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L'Orphelin Polonais

L'Orphelin polonais, tragédie en cinq actes, en vers, de Lamontagne, 25 pluviôse an 9 [14 février 1801].

Théâtre du Marais.

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Hugelet, an 9 :

L'Orphelin polonois, tragédie en cinq actes, en vers ; Par le Cit.en Lamontagne. Dédiée Au Consul Cambacérès. Représentée pour la première fois, le 25 Pluviôse, an 9.

L'intérêt du pays passe avant tous les autres.

Act. IV, scène I.

Après la page de titre, la dédicace « au consul Cambacérès » :

O vous, à qui sur le parnasse
Des muses le temple est ouvert,
Qui savez aux leçons d'Horace
Allier celles de Colbert,
Recevez ce tribut, offert
A vous, et non à votre place.
Je ne recherche point l'éclat,
Le mérite a seul mon suffrage ;
Si vous n'étiez qu'homme d' état,
Vous n'auriez pas eu mon hommage.

Lamontagne,
Ex-Ordonnateur de Marine à St Domingue.

Puis une préface, p. v-xj, où l'auteur met en cause le refus que sa pièce a essuyé lorsqu'il l'a présentée aux Comédiens Français :

Préface.

Cette Pièce a été présentée aux Comédiens français, & refusée par eux. Ont-ils eu tort ou raison ? ce n’est pas à moi, c’est au Public à prononcer. Je me bornerai donc à mettre toutes les pièces du procès sous les yeux de ce juge, aussi éclairé qu’intègre.

La première est ma Tragédie ; c‘est le Corps du délit.

La seconde est la lettre que le citoyen Laplace m'adressa le 7 Fructidor, an 8, au nom de la Comédie Française, dont il est Secrétaire.

La troisième est la réponse que je fis le même jour à cette étrange lettre.

Je sais combien d’ennemis je vais déchaîner contre moi, en osant mettre, dans tout leur jour, l’ignorance & la partialité des fiers dictateurs de la scène Française. Je sais qu’une tourbe folliculaire qui les flatte & les encense, va prononcer l’anathème contre l'auteur sacrilège, qui ne fléchir pas un genou respectueux devant l’idole stupide qu'ils adorent ; mais je n’opposerai qu’un juste mépris à toutes les criailleries périodiques, & mon oreille ne sera point allarmée du vain bourdonnement de quelques vils insectes de la littérature, dont la piquûre n’est pas, à la vérité, fort dangereuse.

Je dirai donc, comme le barbier de la fable, & je le dirai à haute voix :

Midas, le roi Midas a des oreilles d‘âne.

Sans doute il y a de grands talens parmi les Comédiens français, & personne n‘est plus disposé.que moi à leur rendre justice. Mais par malheur, ils ne jugenr pas aussi bien qu‘ils jouent. On ne peut pas tout réunir. Il ne me seroit pas difficile de justifier mon opinion à cet égard, et le peu de succès, ou la chûte désastreuse des pièces qu’ils accueillent avec enthousiasme, me donneroit même dans cette discussion un avantage dont je rougirois de profiter. J’inviterai seulement les Comédiens français à solliciter, pour leur honneur, (je pourrais ajouter, pour leur profit) l’établissement d'un juri dramatique(1), & à se contenter de la gloire, peu commune, de répandre le prestige de leurs accents, sur toutes les productions adoptées par ce juri. Je pense que c’est l’unique moyen de faire briller encore parmi nous, quelques-uns de ces beaux jours qui ont si long-temps éclairé notre scène. C’est ma profession de foi, je ne la rétracterai jamais.

Je sais qu’on m'accusera de mauvaise humeur, & j’avoue franchement que j’en ai un peu ; le Public décidera si elle est injuste ou légitime ; en attendant, semblable au fameux visir de Bajazet, je me fais un plaisir de rendre aux sultans du théâtre Français les hommages qui leur sont dûs,

Mais je laisse au vulgaire adorer leurs caprices,
Et ne me pique point du scrupule insensé
De bénir mon trépas quand ils l’ont prononcé.

(1) Il est néanmoins quelques artistes distingués par de justes connoissances, et: même par des ouvrages estimés, que les gens de lettres verroient sans peine siéger parmi les membres de ce tribunal; et s’ils avaient droit de voter dans une élection de ce genre, j’ose croire, par exemple, que l’ingénieux Auteur de l'Amant bourru, serait appellé par la majorité des suffrages , à cette magistrature poétique.

[l'Amant bourru est une comédie en 3 actes et en vers libres, de Monvel, créée par les Comédiens Français en 1777.]

Lettre du citoyen LAPLACE, Secrétaire de la Comédie française.

7 fructidor, en 8.

