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La Tapisserie de la reine Mathilde

La Tapisserie de la reine Mathilde, fait historique en un acte, mêlé de vaudevilles, de Barré, Radet et Desfontaines, 23 nivose an 12 [14 janvier 1804].

Théâtre du Vaudeville

Titre :

Tapisserie de la reine Mathilde (la)

Genre

fait historique

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

prose, couplets en vers

Musique :

vaudevilles

Date de création :

23 nivôse an 12 (14 janvier 1804)

Théâtre :

Théâtre du Vaudeville

Auteur(s) des paroles :

Barré, Radet et Desfontaines

Almanach des Muses 1805

Sur la page de titre de la brochure, seconde édition, à Paris, chez Mme. Masson, an XII (1804):

La Tapisserie de la reine Mathilde, comédie, en un acte, en prose, mêlée de vaudevilles, Par MM. Barré, Radet et Desfontaines. Représentée, pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre du Vaudeville, le Samedi 28 Nivôse an XII (14 Janvier 1804.)

Le couplet d’annonce:

      Air: Daignez m’épargner, etc.

En mil soixante-six, dit-on,
La fameuse Tapisserie,
Que l’on voit encore au salon,
Fut et commencée et finie.
Elle a donc plus de sept cens ans.
Puisse la même compagnie,
Pendant même espace de tems,
Voir tous nos acteurs bien portans,
Représenter cette copie.

Courrier des spectacles, n° 2512 du 24 nivôse an 12 [15 janvier 1804], p. 3 :

[Rapide compte rendu d'une représentation assez réussie, non à cause de l'intrigue, mais apr les couplets, pleins d'esprit, et de possibles « applications » (traverser la Manche pour conquérir l'Angleterre, voilà qui parle aux Parisiens du temps).]

Théâtre du Vaudeville.

Première Représentation de la Tapisserie de la Reine Mathilde.

Ce vaudeville ne durera sans doute pas, ainsi que les auteurs en ont manifesté le desir, aussi long-tems que son sujet, mais dans la circonstance, il sera vu avec le plus grand plaisir.

La Tapisserie seule fournissoit peu de chose pour la composition d’une pièce ; aussi y a-t-on brodé une petite intrigue un peu romanesque, mais qui donne lieu à de jolies scènes. Le dénouement pourroit seulement être moins brusque et mieux ménagé.

Quant aux couplets, tous ont été applaudis et plusieurs redemandés tant à cause de l’esprit qui y règne qu’à cause des applications nombreuses que l’on faisoit aux circonstances actuelles.

Nous reviendrons demain sur cette production agréable, dont les auteurs ont été vivement demandés ; ce sont Messieurs Barré, Radet et Desfontaines.

Courrier des spectacles, n° 2514 du 26 nivôse an 12 [17 janvier 1804], p. 3 :

[L’article de l’avant-veille parlait de « petite intrigue un peu romanesque », ce nouvel article la résume, et on ne peut nier qu’elle soit « un peu romanesque » : un fils inconnu de Guillaume le Conquérant, et qui se montre digne de son père, auprès de qui il veut aller combattre. Ce qui compte dans une telle pièce, ce sont « les allusions fréquentes aux circonstances actuelles, et le parallèle entre le héros qui vainquit Harold et celui qui se prépare à la même expédition », cette invasion de l’Angleterre que tout le monde attendait (et attend encore). C’est bien ce que dit le couplet redemandé que le critique cite en conclusion de son article : le rôle du théâtre, c’est de chanter les exploits des héros.]

Théâtre du Vaudeville.

La Tapisserie de la Reine Mathilde.

La scène se passe à un château situé en Normandie près St-Valery ; là, au milieu des dames de sa cour, Mathilde s’occupe à broder la tapisserie qui doit retracer les hauts-faits de son époux, et dont une partie déjà achevée entoure l’appartement où elle travaille. Près d’elle est le vieux Roger de Beaumont, que les infirmités empêchent de partager les dangers de son neveu. Il interroge Mathilde sur son ouvrage qui n’avance pas au gré de ses desirs :

Nous ne sommes pas au courant,
Et nous travaillons sans relâche ;
Mais tous les jours ce conquérant
Nous donne une nouvelle tâche.

        Roger.

Si vous comptez suivre ses pas,
Votre attente sera trompée ;
Car votre aiguille n’ira pas
Aussi vite que son épée.

