La Tasse de Chocolat, ou Trop parler nuit, comédie vaudeville en un acte, de Dieulafoy et Gersin, 9 novembre 1811.
Théâtre du Vaudeville.
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Titre :
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Tasse de chocolat (la), ou Trop parler nuit
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Genre
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comédie-vaudeville
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Nombre d'actes :
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1
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Vers / prose
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prose avec couplets en vers
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Musique :
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vaudevilles
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Date de création :
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9 novembre 1811
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Théâtre :
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Théâtre du Vaudeville
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Auteur(s) des paroles :
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Dieulafoy et Gersin
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Almanach des Muses 1812.
Sur la page de titre de la brochure, Paris, chez Madame Masson, 1811 :
La Tasse de chocolat, ou trop parler nuit, comédie-vaudeville en un acte, par MM. Dieu la Foi et Gersin. Représentée pour la première fois à Paris, sur le théâtre du Vaudeville, le 9 Novembre 1811.
Esprit des journaux, français et étrangers, tome XI (novembre 1811) p. 294-298 :
[Le critique choisit d’ironiser sur cette pièce en forme de tasse de chocolat, à consommer chaud, et qu’il est bien difficile de réchauffer. La métaphore culinaire continue : « douceurs sucrées jusques à la fadeur, assaisonnement épicé jusqu'à emporter la bouche », voilà qui n’est pas appétissant. Ce qui est reproché à la pièce, c’est d’être une suite ininterrompue « d'équivoques et de jeux de mots indécens sur le sort des pauvres maris et sur le fâcheux ornement qui menace leurs têtes ». Le critique en donne un exemple qui lui paraît inacceptable. Après les détails, le sujet, « qui pouvait tout au plus fournir le fond d'une historiette agréable » : une femme qui veut guérir son mari de sa manie de vouloir « attirer chez lui de grands seigneurs », de leur prêter de l’argent alors qu’ils ne pensent qu’à lui ravir sa femme. Bien entendu elle arrive par la ruse à faire comprendre à son mari que ces seigneurs ne veulent que le tromper. Le dénouement, pourtant satisfaisant pour le critique, a été sifflé. Les acteurs ne sont pas responsables de ce succès très mitigé, qui a néanmoins permis aux auteurs de paraître, mais pas à la demande générale.]
La Tasse de Chocolat , ou Trop Parler nuit.
Ma conscience me reproche d'avoir laissé refroidir cette Tasse de Chocolat, et vraiment cela n'est pas bien. Un déjeûner si léger demandait à être servi chaud pour valoir quelque chose, puisque tout brûlant qu'il était en sortant de l'office, il n'en a pas paru moins désagréable au goût de la plupart des convives. Le réchauffer maintenant n'est pas très-facile, et j'ai bien peur que, malgré tous mes soins, les lecteurs délicats ne fassent pas grand honneur à un aussi chétif repas. Ce n'est pas que les auteurs n'aient cru sans doute avoir prodigué tout ce qui pouvait flatter le palais et réveiller l'appétit. Douceurs sucrées jusques à la fadeur, assaisonnement épicé jusqu'à emporter la bouche, tels sont les ingrédiens dont se compose cette nouvelle espèce de chocolat fabriquée au Vaudeville ; mais malgré la prétention des inventeurs qui, dans leur couplet d'annonce, l'avaient offert comme du chocolat de santé, on n'a pas tardé à reconnaître qu'il fallait un peu plus d'art pour fondre ensemble ces substances hétérogènes, et que le résultat ne présentait qu'un comestible d'un méchant goût et d'une mauvaise qualité.
Il est tout simple, sur un théâtre essentiellement léger, de risquer des plaisanteries un peu vives, lorsque la gaze qui les enveloppe en dissimule la crudité, et de se permettre le madrigal, lorsqu'une forme ingénieuse rajeunit des idées un peu rebattues. Mais c'est passer aussi toutes les bornes que de remplir des scènes entières d'équivoques et de jeux de mots indécens sur le sort des pauvres maris et sur le fâcheux ornement qui menace leurs têtes. Et l'on ne peut tolérer non plus que depuis le temps où les femmes sont en possession d'être comparées à la rose, à la violette, au lys, en un mot aux plus charmantes productions de l'empire de Flore, on reproduise encore jusqu'à la satiété ces figures bannales. Il y a dans la pièce nouvelle au moins une demi-douzaine de couplets dont les fleurs ont fourni le trait et la dernière rime. Je le demande aux femmes elles-mêmes, un style si fleuri n'a-t-il pas maintenant quelque chose d'un peu ridicule ? Et peuvent-elles sentir tout le prix de ces flatteuses similitudes, depuis que les presses de Berthelemot, célèbre confiseur de Paris, prodiguent par milliers des couplets et des madrigaux qui souvent l'emportent en délicatesse, en grace et en fraîcheur sur ceux qui se fabriquent au Vaudeville ? Il y a même dans la pièce nouvelle certains traits qui ne seraient à coup-sûr admis, sous aucun prétexte, dans la boutique du galant confiseur. Et j'en citerai pour exemple cette boutade d'un mari qui, fatigué d'entendre vanter, en vers et en prose, les vertus conjugales et la chasteté de l'hymen, tandis qu'il est, à part lui, fort peu convaincu de celle de sa femme, s'écrie d'une manière un peu brutale : « Et où diable avez-vous vu que l'hymen fût chaste ? » Cette vérité, en supposant toutefois que c'en soit une, est bien certainement au nombre de celles que le diablotin le moins sévère ne consentirait jamais à colporter.
