Le Tambourin de Provence, ou l’Heureuse incertitude

Le Tambourin de Provence, ou l’Heureuse incertitude, comédie en prose et en un acte, mêlée de chant et de danses, paroles de Monnet, musique de Scio, ballets de Beaupré, 13 septembre 1793.

Théâtre du Palais-Variétés.

Titre :

Tambourin de Provence (le), ou l’Heureuse incertitude

Genre

comédie mêlée de chants et de danses

Nombre d'actes :

1

Vers / prose

en prose, avec des couplets en vers

Musique :

chants et danses

Date de création :

3 septembre 1793

Théâtre :

Théâtre du Palais-Variétés

Auteur(s) des paroles :

Monnet

Compositeur(s) :

Scio

Chorégraphe(s) :

Beaupré

Sur la page de titre de la brochure, à Paris, de l’Imprimerie de Cailleau, an 3, 1795 vieux style :

Le Tambourin de Provence, ou l’heureuse incertitude, opéra en un acte, Paroles du Citoyen Monnet, Musique du Citoyen Scio. Représenté pour la première fois, à Paris, sur le Théâtre de la Cité-Variétés, le 13 Septembre 1793 (vieux style) première année de la République française, une & indivisible.

La liste des personnages :

  • le père Flutet, tambourin et troubadour : c'est lui qui permettra aux deux jeunes filles d'échapper à celui qui veut les épouser (du moins épouser l'une des deux) ;

  • le couple des parents, Grégoire, vigneron et sa femme martine

  • leurs deux filles, Manon et Suzon ;

  • monsieur Ignace, celui qui veut se marier avec l'une ou l'autre des deux jeunes filles ;

  • Justin et Lucas, deux villageoix, « amans de deux sœurs », mais à chacune le sien...

Quelques utilités :

  • quatre joueurs de tambourin ;

  • des villageois et des villageoises, sans précision du nombre.

Le lieu de la scène : « en Provence, du côté d'Arles ».

L’Esprit des journaux français et étrangers, 1794, volume 4 (avril 1794), p. 270-275:

[Le début de l’article met le lecteur en garde contre les titres « insignifiant[s] », avant d’entreprendre de donner l’analyse de la pièce, qui risque bien d’être tout aussi insignifiante. On y voit deux jeunes gens, amants de deux jeunes filles, tous souhaitant se marier. Mais les désirs matrimoniaux d’un vieux magister viennent contrecarrer leurs projets. Il demande une des deux filles en mariage à leur père, puis l’autre à leur mère. Tous deux approuvent ces demandes : les filles d’un pauvre vigneron, épouser un maître d’école ! Sans parler de l’inquiétude des deux jeunes filles de ne pas épouser leur amant de cœur, c’est le couple des parents qui se déchire jusqu’à échanger des coups : deux demandes en mariage, c’est une de trop. Les parents se ressaisissent : il vaut mieux marier leurs filles avec le jeune paysan qu’elles aiment. Mais il faut « mystifier » le magister, et c’est un vieux joueur de tambourin qui s’en charge, en le ridiculisant au son du tambourin (d’où le titre de la pièce) : le vieux magister renonce, comprenant qu’il échappe ainsi au sort peu enviable des vieux maris d’une jeune femme. Le critique émet à la suite de cette analyse un jugement sévère, qu'il ne manque pas de le développer. « Le fonds de cet opéra est, comme on voit, assez peu de choses ; l’intérêt est nul, & la gaieté souvent factice. » Rien ne trouve grâce à ses yeux : la gaieté est provençaux n’est pas celle qu’on voit dans la pièce, les costumes ne sont pas ceux que portent les jeunes filles de Provence, l’auteur ignore ce qu’est l’agriculture en Provence. Les paroles de la pièce sont toutefois « assez agréables », et au prix de quelques modifications, la pièce serait susceptible de connaître le succès : il y faudrait « quelques contrastes », des caractères mieux dessinés, et une meilleure collaboration avec le musicien. Le musicien est mieux traité : sa musique a le mérite de ne pas être faite pour « nous étourdir », il recourt à des moyens limités. Il lui faut juste se garder de sa mémoire et de sa facilité, « deux ennemis contre lesquels les jeunes compositeurs doivent être perpétuellement en garde ». Dernier élément du spectacle, « le divertissement qui suit le Tambourin de Provence » est jugé de façon très positive. Il « est gracieux & riant », et chorégraphe comme danseurs sont remarquables, en particulier deux « jeunes gens qui y dansent », et dont le critique regrette qu’on ne donne pas leur nom sur l’affiche : il leur aurait payé « le juste tribut d’éloges qui leur est dû ».]