Elle va ensuite implorer pour !e succès de l’expédition le secours du Dieu des armées ; mais elle desire connoître sa destinée d’un jeune enfant élevé par un hermite dans le plus grand secret, et elle prie Guillaume de l’interroger. L’enfant nommé Raymond ignore sa naissance ; l’hermite lui-même ne peut due de qui il l’a reçu autrefois ; ainsi Mathiltle ne peut réussir à découvrir ce secret. Une jeune personne de ses parentes à qui Raymond plait beaucoup et à qui il déclare étourdiment son peu de vocation pour la profession d’hermite et son goût pour les armes, apprend de lui qu’il possède un portrait qu’il lui montre, et que Mathilde reconnoît pour être celui d’une femme que Guillaume a aimée autrefois, et qui lui a laissé un fils en mourant. Plus de doute, Raymond est fils de Guillaume ; et connue un guerrier de l'expédition vient annoncer la victoire de son souverain et demander les ordres de Mathilde avant de retourner en Angleterre, le jeune Raymond demande à partir avec lui, et à aller mériter sous les jeux du Conquérant le nom de son fils et celui d’époux de la jeune parente de Mathilde à qui cette princesse l’unit d’avance.

Les allusions fréquentes aux circonstances actuelles, et le parallèle entre le héros qui vainquit Harold et celui qui se prépare à la même expédition ont excité les plus vifs applaudissemens. Parmi les couplets redemandés, nous citerons celui-ci que Mlle Belmont chante au public.

Air : Tout comme ont fait nos pères.

Il se pourroit qu’incessamment
      Dans un plus grand ouvrage,
      On retraçât l’image
De ce fameux événement.
            Mais dans l’asyle
            Du vaudeville,
            Mais dans l’asyle
      Du petit vaudeville,
      Nous avons de petits pinceaux
      Pour tracer de petits tableaux ;
Joyeux et francs, nous chantons les héros
      Par des chansons légères,
      Comme l’ont fait nos pères.

Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 9.me année (an xi, 1803), tome IV., p. 541 :

[En cette période de relations compliquées entre la France et l’Angleterre, évoquer l’épisode de la conquête de l’Angleterre par les Normands n’est évidemment pas sans arrière-pensées. L’invocation du dieu des armées n’est pas fortuite non plus. Moins convaincant, l’indispensable épisode amoureux, sans lequel le théâtre du Vaudeville n’est plus lui-même. Pièce sans intrigue, mais pleine de détails qui évoquent « la simplicité et le costume du temps ».

Théâtre du Vaudeville.

La Tapisserie de la reine Mathilde.

La duchesse de Normandie, Mathilde, s'est retirée chez Roger, son oncle, pendant que Guillaume combat Harold. Elle passe son temps à broder une tapisserie qui représente les exploits de son époux. Ses femmes l'aident dans cette occupation, et ne la quittent que pour aller au temple invoquer le dieu des armées. Bientôt un exprès, envoyé par Guillaume, annonce le succès de la descente en Angleterre. A ce simple exposé, on a joint un épisode intéressant d'un fils de Guillaume, fruit de ses amours secrets avec Irène, et restant bien malgré lui avec un vieil hermite auquel il est confié. Cette pièce est une des plus jolies qu'on ait faites dans cette circonstance. Elle n'est point intriguée; mais les détails ont la couleur qui leur convient : c'est la simplicité et le costume du temps. Cet ouvrage est de MM. Barré, Radet, Desfontaines.

Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome sixième, ventôse an XII [février 1804], p. 288-290 :

[Pas d’équivoque : le « fait historique » devient une pièce de circonstance, mais plus réussie que les autres pièces de ce genre, simples collections de couplets remplis d’allusions ajoutée à « une action sans couleur et sans vraisemblance ». Ici le talent des auteurs a fait la différence. L’intrigue ne surprend pas : la reine attend es nouvelles de l’expédition de son mari, on va prier le dieu des armées, et la nouvelle de la victoire arrive... Les spectateurs ont vu de quoi il s’agissait, même si le débarquement français en Angleterre a eu lieu en 1066, et pas en 1804. Pour corser la pièce, une petite intrigue amoureuse : pas de vaudeville sans amour. La pièce est « colorié[e] avec une justesse digne des plus grands éloges », c’est qu’elle est l'œuvre du trio roi du Vaudeville, et elle a réussi (comme toutes les pièces partiotiques !).]

THÉATRE DU VAUDEVILLE.

Mathilde ou la Tapisserie.

