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Le Trésor (Andrieux, 1804)
Le Trésor, comédie en cinq actes et en vers, d'Andrieux, le 7 pluviose an 12 [28 janvier 1804].
Théâtre de l'Impératrice, rue Louvois
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Titre :
Trésor (le)
Genre :
comédie
Nombre d'actes :
5
Vers / prose
vers
Musique :
non
Date de création :
7 pluviôse an 12 [28 janvier 1804]
Théâtre :
Théâtre de l’Impératrice, rue Louvois
Auteur(s) des paroles :
Andrieux
Almanach des Muses 1805
M. Jaquinot et M. Latour, son frère, doivent partager l'héritage paternel. Adolphe, fils de M. Latour, aime Cécile, jeune orpheline dont son père a élevé l'enfance. Germain, autre fils de M. Latour, s'est apperçu que son oncle, homme aussi intéressé que crédule, ajoute foi aux devins. Il gagne un de ces hommes, et persuade à son oncle qu'une maison dépendant de la succession renferme un trésor. M. Jaquinot s'empresse d'acheter cette maison, qu'il paie le double de sa valeur. On cherche vainement le trésor ; on y trouve, il est vrai, cent mille écus, mais ils appartiennent à Cécile, à qui son père les avoit légués en mourant. M. Jaquinot est trop heureux que son frère veuille bien annuler son acquisition. Cécile épouse Adolphe.
Peu d'action, mais de fort jolies scènes, des vers très-heureux ; du succès.
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, chez Madame Masson, an XII – 1804 :
Le Trésor, comédie en cinq actes, en vers ; Par Andrieux, de l’Institut national . Représentée pour la première fois au Théâtre Louvois, le 7 Pluviôse de l’an XII de la République, (28 janvier 1804.)
Courrier des spectacles, n° 2528 du 8 pluviôse an 12 [29 janvier 1804], p. 2-3 :
[Jeu de mot habituel sur le titre de la pièce : c’est un trésor, mais seulement pour le style, tout à fait remarquable : c’est l'œuvre d’un poète, mais pas d’un auteur dramatique, tant le plan de la pièce est peu soigné. Premier reproche, la lenteur de l’exposition, et son manque de clarté ; une double intrigue ; une déclaration d’amour déplacée. Plus encore, les deux premiers actes sont peu remplis, et ne sont sauvés que par « les détails les plus aimables ». Et si l’acte trois est « beaucoup plus fort », l’acte quatre repose sur un « moyen […] trop recherché » (une baguette divinatoire ». Si bien qu’on peut s’interroger sur la réduction de la pièce à trois actes au lieu de cinq. Le critique penche plutôt sur la suppression de l’acte quatre, vraiment faible, une reprise d’une partie de l’acte cinq à sa place, et un nouvel acte cinq. La suite de l’article résume l’intrigue, une affaire de succession qui met aux prises deux frères, l’un très amoureux d’argent, l’autre, homme de lettres, et bien plus désintéressé. Se greffe là-dessus une affaire de mariage, les deux intrigues étant reliées par la recherche d’un supposé trésor. Cet espoir d’un trésor conduit l’avare à acheter fort cher l’achat de la maison qui est censé l’abriter. Bien sûr, pas de trésor, le seul trésor est la dot de la jeune fille : elle va pouvoir épouser le fils de l’homme de lettres, la vente à l’avare étant annulée pour que personne n’ait de regret. Que dire de cette intrigue ? Rien. Le critique se contente de dire le bien qu’il pense des acteurs.]
Théâtre Louvois.
Il n’est pas étonnant que la foule se soit portée hier au théâtre Louvois, on y avoit annoncé un Trésor. Quant au style, ç’en est véritablement un que M. Andrieux a confié à son-ami Picard. Jamais peut-être ouvrage n’a offert .une si grande quantité de vers charmans. Au milieu d’un dialogue naturel et facile qui flatte continuellement l’oreille, l’esprit est à tout moment surpris, soit par une pensée ingénieuse et fine, soit par une peinture exacte de nos mœurs. L’auteur a eu l’art de les faire toujours naître du sujet. En un mot, comme poëte, son succès a été des plus complets. Il n’en est pas tout-à-fait de même comme auteur dramatique. M. Andrieux a beau coup plus soigné les détails que le plan de sa comédie.