Le Tambourin de Provence, comédie en prose & en un acte, mêlée de chant & de danses, paroles de M. Monnet, musique de M. Scio, & ballets de M. Beaupré.

Quand un auteur n'a pas un but bien déterminé, le titre de sa piece est presque toujours insignifiant. Le compte que nous allons rendre va venir à l'appui de cette insertion. Grégoire & Martine, bons villageois, ont deux filles, Manon & Lisette, que deux jeunes garçons, Justin & Lucas, aiment de tout leur cœur. Ils sont payés de retour, & ces quatre amans ne soupirent qu'après l'instant qui doit les unir pour toujours.

Grégoire & Martine voient sans peine les liaisons de leurs filles, & il paroît qu'on seroit bientôt d'accord, si un M. Ignace, maître-d'école du village, ne se mettoit à la traverse. Or, on sait que les magisters & les baillis sont les tyrans de l’opéra-comique. Heureusement celui-ci est un bon diable, & l'indécision est la base de son caractere.

Après avoir fait venir le pere Flutet, & lui avoir donné, six livres pour faire danser tout le village au son du tambourin, il va trouver le pere Grégoire, & lui demande sa fille Manon en mariage. Un vigneron devenir le beau-pere d'un maître-d'école ! C'est un trop grand honneur pour que notre bon homme puisse le refuser ; aussi l'accepte-t-il avec reconnoissance, & s'empresse-t-il d'aller l’apprendre à sa fille.

Cette démarche est à peine faite, que M. Ignace en est fâché. Pourquoi a-t-il demandé Manon ? Ah ! il lui semble que la main de Lisette lui conviendroit beaucoup mieux. Mais il n'y a rien de perdu ; voilà Martine qui s'avance, & il n'a qu'à lui faire sa nouvelle proposition, sauf à se rétracter ensuite auprès de Grégoire, si la femme de ce vigneron ne lui refuse pas Lisette. Eh ! comment le pourroit-elle ? Un magister ! Qu'importe qu'il soit vieux ; cela ne lui donnera pas moins de la considération dans le village. C'est une affaire faite ; & M. Ignace a maintenant à choisir entre deux gentilles paysannes. Pour laquelle se décidera-t-il ? Voilà le difficile. En attendant sa détermination, il va les trouver une après l'autre, & leur fait sa tendre déclaration. La surprise de ces jeunes personnes est indicible ; & si elles ne comptoient fortement sur la courageuse constance de Justin & de Lucas, & le bon cœur de Grégoire & de Martine, elles seroient vraiment au désespoir.

Ces deux époux se communiquent les propositions qui leur ont été faites par M. Ignace ; & de-là grande dispute. C'est Manon qu'il veut épouser ; non ; c'est la main de Lisette qu'il demande. Ils font un tintamarre épouvantable ; le pere Flutet survient; & comme ils sont prêts à se battre, il se met entre deux pour les séparer. Mais que lui vaut fa bonne intention ? Un grand coup de pied dans le derriere de la part de Grégoire, & un soufflet bien appliqué de la part de Martine ; ce qui prouve pour la mille & unieme fois, qu'entre le marteau & l’enclume, il ne faut jamais mettre le doigt.

Après cette violente détonation, l'orage se dissipe ; & Justin & Lisette, Lucas & Manon qui arrivent, sont l’Iris qui nous présage le retour du beau tems. On se rapproche, on s'explique ; il est clair que M. Ignace a demandé les deux sœurs. Oh ! oh ! dit le pere Flutet, il est bien permis d'avoir deux maitresses ; mais deux femmes, c'est un peu fort. Combien de gens en ont trop d'une seule !

