Le Tribunal invisible, ou le Fils criminel, mélodrame en trois actes mêlé de pantomime, chants et danses, paroles de J.-G.-A. Cuvelier, musique de Quaisain, ballets de Richard, 10 floréal an 10 [30 avril 1802].
Théâtre de l'Ambigu-Comique
Sur la page de titre de la brochure, à Paris, se vend au théâtre, an 10-1802 :
Le Tribunal invisible, ou le Fils criminel, mélo-drame en 3 actes, mêlé de pantomime, représenté, pour la première fois, sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, le 10 floréal an X. - 30 avril 1802.
Rarò antecedentem scelestum deseruit pede panaclaudo.
HORACE.
Imitation libre :
La justice est tardive ;
Mais on la fuit en vain:
A pas lents elle arrive,
Et punit à la fin.
Courrier des spectacles, n° 1882 du 11 floréal an 10 [1er mai 1802], p. 2 :
[La pièce met sur la scène le fameux « tribunal secret de Francs-Juges » créé par Charlemagne, un tribunal auquel nul ne pouvait se dérober. Mais la tentative de Cuvelier n'est pas très réussie : le public a vivement réagi au troisième acte, joué « au milieu du tumulte et des plus violentes marques d’improbation ». Et le titre est jugé trompeur, puisqu'on ne voit qu'un des juges. L'intrigue est bien celle d'un mélodrame, puisqu'elle montre un haut personnage ayant fait enfermer son père et ayant empoisonné sa sœur. Celle-ci a un fils de son union avec Astolphe de Westerbourg, mais après la mort de sa mère, et en l'absence de son père, il est confié à une amie de sa mère. Astolphe meurt au loin, il ne reste que son père qui s'évade et a été choisi comme Grand Juge. On retrouve alors tous les ressorts du mélodrame : emprisonnement, évasion, enlèvements, délivrance des gens enlevés, porte secrète dans un souterrain, reconnaissance (le fils reconnaît dans le juge son père qu'il a fait enfermer), et dénouement heureux : le méchant fils subit le châtiment qu'il voulait infliger à son père. Le critique porte un jugement plutôt sévère sur la pièce : un rôle de niais « absolument nul », des monologues interminables du mauvais fils, qui passe son temps à délibérer : « il faloit en faire un scélérat décidé » ; un probable anachronisme (des fusils à l'époque des Francs Juges ?). Par contre, beau décor à l'acte 3, et ballets du second acte « agréablement dessinés et bien exécutés ». Les principaux interprètes sont cités avec des éloges. Mais tout ce qui n'est pas cité est sans doute moins convaincant.]
Théâtre de l'Ambigu- Comique.
L'histoire et ensuite les romans ont révélé l’existence d'un tribunal secret de Francs-Juges établi par Charlemagne dans la Saxe, et devant lequel les princes eux-mêmes lorsqu’ils étoient cités, ne pouvoient se dispenser de comparaître. C’est cette association redoutable de Juges que le cit. Cuvelier a voulu mettre en scène. Il y a assez bien réussi dans les deux premiers actes, mais le troisième n'a été joué qu’au milieu du tumulte et des plus violentes marques d’improbation. Il ne nous a pas précisément montré les Juges assis au tribunal et rendant leurs terribles arrêts ; il n’a fait paroître et agir qu’un de ces Juges qui tient particulièrement à l’action elle-même, ainsi qu’on le verra par cette analyse.
Evrard de Heidelberg s'est emparé de la puissance souveraine en faisant enfermer son père dans un cachot. A ce crime, il a ajouté celui d’empoisonner sa sœur Anna, unie malgré lui au landgrave Astolphe de Westerbourg. Anna avant d’expirer a donné le jour à un fils qui, dans l’absence d’Astolphe occupé à combattre les infidèles, a été recueilli et sauvé par une amie d’Anna nommée Yolande Gogueluck.