On pourroit lui reprocher de la lenteur et peu de clarté dans l’exposition ; une double intrigue par l’introduction du personnage de Cécile qui semble d’abord devoir jouer un rôle important, et qu’on oublie pendant deux actes pour la voir reparoitre au cinquième. La déclaration d’amour qu’elle y reçoit est déplacée à cet instant de la pièce, et le regret assez enfantin qu’elle témoigne d’être devenue tout-à-coup riche, ne peut être excusé par la répugnance que son amant a témoignée de devoir sa fortune à une épouse. Aussi ce passage a-t-il excité de-légers murmures.
Les deux premiers actes ne sont peut-être pas assez remplis ; la scene de la fille de Jacquinot avec Cécile, est un peu longue, et n’est point utile ; la suivante, où Adolphe se fait adroitement entendre de Cécile, est fort ingénieuse. Ces deux actes sont sauvés par les détails les plus aimables.
Le troisième est beaucoup plus fort ; la scene de l’enchere est digne de nos plus grands maîtres. La baguette divinatoire formée du bois immortel, a produit un mauvais effet au quatrième acte : elle est trop longue, et d’ailleurs ce moyeu est trop recherché.
Nous avons entendu des gens de lettres connus par plus d’un succès au théâtre, dire à côté de nous que l’auteur feroit bien de réduire sa piece en trois actes. Cela nous paroitroit un peu difficile sans nuire au troisième acte, et sans ce qu’on appelle étrangler le dénouement. Peut-être seroit-il plus aise de supprimer le quatrième acte, qui nous paroit le plus foible, de le remplacer par une partie du cinquième et de faire un nouveau dernier acte, en répandant sur le personnage de Cécile une partie de l’intérêt qu’il annonce, et en faisant subir à la jeune Jacquinot la punition des mortifications qu’elle a voulu faire endurer à la pupile de son oncle.
M. Jacquinot et M. Latour, son frere, ont perdu leur pere il y a environ six. mois. Les affaires de la succession ont amené de Vitry à Paris M. Jacquinot, qui y avoit apporté trois cents louis,
Et qui ne voit encor finir, que son argent.
Cette lenteur dans les affaire ne satisfait point M. Jacquinot. Ce provincial aime beaucoup l’argent, cherche tous les moyens d'accroître sa fortune, et blâme l’insouciance de son frere à cet égard, parce que, dit-il,
Je vois, dans un logis quand quelqu’un se présente,
Par l’accueil qu’on lui lait combien il a de rente.
M. Latour est homme de lettres, premier motif pour ne point aspirer aux richesses. De plus sa famille est établie. Germain, son fils ainé, est homme de loi, et Adolphe, son autre fils , a été fait capitaine sur le champ de bataille. Il a remarqué le penchant de ce dernier pour Cécile, fille de M. Méry, ancien ami de son pere, que l'on croit sans fortune, parce que ce dernier en mourant a recommandé qu’on ne lui remît qu’à sa majorité une somme de cent mille écus qu’il lui laissoit.
Germain, notre jeune légiste, est assez jovial pour un disciple de Cujas. Il a reconnu que son oncle et sa tante étoient fort intéressés et crédules ; que cette derniere alloit avec sa-fille consulter une sorcière. Il court chez celle ci, la gagne et l’engage à persuader à madame Jacquinot qu’un trésor est caché dans la maison qui depend de la succession.
Il se sert de l’entremise d’un [sic] espece d’intrigant pour faire accroire la même chose à M. Jacquinot. Celui-ci en fait part à M. Durban, son conseil, qui l’engage à demander la licitation de la maison pour s’approprier la somme entière.
Malgré sa répugnance à quitter la maison de ses pères, M, Latour qui suit les avis de Germain, consent à une enchère entre son frère et lui. La maison qui paroît valoir cinquante mille livres monte jusques à cent mille par la ruse de Germain qui en vante tantôt le potager et tantôt
La petite terrasse
Où je jouois souvent en revenant de classe.
Elle est adjugée à ce prix à M. Jacquinot, qui malgré toutes ses recherches, ne trouve pas le trésor, non plus que son épouse, qnoiqu’avec le secours de M. Humbert, jeune Prussien, ami de la maison, et qui, pour seconder Germain, s’est fait passer pour avoir l’art de découvrir par l’art magique les secrets les plus cachés.
