le bon ton qui y régne généralement, par l'élégance du style et l'agrément de la versification, mérite qui devient tous les jours plus rare, et qui, aux yeux des gens de goût, l'emportera toujours sur le talent de nouer et de débrouiller une pénible intrigue. Les caractères, sans rien offrir de très-neuf, sont bien soutenus; le plus piquant est' celui de l'abbé de Coulanges : nous ne répondrions pas de sa .fidélité, mais il est d'une gaîté très-originale, et fourmille de traits aussi plaisans que spirituels.

Il nous reste à parler de la musique : elle est de M. Berton, et ce nom est déjà d'un favorable augure qu'elle n'a pas démenti. L'ouverture est pleine de traits agréables. Les couplets que chante Mme. Crétu sont bien dans sa voix et ont beaucoup d'expression, Nous aimons mieux cependant ceux de Julien, qui, nous ont paru avoir plus d'originalité. Mais il nous semble que le talent du compositeur s'est encore mieux développé dans les deux morceaux d'ensemble. Le premier s'ouvre par des couplets d'une facture très-piquante, que chante Moreau dans un petit rôle de valet. Au moment où il achève le dernier, Ninon paraît sous le nom de la veuve bretonne, et aux couplets succède une espèce de finale qui a été fort applaudi, mais qu'on appréciera mieux à une seconde représentation. Il en sera de même de l'autre morceau, au milieu duquel Mme. Belmont chante à son tour des couplets en s'accompagnant de la lyre, dans une attitude très-propre à faire ressortir ses avantages personnels. Voilà donc bien des causes de succès pour cet ouvrage : un poëme spirituel, une musique agréable, les charmes de Mme. Belmont, et joint à tout cela l'attrait de tous les sujets pris dans le siècle do Louis XIV ; c'est plus qu'il ne faut pour faire oublier la faiblesse de l'intrigue et les légers défauts que nous avons relevés.             G.

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