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Quatorze ans de souffrance, ou le Solitaire des Pyrénées

Quatorze ans de souffrance, ou le Solitaire des Pyrénées, opéra-mélodrame en trois actes, de Maxime de Redon et Defrénoy, 24 décembre 1806.

Théâtre des Jeunes Artistes.

Autres représentations les 25, 26, 27, 28, 29 décembre 1806, les 1er, 3, 4, 5, 6, 8, 11, 12, 15, 18,19, 25 janvier, les 1er, 15 février, 25 mars, 17, 18 mai, 28 juin, 12 juillet, 3 août 1807 (volumes 16, 17 et 18 volumes du Journal de Paris, de la fin de 1806 à fin 1807 – relevés qui ne sont pas exhaustifs.).

Courrier des spectacles, n° 3606 du 26 décembre 1806, p. 2-4 :

[Avant de rendre compte de la pièce, le critique a besoin de revenir assez longuement sur des questions de classification : à quel genre appartient la pièce nouvelle ? Alors qu'elle a été donné pour un « opéra-mélodrame », il préfère y voir un « mélodrame-vaudeville », puisque tous les airs qu'on y chante sont des emprunts, à des vaudevilles ou des opéras-comiques : pas de musique originale (cela n'empêchera pas qu'on signale un compositeur comme auteur de la musique). Cette façon d'écrire des mélodrames avec des couplets devient une mode à laquelle, pour l'instant, seuls deux théâtres des boulevards ont cédé, à l'imitation de « nos grands théâtres » qui jouent opéras-comiques et vaudevilles (et non plus seulement tragédies et comédies) en intercalant des airs et des couplets. Mais loin de signifier la mort de la tragédie, comme on le croit souvent, c'est l'opéra qui est mis en danger (on y conteste si souvent l'usage du récitatif) : il suffirait « d'écrire des mélodrames en vers, pour avoir le droit de le consacrer à la muse lyrique ».Après ces hautes considérations, le critique entreprend de résumer l'intrigue extrêmement compliquée, et extrêmement de la pièce du jour : on y retrouve tous les poncifs du mélodrame  mariage secret, personnage cru mort, et qu'on finit par voir reparaître, enfant confié à « un bon paysan », hermite (personnage dont le critique souligne qu'il est « d'une grande ressource dans les mélodrames ») dont on sait bien qu'il est un « personnage d'importance ». Ce bon hermite s'oppose aux intentions de l'habituel traître de mélodrame, emprisonnement et évasion de l'enfant élevé par le paysan. Le dénouement consiste à uen banale reconnaissance de l'identité de l'hermite, qui est le père de l'enfant, disparu depuis si longtemps. Il retrouve bien sûr son épouse et son titre de comte de Valence. Le critique n'a que des compliments à faire à la pièce : mouvement, fracas, combats, costumes décors, tout est de qualité. Et l'acteur qui joue l'enfant est mis en avant. Les auteurs sont cités, paroles, musique et ballets, dans lesquels une jeune danseuse s'est illustrée. La pièce principale était précédée d'un « petit vaudeville », le Foyer, qui représente « une espèce d'assemblée de comédiens qui se préparent à répéter la grande pièce » et dont la fonction est de se concilier les bonnes grâces du public. L'auteur est nommé (c'est un acteur de l'Ambigu-Comique), de même qu'une jeune interprète, pour la belle façon dont « elle joue, chante et danse ».]

Théâtre des Jeunes Artistes.

Quatorze ans de souffrance.

On a décoré ce mélodrame du titre d'opéra-mélodrame ; mais pour le réduire à sa juste valeur, on peut l'appeler mélodrame-vaudeville ; car tous les airs qu’on y chante sont empruntés ou du vaudeville, ou de l’opéra-comique. Cet usage d'écrire un mélodrame en couplets commence à acquérir une certaine vogue. La mode n’en est point encore arrivée chez les quatre théâtres principaux des Boulevards ; on ne connoît jusqu’à ce jour que celui des Jeunes Artistes et des Nouveaux Troubadours qui l’aient adoptée. En cela, ils ne font qu’imiter nos grands théâtres qui, depuis quelques années, nous donnent des drames et des mélodrames qu’on a soin d’appeler des opéra-comiques et des vaudevilles, parce qu’on a soin d’y intercaler des airs et des couplets. On a dit, il y a quelque tems, que le mélodrame tueroit la tragédie en y réfléchissant davantage, on auroit vu que ce n’est pas la tragédie qu’il tuera, mais l’opéra. Combien de fois n’a-t-on pas proposé de supprimer le récitatif dans les grands opéra ? Supposez qu’on en vienne à cette reforme ; voilà ce genre de composition bien voisin du mélodrame ; il ne s agira plus que d’écrire le mélodrame envers pour avoir le droit de le consacrer à la muse lyrique.