Il existe véritablement un trésor dans la maison mais ce sont les 100,000 écus appartenant à Cécile ; M. Latour en instruit son frère, qui prétend en devenir propriétaire, comme acquéreur ; mais les actes qui en constatent la propriété sont en règle, et obligé de renoncer à ses prétentions, M. Jacquinot est trop heureux de voir, par la générosité de son frère, annullcr son acquisition. Cécile épouse Adolphe.
Tous les acteurs méritent des éloges par les soins qu’ils ont apportés à monter cette pièce, mais Vigny et Mad. Molé y ont sur-tout mérité et obtenu les plus vils applaudissemens.
Geoffroy, Cours de littérature dramatique, seconde édition (1825), tome cinquième, p. 118-121 :
[L’article de Geoffroy commence par le rappel des pièces qui pourraient servir de source à la pièce nouvelle, mais pour dire que ce n’est pas le cas... Puis il analyse le sujet (avec parfois de curieuses digressions, par exemple sur la différence des caractères entre les frères). Il finit cette analyse en soulignant le caractère convenu du mariage final, « pour suivre l’usage ». Il critique d’ailleurs le faible lien de l’intrigue sentimentale avec l’intrigue principale (on est proche du viol de l’unité d’action) et aussi le sentimentalisme des tourtereaux, en un siècle « où l’argent, dit-il, ne gâte rien ». L’intrigue est jugée pauvre et « bien peu dans nos mœurs », puisque, d’après Geoffroy, « il n'y a plus à présent d'avares, plus de trésors » et que « la dot des filles est dans leurs attraits ». C’est le règne de l’argent qui corrompt tout qu’il décrit. Les deux personnages les plus marquants sont le couple d’avares, qui sont aussi les mieux joués. La pièce a réussi grâce à des détails agréables et à des scènes ingénieuses. La pièce toutefois, aux yeux du critique, manque d’intérêt et ennuie par ses longueurs. Si elle a réussi, ce n’est pas un succès enviable, ni pour l’auteur, ni pour le théâtre.]
LE TRÉSOR.
Le Trésor de M. Andrieux n'a presque rien de commun ni avec le Trésor supposé de Gueulette, joué aux Italiens en 1720 avec peu de succès, ni avec le Trésor caché de Destouches, représenté sur le même théâtre en 1745, et très-mal accueilli du public. L'idée n'est cependant pas bien neuve, et je me rappelle que le comique de quelques-unes de nos pièces les plus modernes, porte aussi sur un personnage trompé par la fausse espérance d'un trésor.
M. Jacquinot et M. de Latour sont occupés à partager la succession de leur père mort depuis six mois. Les deux frères sont très-différens d'humeur : le premier est avare, ignorant et grossier ; le second est poli, désintéressé, et homme de lettres tel qu'on n'en voit plus guère aujourd'hui. Depuis long-temps Apollon s'est réconcilié avec Plutus ; la littérature a donné la main à la finance ; nos sages ont compris que ce n'était pas la peine d'avoir de l'esprit, si on n'avait pas celui de faire sa fortune. Corneille, La Fontaine, et plusieurs autres gens de lettres distingués dans le siècle de Louis XIV, furent assez sots pour vivre et mourir dans l'indigence : nos lumières, à cet égard, l'emportent de beaucoup sur celles du siècle de Louis XIV ; nous sommes plus grecs que les Grecs eux-mêmes, qu'Horace nous représente assez simples pour préférer la gloire à l'argent:
Prœter laudem, nullius avaris.
Quoi qu'il en soit, cet honnête M. Latour a deux fils ; l'un, homme de loi, nommé Germain ; l'autre, militaire, appelé Adolphe. Le militaire est galant, et fait l'amour ; l'homme de loi est rusé, et s'amuse à tromper son très-honoré oncle, M. Jacquinot, lequel a une femme aussi avare que lui, et une fille aussi sotte que son père et sa mère.
