Quintus Fabius, ou la Discipline romaine, tragédie en trois actes, en vers, de Legouvé, 13 thermidor an 3 [31 juillet 1795].
Théâtre de la République.
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Titre
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Quintus Fabius ou la Discipline romaine
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Genre
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tragédie
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Nombre d'actes :
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3
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Vers / prose ?
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en vers
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Musique :
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non
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Date de création :
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13 thermidor an 3 [31 juillet 1795]
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Théâtre :
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Théâtre de la République
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Auteur(s) des paroles :
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Le gouvé
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Almanach des Muses 1796.
Trait historique de Quintus Fabius Maximus, qui, étant général de la cavalerie, livra combat aux Samnites, contre les ordres du Dictateur Papirius.
Danger que court Fabius d'être condamné à mort pour avoir vaincu, en désobéissant. Idole du peuple et de l'armée, accusé, mis trois fois en jugement ; sa situation est long-tems la même, mais l'intérêt va toujours en croissant ; et le dénouement, qui est heureux, complette la satisfaction du spectateur.
Gradations bien ménagées ; de belles scènes, de beaux détails, du talent.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Huet, an quatrième de la République :
Quintus Fabius, ou la Discipline romaine, tragédie en trois actes, par G. Legouvé, Représentée pour la première fois sur le Théâtre de la République, le 13 Thermidor, an troisième de la République Française.
Le texte de la pièce est précédé d'une dédicace à Ducis :
Au Citoyen Ducis.
J'ai présenté, Citoyen, mon premier essai à ma Mère, mon second à ma Patrie ; en vous dédiant aujourd'hui Quintus Fabius, j'acquitte la dette de l'amitié, et je paie mon tribut à la reconnoissance. Sans doute l'intention est plus digne de votre intérêt que l'ouvrage ; mais il me tardoit de rendre un hommage public à cette bienveillance si flatteuse dont vous avez honoré mes premiers pas dans la carrière dramatique, et que vous vous plaisez à témoigner aux jeunes Auteurs, qui trouvent en vous un ami autant qu'un modèle. Si j'ai déja cueilli quelques fleurs dans ce champ où vous avez moissonné tant de lauriers, je crois sur-tout le devoir à vos encouragemens et aux exemples que m'ont offerts ces pièces sublimes et touchantes que vous dicta le génie du sentiment. Eveillé par ces accens de la nature, par ces cris de l'ame, par ces expressions du cœur qui les distinguent ; inspiré par le délire si pathétique de Léar mort à la raison, et vivant à la nature, par la fureur tendre et paternelle du vieux Montaigu évoquant à grands cris les mânes de ses enfans ; échauffé par les scènes admirables d'Œdipe chez Admette, électrisé enfin par les larmes brûlantes de Pharan et de Salema, par ces plaintes neuves et profondes de l'amour mélancolique qui se plaît au milieu des ruines et des tombeaux, je voudrois faire passer dans mes foibles ébauches quelques étincelles de ce feu qui brûle vos écrits, et vous assure l'immortalité ; mais si mes efforts sont infructueux, j'aurai du moins senti, j'aurai applaudi votre rare talent ; et les jouissances que m'auront données vos ouvrages et vos succès, me consoleront de mon obscurité.
Legouvé.
L'Esprit des journaux, françois et étrangers, vingt-quatrième année, tome III, mai & juin 1795, floréal et prairial an 3, p. 230-234 :
[Le compte rendu est globalement positif : la pièce de Legouvé traite un sujet historique montrant « le respect pour la loi, & sur-tout dans les armées, l'obéissance aux ordres donnés par les chefs » aux « citoyens d'une république naissante, dont les fondemens sont attaqués de toutes parts » : le théâtre est « une école publique propre à former les mœurs & à diriger les opinions ». Après ce préambule, le résumé de la pièce suit l’ordre des actes, le plan de la pièce étant d’une grande simplicité. Un ajout à l’historie est signalé : Quintus Fabius est le gendre de celui qui doit le juger pour avoir enfreint les consignes données, ce qui donne un grand intérêt aux personnages. Le jugement porté ensuite sur la pièce est positif. En particulier, il souligne que l'intérêt ne faiblit pas malgré la répétition des mises en accusation de Quintus Fabius, et que tous les personnages sont « dans la nature ». Des reproches toutefois, concernant le personnage de Popirius (celui qui doit juger Quintus son gendre), ou la proposition faite à Quintus par un ami de fuir le châtiment : dans les deux cas, c’est de manquement à l’héroïsme qu’il s’agit. Enfin, un reproche plus fondamental (et un peu obsolète), c’est l’absence d’unité de lieu (un lieu par acte). Mais le public n’en a pas été choqué... L’écriture de la pièce est généralement bonne, à part quelques vers qui « ont paru manquer de justesse d'expression ». Sinon, que de beaux discours ! Pièce bien jouée, et auteur demandé et nommé.]
THÉATRE DE LA RÉPUBLIQUE, RUE DE LA LOI.
Quintus Fabius, ou la Discipline romaine, tragéd.
Si les théatres doivent être considérés comme une école publique propre à former les mœurs & à diriger les opinions, rien de plus utile sans doute que de présenter aux yeux des citoyens d'une république naissante, dont les fondemens sont attaqués de toutes parts, le respect pour la loi, & sur-tout dans les armées, l'obéissance aux ordres donnés par les chefs. Le choix du sujet de Quintus Fabius, ou la Discipline romaine, est sous ce rapport un premier éloge pour l'auteur.