Les Quatorze ans de souffrance avoient attiré beaucoup de monde. Le succès en a été très-satisfaisant. Il y a de l’intérêt comme dans la plupart des mélodrames : on y remarque des couplets assez bienfaits, et dont les airs sont choisis avec goût.

Albertina, héritière de Valence, a épousé secrètement le comte Raymond qui a été ensuite forcé de s’expatrier, et que l’on croit mort loin de son pays. Elle a donné naissance à un fils que le comte Orphanor a enlevé au moment de sa naissance, et qu’il a déposé à la porte d’un bon paysan nommé Urbain. Ce Comte est un ambitieux qui n'aspire qu’au moment de s’emparer du comté de Valence, et qui cherche à se venger du refus que la Comtesse lui a fait de s’unir à lui. L’enfant a été élevé sous le nom de Renaud. Orphanor après s’être assuré que c’est la victime qu’il doit immoler à son ressentiment, donne ordre à deux de ses écuyers de l’enlever. Mais, dans le voisinage, demeure un de ces êtres mystérieux qui sont d’une grande ressource dans les mélodrames ; on les affuble de la robe et du capuchon d’hermite ; leur apparition produit toujours un grand effet ; ils parient peu, et ce qu’ils disent présente presque toujours un sens double, qui fait deviner qu’ils sont des personnages d’importance.

L'hhermitc paroît donc au moment où on veut enlever Renaud, il fond sur les ravisseurs et leur arrache leur proie. Orphauor revient à la charge, mais cette fois il veut employer la douceur et la persuasion ; il fait appeller le jeune Renaud, et dans un entretien qu’il a avec lui, il lui annonce que la Comtesse de Valence qui vient de passer près de là, et qui lui a témoigné de l’intérêt, est la cause de tous les malheurs de son père, mais Renaud refuse de le croire. Albertina suivie de sa cour, re vient au même lieu, et retrouvant cet enfant qui lui plaît, elle l’invite à venir à la cour. Orphanor que ce projet ne satisfait pas, hâte l’exécution de son dessein. Il accompagne la Comtesse jusqu’à quelque distance de Valence et revient ensuite avec des gardes. Il cerne la maison d’Urbain. L’Hermite, qui est redevenu le Comte Raymond, et le bon Paysan, suivis des habitans du hameau, se défendent contre Orphauor qui finit cependant par triompher. Mais la victoire lui coûte cher. Il y perd son confident Fritz que les paysans ont fait prisonnier. Cet échec est bien réparé par la prise de Raymond et de Renaud, qu’il fait enfermer dans deux tours. Impatient de se délivrer de ces deux obstacles à son ambition, il envoie des gardes pour les faire périr, mais tous deux ont trouvé moyen d’échapper en enlevant les barreaux de leur prison. Orphanor commande à ses gardes de les poursuivre ; Albertina s’oppose à cet ordre. Renaud se précipite à ses pieds et implore la grâce de son père, dont il remet le portrait à la princesse ; elle reconnoît les traits de Raymond. Il paroît bientôt lui-même, et il est proclamé époux d’Albertina et comte de Valence.

Il y a dans cette pièce du mouvement, du fracas, des combats bien exécutés, les costumes et les décors en sont assez soignés, plusieurs scènes offrent de l’intérêt ; le rôle de Renaud est joué par le jeune Prudent, avec une intelligence rare, A tous ces titres, l’ouvrage doit avoir plusieurs représentasses suivies. Les auteurs sont, pour les paroles, MM. Maxime de Rédon et Dufresnoy ; pour la musique, M. Heudier, et pour les ballets, Mad. Adam. On a distingué, dans ces derniers, une jeune danseuse qui a enlevé tous les suffrages, par sa vigueur et son à-plomb, réunis à la grâce et à la légèreté. Ce mélodrame étoit précédé d’un petit vaudeville intitulé le Foyer.

C’est une espèce d’assemblée de comédiens qui se préparent à répéter la grande pièce. Le but de celle bluette est d appeler l’attention et l’indulgence du parterre. On y chante des couplets analogues et plusieurs ont été applaudis. L’auteur est M. St. Clair, acteur de l’Ambigu-Comique. La Petite Fanchon se distingue par la manière dont elle joue, chante et danse dans celte pièce.

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