Madame Jacquinot et sa fille ont grande confiance à une diseuse de bonne aventure. L'homme de loi gagne à prix d'argent cette friponne, et l'engage à persuader à madame Jacquinot que la maison de son beau-père, laquelle est au nombre des effets de la succession, recèle un riche trésor. L'oracle de la sorcière est confirmé par un intrigant, ami de Germain, qui donne à M. Jacquinot les renseignemens les plus positifs et les plus séduisans sur ce prétendu trésor. Il n'en faut pas davantage pour enflammer l'avarice de M. Jacquinot, qui, par le conseil de son avocat, exige la licitation de cette précieuse maison.
M. de Latour, plein de sentimens et de délicatesse, abandonnerait à regret le foyer paternel et les dieux pénates qui ont élevé son enfance ; mais l'avare Jacquinot, tourmenté par la soif de l'or, presse impitoyablement l'enchère. Chaque offre le fait tressaillir ; il croit trouver dans l'enchérisseur un concurrent à la possession du trésor ; et, prodigue par avarice, il fait monter à cent mille francs une maison qui en vaut à peine cinquante mille : à ce prix on la lui adjuge. Cette scène est la meilleure de la pièce, et montre ce que M. Andrieux pouvait faire dans ce genre, s'il eût été plus fidèle et plus assidu à la cour de Thalie, et s'il n'eût pas donné pour rivale à cette muse folâtre l'austère et grave Thémis.
A peine Jacquinot est-il déclaré adjudicataire, que sa femme et lui entreprennent la recherche du trésor avec une ardeur infatigable. Un plaisant, aposté par Germain, se fait passer pour sorcier et leur offre le secours de son art : le trésor fût-il enfoui au centre de la terre, sa baguette merveilleuse aurait le pouvoir de l'en arracher ; cependant, en dépit de la baguette, on ne découvre aucune trace du trésor. La scène donne un peu dans la farce, et n'a pas fait plaisir. Jacquinot au désespoir voudrait du moins, pour se consoler, mettre la main sur une somme de cent mille écus déposée entre les mains de son père, par un ancien ami nommé Méry ; mais il est si évident et si constaté que ce dépôt ne peut faire partie de la maison vendue, que l'inconsolable Jacquinot n'aurait plus qu'à se pendre, si son frère n'avait la générosité de le rendre à la vie et d'annuler l'acquisition.
Pour suivre l'usage, qui veut que les comédies se terminent par un mariage, le galant militaire épouse Cécile, fille de M. Méry, laquelle a pour dot les cent mille écus dont Jacquinot aurait bien voulu s'emparer. Leurs amours, éclipsés par les fourberies de l'homme de loi, ont fait peu de sensation dans le cours de la pièce : ils y sont déplacés et forment une double action ; mais les deux amans n'en sont pas moins des modèles de sensibilité et surtout de délicatesse, au point que la jeune personne, quand elle apprend qu'elle a cent mille écus, s'afflige naïvement d'être si riche ; elle semble craindre de devoir le cœur d'Adolphe à un autre sentiment que l'amour : Adolphe, de son côté, rougirait de devoir sa fortune à sa femme. Le parterre a peu goûté ces chimères raffinées, et aujourd'hui plus que romanesques : l'argent, dit-on, ne gâte jamais rien; il est aussi utile en amour qu'à la guerre.
L'intrigue du Trésor est, comme on voit, un fond bien pauvre ; elle est peu dans nos mœurs : il n'y a plus à présent d'avares, plus de trésors ; la dot des filles est dans leurs attraits ; le grand trésor est l'industrie. Dans les gouvernemens oppresseurs et despotiques, où la propriété est incertaine, le riche enfouit en tremblant son or ; les entrailles de la terre regorgent de trésors, et sa surface offre l'image de la misère et de la terreur ; mais dans nos régions fortunées on ne craint pas même ses créanciers : on dissipe avec confiance ce qu'on a et ce qu'on n'a pas ; on précipite dans le torrent de la circulation son argent et celui des autres : la banqueroute est une source inépuisable de trésors.
Il n'y a que deux rôles qui aient du mouvement et qui réchauffent l'action : l'avarice de M. et de madame Jacquinot est l'âme de la pièce ; ce sont aussi les deux personnages les mieux joués. On a rendu justice aux détails agréables de l'ouvrage, à quelques scènes ingénieuses ; par égard pour le talent de M. Andrieux, on a supporté le défaut d'intérêt et l'ennui de quelques longueurs. La pièce a réussi, mais les amis de l'auteur ne peuvent pas lui souhaiter souvent de pareils succès. Cette comédie, estimable sous plusieurs rapports, ne peut être ni pour sa gloire un ornement, ni pour Louvois un trésor. (9 pluviose an 12.)