Citoyen ,

Les Comédiens Français qui ont eu l’honneur d’assister ce matin à la lecture de votre ouvrage, me chargent de vous dire que, tout en admirant la facilité & la pureté de votre style, & plusieurs endroits d’une très-belle poésie, ils ne pensent pas que votre tragédie soit d’un assez grand intérêt pour supporter la représentation. Plusieurs bulletins l’ont considérée comme une suite de conversations mises en vers, plutôt que comme un ouvrage dramatique. Le sujet, d’ailleurs, serait propre à donner des réminiscences qui en feroient repousser la représentation par-le public & par le gouvernement. Il est des souvenirs qu’il ne faut pas rappeller, & sur lesquels le goût du spectateur est bien connu.

C’est avec regret , citoyen, que la comédie ne croit pas pouvoir accepter votre ouvrage, tout estimable qu’il est, mais tous pensent qu’il seroit très-malheureux qu’avec un talent aussi décidé, vous ne vous occupassiez pas d’un sujet plus digne de la scène française.

C’est le vœu que forment tous les artistes qui vous ont entendu, & qu’ils m’ont chargé d’avoir l’honneur de vous transmettre.

Salut, estime & considération,

Signé LAPLACE, secrétaire de la Comédie française.


 

Réponse.

7 fructidor, an 8.

Citoyen,

Permettez-moi quelques observations sur la lettre que vous m’avez adressée au nom des Comédiens Français. Ils ont refusé ma Pièce ; je n’ai rien à répondre à cela, & je laisse à d’autres le soin d'examiner s’il convient aux intérêts du Gouvernement, sous tous les rapports, de déléguer aux Comédiens français, cette espèce de magistrature dramatique. Il existe un tribunal d’appel, où tout Auteur qui se croit lésé a droit de recourir. Je me repose avec confiance sur ce tribunal suprême, du soin de casser ou de confirmer l’arrêt que les premiers juges viennent de rendre.

Je n’entrerai avec vous, citoyen, que dans la discussion de quelques-uns des motifs qui ont déterminé le rejet de ma pièce.

« C’est une suite de conversations mises en vers, &c.

Ce reproche est bien vague ; on pourroit l’adresser aux meilleures tragédies françaises. Ne l’a-t-on pas fait à celles de Racine ? C’étoit le refrein des Nevers, des Deshouliéres, &c., ces illustres admirateurs de Pradon. Mais la postérité a absous ce grand homme ; elle a remis dans ses mains le sceptre de l’art dramatique.

On ne voit, je l’avoue , dans ma pièce, ni bûchers, ni tombeaux, ni spectres ; je n’ai point offert la coupe ensanglantée de Fayel, aux regards du spectateur pâlissant. J’ai dédaigné tout ce vain charlatanisme, ressource misérable du mauvais goût & de la médiocrité. Mes personnages sont pris dans la nature ; ils parlent, ils agissent en hommes. C'est un défaut sans doute aux yeux des Comédiens français, mais je n’ai pas envie de m’en corriger. Passons au style.

« Il est facile & pur ; plusieurs endroits ont d’une très-belle poésie, &c.

Soyons de bonne-foi, peut-on en dire autant de la plupart des pièces que joue le Théâtre Français depuis quelques années ? j'avois cru jusqu’à ce jour, que le style étoit la partie la plus essentielle de l'art dramatique, & à ce titre, ma pièce avoit peut-être autant de droit à l’indulgence des artistes, que ce grand nombre de productions éphémères, qu’on joue quelquefois, mais qu’on ne lit jamais ; météores dramatiques, qui brillent un instant sur la scène, & vont s’éteindre dans le cabinet.

« Le sujet seroit propre à donner des réminiscence qui en feraient repousser la représentation par le Public & par le Gouvernement, &c.

Je vous avoue , citoyen , que j’ai relu deux fois cet article, pour voir si mes yeux ne me trompoient pas. Je croyais que les Comédiens français n'examinoient une pièce de théâtre, que sous le rapport de l’art ; qu’étrangers à tout le reste, il ne leur appartenait pas de se constituer les organes & les interprètes de l’opinion publique, & qu’ils laissoient au Gouvernement le soin de prononcer sur tout ce qui intéresse l’ordre social.

Au reste, il ne seroit pas difficile de démontrer combien leur, objection même à cet égard est frivole. En effet sur 1800 vers, à-peu-près, dont ma Tragédie est composée, il y en a tout au plus 30 qui rappellent quelques évènements de notre révolution, & qu’on peut retrancher sans nuire, ni à l’intérêt, ni à l’ensemble de l’ouvrage.

Vous terminez votre lettre, citoyen, en me transmettant les vœux sincères que font les Comédiens français, pour qu’un talent aussi décidé que le mien, (ce sont vos termes) s’occupe d’un sujet plus digne de la scène Française.

Plus digne, grand dieu ! & quel sujet plus digne du premier théâtre de l’Europe, qu’un peuple guerrier luttant contre la tyrannie ? qu’un vieillard généreux qui eût rappellé au Public, les exploits & les vertus d’un général, dont le nom est révéré parmi nous, de Kosciusko ? que ces braves Polonais enfin qui, s’ils ne combattent plus pour la patrie, combattent du moins pour la liberté, & qui, tout récemment encore ont sous les yeux du GRAND CONSUL, arrosé de leur sang les lauriers de Marengo ? & c’est un spectacle aussi noble qu’on ose juger indigne des regards du Peuple français?. . .