J'ai parlé des détails de la pièce avant de m'occuper du sujet, parce qu'au Vaudeville les détails sont tout et que le sujet n'est rien, ou du moins fort peu de chose. Il faut cependant donner une idée de celui-ci, qui pouvait tout au plus fournir le fond d'une historiette agréable, si l'on en juge par le peu de parti que les auteurs en ont su tirer. M. Germon, cultivateur enrichi, possède une femme raisonnable et charmante, qui ne peut le corriger de la ridicule manie d'attirer chez lui de grands seigneurs, Germon ne rêve que noblesse et gens de qualité, et se fait un vrai plaisir de prêter son argent à des marquis qui, par reconnaissance, voudraient bien lui souffler sa femme. Il n'était peut-être pas bien nécessaire de mettre un marquis sur la scène pour lui donner le mauvais ton et les manières guindées des aimables du jour ; les auteurs devaient penser que n'ayant plus de modèles sous les yeux, leur imitation serait nécessairement peu ressemblante ; et c'est ce qui est arrivé : leur personnage n'a rien de cette légèreté, de ces graces, de cet éclat qui formait l'apanage de la plupart des marquis le nos anciennes comédies. C'est tout simplement un fat assez gauche, qui se laisse éconduire comme un novice et mystifier comme un provincial. Tous les exploits de Florbel (c'est le nom de ce pauvre marquis) se bornent à prendre une tasse le chocolat avec Mme. de Germon, qui ne lui laisse pas même le temps de l'achever. Il n'en conte pas moins au mari, qu'il rencontre un moment après, qu'il a déjeûné en bonne fortune, avec une femme charmante. Et l'on peut juger de la surprise de Germon, lorsqu'après avoir forcé Florbel de rentrer avec lui, il apprend de sa femme que c'est avec elle que le marquis vient de prendre une tasse de chocolat. On aurait de l'humeur à moins ; aussi Germon donne-t-il au diable les marquis et les marquisats. Heureusement Mme. de Germon a de l'esprit, et le marquis est d'une grande simplicité. Elle n'a donc pas beaucoup de peine , tandis que son mari est aux écoutes, à faire avouer la vérité à l'avantageux Florbel, qui convient encore, en récapitulant les tristes résultats de sa prétendue bonne fortune, qu'il n'a pas même obtenu l'indispensable verre d'eau qui suit partout une tasse de chocolat. Et ce verre d'eau, qu'on apporte au même instant, amène le dénouement de la manière la plus satisfaisante.
Cependant tout le monde n'a pas été content, et quelques sifflets qui s'étaient fait entendre pendant le cours de la représentation, n'ont pas manqué de joindre leur accompagnement aigu à la musique du vaudeville final. Il n'a pas dépendu des acteurs que la pièce n'ait eu un plus heureux succès : Mme. Hervey, Vertpré, Henri, St.-Léger, ont, en général, bien joué les principaux rôles. Joly et Mlle. Rivière chargés de deux accessoires, les ont rendus d'une manière fort piquante. Au reste, les auteurs, plus sensibles aux témoignages de satisfaction qu'aux signes de mécontentement que le public leur a distribués avec assez d'égalité, n'ont pas cru devoir hésiter à se faire connaître, et l'on est venu nommer MM. Gersain et Dieulafoy, que tout le monde ne demandait pas, à beaucoup près.
Magasin encyclopédique, ou journal des sciences, des lettres et des arts, 16e année, 1811, tome VI, p. 165-166 :
[Le compte rendu est plutôt critique. Après un bref résumé, il parle du « vice du sujet » (sans préciser ce qu’il vise), que « des détails spirituels » ne suffisent pas à compenser. Ce vice s’étend au style, jugé « un peu trop libre ». Pour que la pièce survive, il a fallu y faire des coupures (c’est sans doute dans la partie « trop libre » que se situent les coupures). Mais le succès est médiocre.]
THÉATRE DU VAUDEVILLE.
La Tasse de Chocolat, ou trop parler nuit, vaudeville en un acte, joué le 9 novembre.
Une anecdote attribuée à Marmontel et à M. de la Popelinière a fourni l'idée principale de ce vaudeville qui a obtenu peu de. succès.
Un jeune fat se vante à son ami d'avoir eu le matin même une bonne fortune, et d'avoir pris une tasse de chocolat avec une Dame du voisinage. Que devient le mari quand sa femme elle-même dit qu'elle a déjeuné avec le jeune homme. Il se croit outragé : heureusement qu'un oncle de bon sens ramène la paix dans le ménage en faisant avouer adroitement au fat qu'il s'est vanté sans raison. Des détails spirituels n'ont pu couvrir le vice du sujet. La pièce étoit d'ailleurs écrite en style un peu trop libre. Quelques coupures lui ont procuré plus de succès aux représentations suivantes. Elle est de MM. Gersin et Dieu la foi.
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