Le trait historique de Quintus Fabius, dit Rullianus, le premier de la maison des Fabiens, qui fut honoré du titre de Maximus, est connu. Etant général de la cavalerie, il livra combat aux Samnites contre les ordres positifs du dictateur Popirius. La loi de discipline, dans ce cas, le condamnoit à mort ; mais ayant vaincu & cette victoire apportant aux Romains un grand avantage, l'armée & le peuple obtinrent sa grace.
L'auteur s'est parfaitement conformé à l'histoire. Pour ajouter à l'intérêt, il a fait Quintus gendre de Popirius. Ce rapprochement donne à Popirius, qui se voit dans l'obligation de condamner Quintus, un grand caractere dont les Romains seuls fournissent plusieurs exemples ; caractere d'ailleurs vraiment théatral , puisque pendant tout le cours de l'action, le devoir de magistrat & le respect pour la loi, sont en opposition avec les sentimens les plus chers de la nature.
Rien de plus simple que le plan, & ce mérite a donné à l'auteur le moyen d'intéresser dès la premiere scene. C'est au consul Popirius à prononcer sur le sort de Quintus. Plein des maximes républicaines & du salut du peuple, soumis religieusement à son devoir, qui est l'exécution de la loi, il ne balance pas, & le condamne. C'est le sujet du premier acte.
Le pere & un ami de Quintus, en appellent au peuple ; c'est au grand jugement que le second acte est consacré. Le pere & l'ami de Quintus font valoir auprès du peuple les qualités de l'accusé, sa valeur, la jeunesse, l'événement heureux du combat, la gloire & les avantages que la nation en retire. Popirius, son accusateur, écarte toutes ces considérations pour ne voir que le danger de l'exemple. Cet acte se termine au moment où l'urne est ouverte pour recevoir les boules du scrutin.
Au troisieme acte, on apprend par la bouche du tribun, que les. voix sont partagées, & que c'est au consul à prononcer. Voilà donc une seconde fois le sort de Quintus remis au jugement de Popirius ; mais cette fois, le consul est attaqué vivement par Volnérie, sa fille, femme de Quintus, par le pere & l'ami de Quintus, par Quintus lui-même, qui, sans vouloir diminuer sa faute, se réduit à lui demander son amitié ; enfin, par les mouvemens de la nature & d'estime pour les qualités personnelles de l'accusé & le but civique qui l'a dirigé dans sa détermination pour le combat. Mais se reprochant bientôt de mettre en balance des considérations particulieres avec l'intérêt général & son devoir, il se fait apporter une épée & des lauriers, il arme Quintus, le couronne, & l'envoie à la mort. Avant de partir, Quintus se refuse aux instances de son ami, qui a préparé sa fuite. Le tribun vient ensuite annoncer au consul, qu'au moment où la hâche étoit prête à frapper, l'ami de Quintus a protesté contre l'injustice faite à son ami, qu'il s'est donné la mort sur la place même, & que le peuple ému a prononcé la grace de Quintus.
Cette piece a eu le plus grand succès. L'auteur a su former son plan & distribuer ses scenes sans y mêler rien d'étranger. Il a multiplié l'intérêt en multipliant les positions de Quintus avec sa femme, son pere, son beau-pere, & son amie : en le présentant d'abord victorieux & l'idole du peuple & de l'armée, puis accusé & trois fois en jugement ; mais avec tant d'art que 1'intérêt est toujours le même. Les personnages sont tous dans la nature. Peut-être seulement pourroit-on reprocher à Popirius de se trouver en contradiction avec lui-même, non pas parce qu'il s'intéresse au sort de Quintus & qu'il le condamne, mais parce qu'il se prononce trop sur le désir qu'il auroit de ne pas réussir ; désir démenti par l'énergie de son discours en présence du peuple. On pourroit blâmer également l'offre faite à Quintus de fuir & par-là d'éviter la mort ; offre faite sur-tout par un ami qui connoît l'ame de Quintus, & qui lui-même ne l'eût pas acceptée en pareille position. Le reproche le plus grave pour un jeune auteur, qui marque déjà si avantageusement dans la carriere dramatique, seroít la violation d'une loi rigoureuse, l'unité de lieu. A chaque acte la scene change. Mais il en appelleroit sans doute aux spectateurs, qui ne manqueroient pas de l'absoudre, comme son héros l'a été par le peuple romain.
Parmi un grand nombre de beaux vers, quelques-uns ont paru manquer de justesse d'expression. Mais le récit du combat contre les Samnites dans la bouche de l'ami de Quintus, le tableau de la mort du guerrier qui meurt pour sa patrie, le discours du consul devant le peuple ; enfin le récit de la catastrophe ont été applaudis avec transport.
Cette piece a été jouée avec les talens que l'on reconnoît aux acteurs tragiques de ce théatre. L'auteur a été demandé : Vanhove est venu nommer Legouvé.
D'après la base César, la tragédie de Legouvé a été jouée 20 fois au Théâtre français de la rue de Richelieu, du 31 juillet 1795 au 29 mais 1796.
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