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La Queue du Diable

La Queue du Diable, grand mélodrame-féerie-comique, en trois actes, à grand spectacle, de Ribié et Martainville, musique de Lanusse, ballets de Hullin, 23 avril 1807.

Théâtre de la Gaieté.

Almanach des Muses 1808.

Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Hénée et Dumas, Martinet, Barba, avril 1807 :

La Queue du Diable, mélodrame féerie-comique, en trois actes, à grand spectacle ; Par Mrs Ribié et Martainville, Musique de Mr Lanusse, Ballets de Mr Hullin ; Decors de Mr Allaux fils ; Représenté pour la première fois à Paris, sur le Théâtre de la Gaîté, le 23 Avril 1807.

Le collaborateur de Martainville, Ribié, était le directeur de la Gaîté, dont il avait pris la directeur à la suite de Nicolet.

Journal de l’Empire, 22 avril 1807, p. 4 :

[De façon assez inhabituelle, le Journal de l’Empire consacre un article à une pièce qui sera créée le lendemain, et un article qui ressemble beaucoup aux publi-reportage de nos journaux modernes. Tout le propos de l’auteur de l’article est de dire que la pièce à venir sera encore supérieure à tous égards au fameux Pied de mouton qui vient de triompher au Théâtre de la Gaîté : encore plus de métamorphoses, d’enchantements, de merveilles !]

Théâtre de la Gaieté.

Le Pied de mouton, après un si brillant succès, bat maintenant en retraire : Ribié s’apprête à lui donner quelque repos ; il va remplacer ce talisman par un autre qui peut-être n’aura pas moins de vertu. On donnera incessamment à ce théâtre une seconde féerie, intitulée la Queue du Diable, c’est-à-dire que la queue du Diable y fera l’office du pied de mouton : les métamorphoses, les enchantemens et les merveilles y seront en bien plus grand nombre encore que dans le Pied de Mouton, et cela est naturel : la queue d’un Diable doit être plus puissante, plus féconde en prodiges que le pied d’un mouton. On doute cependant que l’ouvrage soit possible, attendu qu’un entrepreneur qui vient de donner le Pied de Mouton, ne peut tirer le Diable par la queue.

Journal de l’Empire, 26 avril 1807, p. 3-4 :

[Ce n’est pas de la première représentation que parle ce compte rendu, mais de la deuxième : la première a été houleuse, parce qu’il y avait des envieux dans la salle qui ne souhaitaient que l’échec de la pièce.. Comme le Pied de mouton, la Queue du diable a été en butte à des « malveillans », et a obtenu un franc succès : cette nouveauté « est encore plus brillante et plus merveilleuse par la beauté des machines , des décorations, des costumes ». Bien sûr, le fond est le même que celui du Pied de mouton, ce que confirme le résumé qu’en donne le critique, sans pourtant entrer dans le détail des « prodiges opérés par la queue du Diable », tâche impossible. Il suffit de savoir qu’ils sont aussi admirables, et d’une qualité supérieure. Un seul détail est livré, le succès d’une chanson répétée trois fois, chantée par « le même qui chante la romance du Pied de Mouton ». Et le Pied de Mouton est une enseigne qui attire la foule. Dernier point fort : la qualité des ballets, par le père de la fameuse petite Hullin, « qui a tant de vogue à l’Opéra » (on aime les enfants prodiges dans les spectacles).

Théâtre de la Gaieté.

Seconde représentation de la Queue du Diable.

La première représentation n'a pas été paisible: Ribié est devenu un objet d'envie ; il y avoit dans la salle beaucoup de spectateurs qui auroient desiré que le diable emportât sa queue ; mais la seconde a fait taire les malveillans, et obtenu le plus grand succès. Le Pied de Mouton avoit eu la même aventure. La Queue du Diable est encore plus brillante et plus merveilleuse par la beauté des machines , des décorations, des costumes. Tout le monde se récrioit sur ces enchante mens et cette magnificence. Le fond est absolument le même que celui du Pied de Mouton : c'est une pupille nommée Rosine ; son tuteur est chimiste, et il veut la marier à son neveu, qui s'appelle Droguinez. Ce neveu n'est autre que le célèbre Nigaudinos du Pied de Mouton. Fernando, amant de Rosine, se trouvant seul dans le laboratoire du chimiste, entend la voix d'un Diable renfermé dans une bouteille : il casse cette bouteille ; et le Diable, pour prix de la liberté qu'il vient de lui donner, lui promet sa protection. Droguinez survient, le Diable se précipite dans un alambic ; Droguinez, pour l'en retirer, le tire par la queue, qui lui reste dans la main: l'imbécille se hâte de la jeter par terre ; et Fernando, par le conseil du Diable, ramasse cette queue comme un talisman qui doit le délivrer de tous les dangers et le conduire au bonheur. Cette scène est empruntée du Diable Boiteux.

Le reste de la pièce est rempli des prodiges opérés par la queue du Diable ; prodiges non moins admirables que ceux du pied de mouton, et même supérieurs par la pompe de l'exécution. Je n'ai garde de m'engager dans ce labyrinthe de merveilles dont je ne pourrois pas sortir : si c'est un précepte de l'Art Poétique de mettre en récit ce qu'on ne doit pas voir, il est également défendu d'entreprendre de raconter ce qui est fait pour être vu. Je dirai seulement qu'au milieu de tant de miracles, une simple fête de meûniers, une simple chanson sur la meûnière a fait une si vive sensation, qu'on l'a fait répéter jusqu'à trois fois. Il est vrai que celui qui chante cette chanson, est le même qui chante la romance du Pied de Mouton. Il y a aussi dans la pièce une auberge qui a pour enseigne le Pied de Mouton ; et on observe que cette enseigne a fort achalandé l'auberge.

Ce mélodrame est orné de danses fort agréables, de la composition de M. Hullin, père de la petite Hullin qui a tant de vogue à l'Opéra.

Paul Ginesty, La Féerie, collection XIX, 4 juillet 2016 [Paris, 1910] :

En 1806, c'était une période de fortune. Le Pied de mouton eut un succès légendaire. Quelles conventions avait faites Martainville avec Ribié ? En ce temps là, un succès n'enrichissait pas un auteur car ses « droits » ne dépassaient guère neuf francs par acte et par soirée.

Martainville voulut porusuivre la veine du Pied de mouton avec une autre féerie, la Queue du Diable (Gaîté, 25 avril 1807). Mais refait-on un « chef-d’œuvre » ? Don Lopez et Nigaudinos sont ici remplacés par le Docteur et son neveu Groguinès, l'un tuteur, l'autre soupirant de Rosine, qui ne veut pour époux que le bel officier Fernando. Au lieu d'un pied de mouton, le talisman de Fernando est la queue du diable, lequel diable était enfermé dans une bouteille, par la puissance d'un magicien, et qu'il a délivré. Ce que voyant, Droguinès délivre aussi d'autre génies prisonniers dans des bouteilles, mais ce sont génies inférieurs, qui sont mauvais serviteurs, et qui se moquent même parfois de leur maître. les amateurs du genre peuvent apprécier quelques inventions heureuses, comme la scène où le Docteur et Droguinès, poursuivant les amoureux dans une hôtellerie et sur le point de les atteindre, sont soudain, par un prodige du Diable, protecteur de Rosine et de Fernando, substitués aux poulets qui étaient à la broche, et tournent lentement devant le feu. Mais ce n'est plus l'« inspiration » du Pied de mouton.

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