Magasin encyclopédique, ou Journal des sciences, des lettres et des arts, année 9, tome 4 (frimaire an 12), p. 539-540 :
[Compte rendu rapide : analyse du sujet, jugement positif (« les détails sont aimables, le style charmant et quelques scènes d'un bon comique ». C’est tout, rien par exemple sur la représentation.]
Le Trésor, comédie en cinq actes et en vers.
La Tour et Jacquinot sont deux frères d'un caractère tout-à-fait opposé. L'un, membre de l'Institut, cherche à s'illustrer : l'autre, commerçant, ne veut que s'enrichir. Tous deux desirent s'approprier la maison que leur père leur a laissée ; mais, par un motif différent, Latour, parce qu'il y a longtemps habité avec son père ; Jacquinot, parce qu'il a entendu dire qu'elle renfermoit un trésor. Un fils de Latour fait parvenir à son oncle un faux avis sur ce trésor et double l'envie qu'il a d'acquérir la maison. M.me Jacquinot a, de son côté, consulté les sorcières et ayant obtenu des réponses favorables, la maison est payée le triple de sa valeur. Cependant on procède à la recherche du trésor qui ne se trouve pas : Latour, instruit par son fils, leur en découvre un. C'est une cassette qui renferme pour cent mille écus de billets et de bijoux. Jaquinot comme adjudicataire, réclame la cassette ; mais un acte en bonne forme prouve que ce trésor appartient à une jeune orpheline qui épouse un des fils de Latour et lui apporte la cassette en dot. Tel est, en peu de mots le fonds de cet ouvrage, dont les détails sont aimables, le style charmant et quelques scènes d'un bon comique. Cet ouvrage ne peut que faire honneur à la plume de M. Andrieux.
Le Nouvel Esprit des journaux français et étrangers, tome septième, germinal an XII [mars 1804], p. 273-277 :
[Il est rare de lire un compte rendu si élogieux pour une comédie. Il s’ouvre sur l’analyse de l’intrigue. Puis le jugement porté souligne la réussite remarquable des trois premiers actes, talent comique et grâce du style. Les deux derniers actes seuls sont moins efficaces, bien que le style en reste correct, facile et plein de grâce. Le critique s’interroge sur cette baisse de l’effet produit, avant de conclure que ce qui pêche, c’est le manque de liaison entre les deux parties de la pièce. Il se permet prudemment de suggérer d’améliorer la connexion entre le trésor cherché et le trésor réel et de tirer un meilleur partie de l’opposition du caractère des deux frères. Mais le dernier paragraphe couvre d’éloges l’auteur, qui revient au théâtre après une longue interruption, et dont le talent apparaît mûri par le temps.]
THÉATRE LOUVOIS.
Le Trésor, comédie en cinq actes, en vers.
Jaquinot et la Tour, fils du même père, sont de caractère bien opposé. Le premier n'est agité que du désir de s'enrichir, et l'autre de celui de s'illustrer par ses talens : l'un est commerçant, l'autre membre de l'institut.
Tous deux ont envie de s'approprier la maison que leur père leur a laissée en commun, mais par des motifs bien différens : la Tour y tient parce qu'il l'habite et parce qu'il y a long-tems vécu avec son père, et Jaquinot .parce qu'il, a, entendu dire qu'un Anglais fort riche, qui l'avait jadis occupée, y a laissé un trésor enfoui.
Un des fils de la Tour, pour s’amuser de la cupidité de son oncle et de sa .tante, leur fait parvenir de faux avis sur ce trésor et redouble leur envie de s’en emparer. La maison est mise à l’enchère et payée le triple de sa valeur par l’avide commerçant , aidé d'un procureur au moins aussi intéressé que lui.
Il n'a pas plutôt acquis cette propriété qu'il cherche le prétendu tésor, et se désole de ne rien trouver.
Mme. Jaquinot, de son côté, a consulté les sorcières pour savoir à quoi s’en tenir, et tous les renseignemens qu'on lui donne, suggérés par le caustique neveu, enflamment son,imagination.
Jaquinot et son conseil se soupçonnent bientôt et s'accusent réciproquement de vouloir garder le trésor.
