L'Ours blanc, ou Arlequin fine-oreille, mélodrame-féerie-vaudeville, en trois actes, à grand spectacle, orné de jeux et de changemens à vue, de costumes et de décors, etc. etc., de P.-J. Charrin fils, musique de Lempereur et Belin, élève du Conservatoire impérial, 20 septembre 1806.
Théâtre des Nouveaux-Troubadours.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Maldan, 1806
L'Ours blanc, ou Arlequin fine-oreille, mélodrame-féerie-vaudeville, en trois actes, à grand spectacle, Orné de Jeux et de changemens à vue ; de costumes et de décors, etc. etc. Par P.-J. Charrin, fils ; Musique de MM. Lempereur et Belin, élève du Conservatoire impérial ; Représenté, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre des Nouveaux-Troubadours le 20 septembre 1806.
Courrier des spectacles, n° 3513 du 22 septembre 1806, p. 2-3 :
[Le critique n'apprécie pas trop le théâtre de boulevard et la vogue présente des pièces mettant en scène des animaux, transformant les théâtres en vaste jardin des Plantes (où il suggère qu'entre autres animaux, on pourrait bien rencontrer les auteurs...). « Des bêtes érigées en véritables docteurs », des acteurs devenus des animaux presque complets (on voit juste une main humaine, ou une chaussure qui empêche que la métamorphose soit complète – ce qui paraît pourtant souhaitable au critique : l'illusion doit être complète, au théâtre). Dans la pièce du jour, c'est l'ours qui tient le rôle titre, mais il semble maltraité, réduit à jouer une pantomime ennuyeuse et peu variée qui a endormi le public qui n'a même pas eu l'énergie de siffler. Le sujet de la pièce, résumé ensuite, c'est une histoire bien convenue d'amour entre un jeune homme à qui le roi propose sa fille en mariage, et qui la refuse parce qu'il aime « une jeune paysanne ». Bien sûr, le roi se fâche, l'exile, et il part avec sa bien aimée, muni d'un talisman : la pièce est une féerie, et c'est aussi une arlequinade, puisque le serviteur du jeune amoureux, c'est Arlequin Fine-Oreille. Pour faire un peu mélodrame, l'auteur fait passer tout le monde par la prison, mais avec un talisman, facile de s'en libérer, tout comme le héros n'a pas de peine à échapper aux diables qui l'attaquent. Sa fiancée est menacée par un ours, il l'endort, puis le tue. Il peut monter sur le trône dont il était l'héritier légitime. La pièce est vite jugée : elle « ne brille ni du côté du style, ni du côté des situations », rarement neuves, « mal amenées et sans intérêt ». Ce qui sauve la pièce, c'est qu'elle comporte « un peu de spectacle ». L'auteur est nommé, avec rappel d'une autre de ses pièces animalières, le Lion parlant.]
Théâtre des Nouveaux Troubadours.
L'Ours blanc.
Si l’on n’y prend garde, une partie de nos théâtres sera bientôt transformée en ménagerie. Tantôt c'est un singe qu’un auteur choisit pour son héros ; tantôt un lion qui parle comme un Cicéron ; aujourd’hui c’est un animal des régions septentrionales, un ours blanc. Si les auteurs de ces belles productions continuent leurs brillans travaux, il ne sera plus nécessaire de se transporter au Jardin des Plantes ; on trouvera sur nos théâtres des Boulevards un assortiment complet, auquel on pourra joindre, en cas de besoin, les auteurs. On aura même un avantage qu’on ne trouveroit nulle part, ce sera d’y voir des bêtes érigées en véritables docteurs ; des animaux jouant la pantomime, débitant de belles phrases, composant enfin des mélodrames, car les auteurs de ces sublimes ouvrages n’ont rien négligé pour se mettre à la hauteur de leur sujet. Quant aux acteurs, on pourroit leur reprocher de n’avoir point encore subi une métamorphose complette. L’un sous la peau d’un singe déguise mal sa jolie main blanche. L'autre ne porte pas sa tête avec assez de dignité, et sa perruque mal peignée représente mal la noble crinière du roi des animaux ; celui-ci s'enveloppant de la dépouille de l’ours, a oublié que nos seigneurs les ours n’ont point de cordonnier pour les chausser en escarpins. Au reste, l'Ours blanc pouvoit être traité avec beaucoup plus de générosité. L’auteur, au lieu d’en faire un savant, en état de donner des leçons de philosophie, s’est contenté de l'asservir à quelques effets de pantomime, à des gestes muets et indignes d’un héros de Théâtre. C’est entraver le génie, et ne pas connoitre les hautes libertés de la poésie mélodramatique. On a cru s’appercevoir que le héros du poëme, mal satisfait apparemment de son rôle. s'est mis à bâiller. Cette inconvenance a gagné l’auditoire, et la contagion est devenue si universelle que personne n’a pu siffler. Voici le sujet de la pièce.
Idamor, jeune guerrier, est appelé à la cour d Hispahan, après avoir remporté des victoire» éclatantes sur les ennemis de la Perse ; le Roi lui propose sa sœur Zulmena en mariage, mais Idamor a vu une jeune paysanne nommée Argentine, fille d’un vieillard dont le nom est Osbar, et il en est devenu amoureux au point de refuser la main de la princesse. Irrité de ce refus, le Roi lui ordonne de quitter ses états. Idamor, suivi de son fidèle serviteur, Arlequin Fine-Oreille, va trouver Argentine et son père, et veut les emmener au moyen d’un talisman que la fée Gentille lui a donné ; mais il est surpris par des gardes qu’a envoyés à sa poursuite la vieille fée de la Grotte Enchautée, ennemie déclarée de Gentille. On le jette dans un cachot. Osbas est dans un souterrain près de là. Bientôt ils se retrouvent et sont soutenus par une voix qui les encourage à prendre patience. Cependant Arlequin, muni de son talisman, est parvenu à rendre la liberté à Argentine, et il l’emmène dans un désert où elle retrouve la cabane qui servit d’asile à ton enfance. Fine-Oreille reprend son talisman et quitte Argentine pour aller délivrer son maître de la prison. Le Geôlier tombe imprudemment entre leurs mains. A l’aide de ses clefs, Idamor trouve le moyen de s’échapper avec Osbar et Arlequin. Il arrive dans le désert où ce dernier a laissé Argentine; mais elle a disparu par la force des enchantemens de la vieille fée, et elle gémit enchaînée à un rocher près duquel veille éternellement un ours blanc, et les Diables qui sont aux ordres de la méchante femme.
Idamor veut employer la force pour vaincre ces monstres, mais il tombe désarmé, et on l’attache au rocher voisin de son amante. Mais Gentille n’abandonne pas son protégé. Une lyre enchantée, qui s’offre à ses yeux, rend des sons dont la puissance endort l’ours et ses compagnons. Les chaînes des prisonniers tombent d’elles-mêmes, l’ours est tue, et Idamor monte sur le trône d’Hispahan, où sa naissance et le livre des destins l’appellent.
Cet Ours blanc ne brille ni du côté du style, ni du côté des situations ; elles .sont pour la plûpart peu neuves ; mal amenées et sans intérêt. Cependant il y a un peu de spectacle, et c’est ce qui a sauvé la pièce.
L'auteur est M. Charin fils, un des auteurs du Lion parlant.
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