Tout cela n'est pas nouveau ; mais tout cela fait ouvrir les yeux au pere & à la mere, & leur prouve qu'ils feront beaucoup mieux de donner leurs filles à Justin & à Lucas ; ce qui est sur le champ exécuté. Que reste-t-il à faire encore ? A mystifier M. Ignace; ce dont est chargé le pere Flutet, qui en chantant & touchant sur son tambourin une ronde que tout le village chante & danse avec lui, se moque avec très-peu de ménagement du maître-d'école, qui s'en apperçoit dès le premier couplet ; mais qui se console, en réfléchissant qu'il eût été bien plus sot s'il se fût marié.

Le fond de cet opéra est, comme on voit, assez peu de chose ; l'intérêt en est nul, & la gaieté souvent factice. Les paysans de Provence sont plus franchement gais, & leur vivacité differe autant de celle que l'auteur a donnée à ses personnages, que les costumes engoués des Provençales de théatre different de la vélette & du jupon court, qui dégagent la taille svelte, & laissent voir la jambe fine & le pied léger de la paysanne de Provence. Mais si le costume nous a prouvé que les actrices ont peu étudié celui des villageoises qui habitent les contrées voisines de la Caillouteuse, plaine de la Crau, un mot nous a fait voir que l'auteur de l'opéra n'a jamais voyagé en Provence. II envoie Grégoire planter des échalas, tandis qu'on n'en eut jamais besoin dans un climat brûlant, où le soleil desseche souvent le raisin malgré l’ombrage bienfaisant des feuillages touffus de la vigne. D'ailleurs, comment y ficheroit on les échalas, puisque la plupart des vignes y fsnt plantées dans les cailloux ? Au reste, cette légere inconvenance n'empêche pas que les paroles du Tambourin de Provence ne soient assez agréables ; & si l'auteur avoit mis quelques contrastes dans sa piece ; s'il en eût destiné les caracteres d'une maniere un peu plus large, & sur-tout s'il n'eût jamais perdu de vue qu'il devoit travailler un peu pour le musicien, cet opéra pourroit compter parmi tant d'autres qui ont fait quelque bruit.

Heureusement la musique de M. Scio n'en fait pas trop, & ce compositeur ne donne pas dans le travers de certains de ses confreres, qui n'ont jamais assez d'instrumens dans l'orchestre pour nous étourdir. Ses airs sont accompagnés avec sagesse ; leurs motifs sont charmans, peut-être pas assez recherchés, & peut-être aussi ressemblent-ils trop à d'autres airs connus. M. Scio, au talent duquel nous rendons justice, doit nécessairement se méfier de sa mémoire, & de la facilité avec laquelle il travaille. Ce sont deux ennemis contre lesquels les jeunes compositeurs doivent être perpétuellement en garde. Si celui dont nous nous occupons étoit moins intéressant ; s'il ne. donnoit pas les plus grandes espérances, nous dédaignerions de lui parler avec tant de franchise.

Le divertissement qui suit le Tambourin.de Provence est gracieux & riant. Le dessin en est simple, mais bien lié au sujet, & il doit donner la meilleur opinion de M. Beaupré, & des jeunes gens qui y dansent. Il en est deux, entr'autres ceux qui exécutent les principales entrées, qui nous font vivement regretter qu'on n'affiche pas, du moins à la porte des spectacles, les noms de tous les artistes qui doivent y figurer. Si cela eût été ainsi au théatre du palais, on auroit payé à ces deux jeunes artistes, en les désignant par leurs noms, le juste tribut d'éloges qui leur est dû.

(Journal des spectacles.)

D’après la base César, l’opéra, de M. Monnet, musique de M. Scio, dont le titre complet est le Tambourin de Provence, ou l’Heureuse incertitude, a été joué 22 fois au Palais des Variétés, du 13 septembre 1793 au 7 septembre 1794, et 1 fois au Théâtre de la Cité, le 25 septembre 1794.

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