Voilà, si je ne me trompe, la véritable manière de rendre les pièces de circonstance un peu piquantes. On connaît des mains mal-adroites qui, en pareil cas, se contentent d'encadrer tant bien que mal des couplets d'allusion très-froids, très-pesans, très-entortillés, dans une action sans couleur et sans vraisemblance, et qui viennent ensuite solliciter l'indulgence à raison du peu de tems qu'ils ont mis à composer leur ouvrage. Le tems ne fait rien à l'affaire, leur a d'avance répondu le Misantrophe [sic].

Ici, c'est réellement un joli dessin terminé par des peintres dont la touche est ferme et soignée.

La tapisserie brodée par la reine Mathilde elle-même, qui représente la descente de Guillaume le conquérant en Angleterre, et dont on voit l'exposition au muséum, ne paraissait pas devoir fournir grand’chose ; mais entre les mains de nos spirituels chansonniers, elle est devenue le cadre ou plutôt le prétexte heureux d'un très-joli vaudeville.

La reine Mathilde et. ses femmes s'occupent à broder la fameuse tapisserie, et tandis que leur aiguille s'exerce à retracer d'avance les exploits de Guillaume, son oncle Roger, que la goutte retient malgré lui, s'amuse à présager tous les triomphes qu'un semblable héros doit faire espérer. Il dit aux brodeuses :

Si vous croyez suivre ses pas,
Votre attente sera trompée ;
C«r votre aiguille n'ira pas
Aussi vite que son épée.

On quitte l'ouvrage pour aller invoquer au temple la protection du Dieu des armées ; et biéntôt on apprend l'heureux succès de la descente. Mais à cet exposé trop simple, les auteurs ont eu l'art d'ajouter un petit épisode naïf .et intéressant d'un jeune fils de Guillaume, fruit de ses amours avec Irène, lequel reste caché, bien malgré lui, et qu'on a confié aux soins d'un hermite. Ce jeune homme est épris de la gloire bien plus que de la vie monastique, et il est aimé d'une jeune princesse qui parvient à lui arracher son double secret.

Le principal mérite de tout cela est d'être colorié avec une justesse digne des plus grands éloges. Aussi l'ouvrage est-il de MM. Radet, Barré et Desfontaines. Il a complètement réussi..

L.-Henry Lecomte, Napoléon et l’Empire racontés par le théâtre (1797-1899) (Paris, 1900), p. 101-102 :

[Louis-Henry Lecomte n’est pas dupe : pièce de propagande à la gloire de Bonaparte. Sauf que Bonaparte n’a pas conquis l’Angleterre (Guillaume le Conquérant n'a pas été « un précurseur de Bonaparte »...). Résumé de l’intrigue, sans commentaire, mais avec une sorte de sympathie (Lecomte est plutôt bonapartiste !). Le couplet final donne une idée des intentions des auteurs, les immortels rois du Vaudeville.]

Vaudeville, 23 nivôse an XII (14 janvier 1804) : La Tapisserie de la reine Mathilde, comédie en 1 acte, mêlée de vaudevilles, par Barré, Radet et Desfontaines.

Eu l'absence du roi Guillaume, occupé à préparer une descente en Angleterre, la reine Mathilde et ses femmes brodent une tapisserie retraçant les exploits du héros. Ce travail intéresse un jeune garçon du nom de Raymond, qu'un ermite élève sans vouloir dire à personne le nom de ses parents. Mathilde cependant croit retrouver dans les traits de Raymond ceux d'une personne chère, et ce jugement est soudain appuyé par la vue d'un portrait confié par Guillaume au mystérieux enfant. Ce portrait est celui d'une femme que le roi a aimée avant de connaître Mathilde et qui est morte en devenant mère : Raymond sans doute est le fils né de cet amour. L'ermite confirme bientôt le fait; Mathilde émue embrasse Raymond, le fiance à sa cousine Claire, et, comme des courriers apportent la nouvelle de l'heureux débarquement de Guillaume sur la terre anglaise, l'enfant, qui a soif de gloire, part avec les messagers pour aller accomplir, sous les yeux de son père, ses premiers faits d'armes.

Guillaume ne fut qu'un précurseur de Bonaparte, telle est la pensée dominante de l'ouvrage, résumée clairement dans ce couplet du vaudeville final :

      Il est des siècles éclatants
            Où l'on voit un grand homme
            Que sur tous on renomme,
      Tel fut Guillaume dans son temps.
                  A l'Angleterre
                  Il fit la guerre ;
                  En Angleterre
            Il descendit, prit terre ;
      C'était en mil soixante et tant.
      Nous pourrions bien en voir autant:
Oui, sur les pas de notre conquérant,
            Nos braves militaires
            
Feront comme nos pères.

 

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