Cependant Astolphe est mort dans des régions éloignées, mais le Comte de Heidelberg, le père d’Evrard, respire encore ; il a trouvé le moyen de briser ses fers et il s’est rendu à la cour de Saxe, dont le Duc l’a fait Président du Tribunal Invisible qui siège dans la forêt et tout près du château de Heidelberg. Evrard qui a surpris le secret d’Yolande, et qui sait que l'enfant qu’elle élève est le fils d’Astolphe son ennemi veut le faire enlever de force, lorsque le Grand Juge paroît, ordonne aux soldats de mettre bas les armes et emporte en triomphe l’enfant qu'il protège.
Evrard abandonné par ses soldats a recours à ses Hongrois qui ne reconnoissent point l’autorité du Tribunal. C'est avec eux, que cité à comparoître, il met en fuite un détachement envoyé pour l’escorter ; c'est avec eux qu'il enlève dame Yolande, le jeune Astolphe et tous ceux qui s’intéressent à lui. Il les fait enfermer dans une tour où il place deux gardes. D'après ses ordres, son confident cherche à les porter à massacrer leurs prisonniers. Les deux soldats révoltés d’abord de la proposition, feignent d’entrer dans les vues d'Evrard ; mais lorsque son confident est éloigné ils jurent sur leurs armes de mourir plutôt que de faire l’office de bourreau En cet instant le Grand Juge sort du souterrein par une porte secrète, et après les avoir mis dans ses intérêts, il délivre le jeune Astolphe et dame Yolande et ensuite rentre avec eux dans son asyle. Evrard furieux de voir ses victimes lui échapper est bientôt enveloppé lui-même par les gardes du Tribunal Invisible , et il reconnoît dans le Grand Juge son propre père qui le condamne à subir le châtiment qu'il lui avoit réservé à lui-même.
Tel est le fonds de ce mélodrame qui n’est pas une des meilleures productions de l’auteur de la Fille Hussard, il s’en faut. Il y a un rôle d’une espèce de niais absolument nul, et qui a nui au succès de l’ouvrage. Les éternels monologues d’Evrard qui dans les trois actes est toujours entre le crime et les remords ont produit aussi un mauvais effet : il falloit en faire un scélérat décidé. L’auteur a donné des fusils aux soldats. Nous ignorons en quel tems il place l’action, mais certes, le Tribunal Invisible n’existoit plus lorsque la poudre fut inventée. La décoration du troisième acte est fort belle, et les ballets du second sont agréablement dessinés et bien exécutés. Le cit. Joigny attaché depuis quelques jours à ce théâtre, a dit et joué avec beaucoup de noblesse et de chaleur le rôle du Grand Juge. Le cit. Tautin qui remplissait celui d’Fvrard l’a rendu d’une manière satisfaisante. Le public a sçu gré au cit. Dufresne de s’être chargé de celui de confident et à [sic] applaudi à son intelligence.
Porte-feuille français pour l'an IX (1803) [quatrième année], p. 204-205 :
[Après un résumé assez rapide l'intrigue, le jugement porté est plutôt sévère : c'est surtout ce qui est accessoire que le critique retient. Mais ce qui est proprement dramatique paraît négligé, « invisible ». Du bruit et du mouvement, de beaux costumes. C'est néanmoins une « pièce de répertoire ».]
Le Tribunal Invisible, ou le fils Criminel, mélo-drame en trois actes, de Cuvelier, représenté le 10 floréal.
La scène se passe, en Saxe, au quinzième siècle. Le baron Evrard de Heidelberg, voulant s'emparer de la puissance souveraine dans le comité de Heidelberg a donné l'ordre d'assassiner son père, et d'empoisonner sa sœur. La malheureuse Anna a succombé, en laissant un fils de son mariage secret avec le jeune Astolphe, landgrave de Westerbourg : mais le comte de Heidelberg est vivant, il est même un des membres du tribunal secret de francs juges, établi dans la Saxe. Evrard, apprenant la retraite du fils de sa sœur, s'en empare, et est prêt de se souiller d'un nouveau crime, lorsqu'il est cerné dans son château, désarmé et condamné à une prison éternelle, dans le même cachot où il avait osé renfermer son père.
Quelques effets, surtout à la fin du premier acte, des tableaux, du mouvement, une explosion, des combats, une tour ...... une véritable pantomime : mais pour le style, les développemens, les situations, tout ce qui tient enfin à l'art dramatique... invisible. Des costumes soignés et riches. – Pièce de répertoire.
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