Soyons de bonne foi, citoyen, ma pièce a un grand défaut, celui d’être républicaine. Quel intérêt peuvent inspirer des hommes qui combattent pour leur pays ? ah! si j’avois mis sur la scène un chevalier français près de monter sur l’échafaud, & n’exprimant d’autre regret que celui d’avoir mérité son supplice, en tirant l’épée contre son maître ! mon ouvrage eût présenté alors un assez grand intérêt, ou n’eût pas même exigé qu’il fut bien écrit.

Recevez, citoyen, l’assurance de mon estime ; & transmettez, je vous prie, aux Comédiens français, mes remerciement pour toutes les choses honnêtes, que vous m’avez adressées de leur part ; mais ne leur cachez pas combien j’ai été surpris, qu’ils n’ayent pas jugé propos d’encourager un auteur, à qui ils veulent bien accorder quelque talent. Quand on est si indulgent pour les uns, a-t-on bien le droit d'être si sévère envers les autres ?

Je me flatte peut-être, mais j'ose attendre du Public, & du Gouvernement lui-même, quoi qu'on ose en dire, la justice que les Comédiens français m'ont refusée.

Salut, &c.

L'Almanach des Muses pour l'an X, p. 282, signale la publication de la pièce, sous la mention « tragédie imprimée » (faut-il comprendre qu'elle n'a pas été représentée ?) :

L'Orphelin Polonais, tragédie en cinq actes en vers, par le citoyen Lamontagne, dédiée au consul Cambacérès, représentée pour la première fois le 25 pluviôse an 9, avec cette épigraphe :

L'intérêt du pays passe avant tous les autres.

Act. IV, sène 1.

Paris, Hugelet, imprimeur, rue des Fossés Saint-Jacques, n° 4, près l'Estrapade, an 9; brochure in-8° de 69 pages.

La Bibliothèque française, deuxième année, n ° 4 [thermidor an 9 – août 1801], p. 206 rend compte de la publication de la brochure :

L'Orphelin polonais, tragédie en cinq actes, en vers, par le citoyen Lamontagne ; représentée pour la première fois le 25 pluviôse an 9, avec cette épigraphe :

L'intérêt du pays passe avant tous les autres.

Act. IV, scène I.

Paris, Hugelet, imprimeur, rue des Fossés Saint-Jacques, n° 4, près l'Estrapade. Br. 8° de 69 p. Prix, 1 fr. 20 c., et franc de port 1 fr. 80 c.

______________________

L'auteur de cette tragédie, frère de Pierre Lamontagne, littérateur excellent, est déjà avantageusement connu par plusieurs ouvrages et un assez grand nombre de pièces fugitives, que les gens de goût ont accueilli avec plaisir. Cette pièce n'est point dénuée d'intérêt ; la versification en est facile et même souvent assez noble.

Le cit. Lamontagne a placé la scène dans le château de Fritzierne, seigneur Polonais, chef du parti républicain. Les principaux personnages sont Zeliska, sa fille ; Valmor, jeune orphelin recueilli par Fritzierne, et le comte de Pulauski, seigneur Polonais au service de la Russie

Le sujet de cette tragédie est tiré de l'histoire de la dernière révolution de Pologne.

[Le 25 pluviôse an 9 correspond au 14 février 1801.]

Le survol des premières pages des numéros du Courrier des spectacles de février 1801 ne m’a pas permis de trouver trace de cette première représentation.

Année théâtrale. Almanach pour l'an X (=1801), p. 108-109 :

[Dans la rubrique consacrée au théâtre du Marais, à propos de l'acteur Dolainville, « dont la tenue, le jeu ; le débit et l'expression feraient honneur à plus d'un confident du théâtre français : peut-être, sans sa petite stature, aurait-il droit de prétendre à un rang plus élevé ». Pas de date donnée pour cette ou ces représentations, mais la pièce a été représentée :]

Nous l'avons vu jouer avec beaucoup de force et de vérité dans l'Orphelin Polonais, tragédie du citoyen Lamontagne, ouvrage régulier, bien écrit, intéressant même, et qui n'a de défaut essentiel que d'être une imitation continuelle des plus belles scènes de nos meilleures tragédies. Mademoiselle Courcelle secondait très-bien, malgré la faiblesse de ses moyens, l'acteur que nous venons de citer. Les autres personnages étaient à de grandes distances pour le talent ; mais l'habitude qu'ils ont du théâtre, les empêchait de nuire à l'ensemble.

La pièce a reparu en 1813 sous le titre les Polonais, à Paris, chez Mlle Lecouvreur :

Les Polonais, tragédie en cinq actes et en vers, Par J. Lamontagne, Ancien Commissaire et Inspecteur de Marine, attaché à la 3e Division du Ministère ; Représentée, à Paris, sur le Théâtre du Marais, en février 1801. Seconde édition, revue et corrigée.

 

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