Cependant la Tour, instruit par son fils de l'aventure dont il s'agit, vient redoubler leur espoir en disant qu'il existe en effet un trésor caché et que lui seul connaît l'endroit. Il ouvre une cloison pratiquée secrètement, et tire une cassette- où se trouvent des billets et des bijoux pour au moins cent mille écus.
Jaquinot, comme adjudicataire, réclame la loi thesaurus in digesto, et prétend que la cassette lui appartient. Mais l'acte de dépôt, fait chez un notaire, prouve sans réplique que ce trésor a son maître , et qu’il doit être remis à une jeune orpheline, laissée entre les mains de la Tour, lorsqu’elle aura atteint sa majorité, avec la prière d'épouser un des fils de son curateur ; ce qui souffre d'autant moins d’obstacle que le jeune fils de la Tour est amoureux et aimé de Cécile. Ainsi la fortune, dit le philosophe à son frère,
Fuyant qui la poursuit, cherche qui la néglige.
Ainsi la modération est récompensée et la cupidité punie. Telle est à-peu-près l'analyse, tel est le but moral de l’ouvrage.
Il est difficile qu'une comédie réunisse dans les trois premiers actes plus de talent comique et plus de grace dans le style ; la première scène entre les deux frères est digne des plus grands maîtres ; celle du second acte, où le jeune militaire trouve le secret de déclarer son amour à Cécile, en face même de «a rivale, qui s'applique d'une manière risible la déclaration, est d'un sel fin, piquant et gracieux ; la scène de l'adjudication est d'une gaîté franche, d'un naturel exquis, et cependant d'une tournure originale. Les deux derniers actes produisent un peu moins d'effet, quoique le style y conserve sa facilité, sa correction et sa grace. Ne serait-ce pas qu'en effet les trois premiers promettent davantage ? Ne serait-ce pas que tout-à-coup la pièce change de ton et même d'objet, et que le trésor ne devient plus qu'un accessoire épisodique ? Ne serait-ce pas que la mystification des Jaquinot devient trop longue sans changer leur situation ? J'oserais penser que ces deux parties de l'ouvrage ne sont pas assez liées l'une à l'autre. Certes il ne m'appartient pas de substituer mes idées à celles de M. Andrieux, qui sans doute avait médité son sujet plus long-tems que je n'ai pu le faire ; mais il me semble que de la connexion plus prononcée entre le trésor cherché et le trésor réel, devaient naître des incidens plus variés et plus comiques, et peut-être suffisans pour réchauffer l'action des deux derniers actes ; peut-être aussi cette première scène étincelante de détails heureux, semblait-elle exiger que dans le courant de l'ouvrage, cette opposition si bien établie des deux caractères servît plus efficacement au nœud même de l'intrigue.
Quoi qu'il en soit, la pièce, telle qu'elle est aujourd'hui, et sur-tout depuis les nouveaux changemens, restera certainement comme une preuve du talent éminent et réel de M. Andrieux pour la bonne comédie. Ceux même qui s'étaient flattés d'en trouver encore davantage, sont forcés de convenir que si la conception totale répondait à celle de quelques scènes et à la perfection du style, l’ouvrage se placerait à côté de ceux de nos plus grands auteurs. .La longue interruption que M. Andrieux a fait subir à ses travaux littéraires, a peut-être influé sur la sûreté de sa touche ; mais il est justement à l'âge où, lorsqu'on en reprend l'exercice, on retrouve toute son énergie avec plus de maturité, et cet espoir des vrais amis de l'auteur ne peut, ce me semble, que s'affermir davantage par la comédie même du Trésor.
La base César, qui limite ses recherches au théâtre d'ancien régime, attribue à la pièce d'Andrieux, pourtant créée en 1804, toute une série de représentations, du 14 février 1796 au 16 octobre 1799. Il s'agit bien sûr d'une confusion avec plusieurs pièces, dont celle de Ségur jeune, et une pièce d'auteur anonyme en un acte signalée par Louis-Henry Lecomte, Histoire des théâtres de Paris : les Variétés amusantes, 1778-1789, 1793-1798, 1803-1804, 1815, p. 235 (« 4 ventôse (23 février [1796]) : Le Trésor, comédie en 1 acte, par ***. – Non imprimée. »)
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